Olivier Véran pourrait « proposer une vaccination obligatoire » des soignants en septembre
Si le taux de vaccination des professionnels de santé ne s’améliore pas significativement au cours de l’été, particulièrement dans les Ehpad, le ministre de la Santé « pourrait être amené » à imposer une vaccination obligatoire des soignants, « vraisemblablement en septembre ». Auditionné au Sénat, le ministre est aussi revenu longuement sur le Ségur de la Santé et la réforme de 2019.
« Si vous avez encore cinquante questions à poser, je suis chaud ! » Au bout d’une heure et demie d’audition devant la commission des affaires sociales du Sénat, et quelque trente questions qui lui ont été adressées, le ministre des Solidarités et de la Santé Olivier Véran était prêt à poursuivre sa lancée, ce 23 juin après-midi. A l’origine, le rendez-vous ne devait porter que les suites du Ségur de la Santé ou encore l’application de la loi de 2019 relative l’organisation et à la transformation du système de santé (relire tous nos articles sur le sujet). La rencontre a très vite débordé sur les sujets brûlants d’actualité, liés à la pandémie de covid-19.
L’une des premières questions est venue du sénateur LR René-Paul Savary, le vice-président de l’ancienne commission d’enquête du Sénat sur la gestion de la crise sanitaire en 2020. Le médecin a demandé au ministre de « clarifier » ses propos sur l’éventualité d’une vaccination obligatoire des soignants. « On a un taux de couverture de vaccination chez les soignants qui est parfois plus faible que dans la population générale, c’est notamment le cas en Ehpad », a relayé Olivier Véran. Or, la vaccination leur est ouverte depuis janvier.
« Je le dis aux Français, la campagne vaccinale n’est pas terminée »
A la fin de l’été, le gouvernement n’exclut pas de se montrer coercitif. « Je souhaite qu’au cours de l’été nous fassions fortement grandir la couverture vaccinale de nos soignants, sans quoi, je le redis, vraisemblablement en septembre, je pourrais être amené à proposer une vaccination obligatoire […] Je ne laisserai pas les Ehpad à nouveau, infectés par le virus. »
Olivier Véran a notamment pris pour exemple une maison de retraite située dans les Landes, un département où le variant Delta concerne 70 % des nouvelles contaminations. Le ministre doit d’ailleurs accompagner Jean Castex demain à Mont-de-Marsan, pour une visite consacrée au déploiement de la campagne de vaccination. Dans l’Ehpad en question, six soignants ont contracté le variant Delta (60 % plus contagieux), « dont cinq non-vaccinés ». Chez les résidents, « la plupart » vaccinés, 23 ont contracté le virus, et 3 ont dû être hospitalisés. « 95 ans, vous avez beau être vacciné, vous avez un risque plus important de tomber malade », a mis en garde Olivier Véran. Alors que le rythme de nouveaux primo-vaccinés est en diminution en moyenne depuis un mois, le ministre de la Santé a également lancé un appel à toute la population, et notamment aux « jeunes de moins de cinquante ans ». « Je le dis aux Français, la campagne vaccinale n’est pas terminée […] Tant que la guerre n’est pas finie, il ne faut pas se désarmer », a martelé le ministre.
« On ne peut pas taxer le Ségur d’avoir laissé de côté des gens »
Au chapitre du Ségur de la Santé, qui approche de son premier anniversaire, plusieurs sénatrices comme Michelle Meunier (PS) ou Élisabeth Doineau (Union centriste) ont évoqué ces salariés du monde de la santé se présentant dans leurs permanences et s’estimant « oubliés » du grand mouvement de revalorisation salariale. « On ne peut pas taxer le Ségur [de la santé] d’avoir laissé de côté des gens, alors qu’il a englobé beaucoup plus de personnes que ce qui était prévu initialement », a répliqué le ministre. Olivier Véran a rappelé que le Ségur de « fin 2021 » n’était plus comparable au Ségur de « l’été 2020 », centrés sur les soignants de l’hôpital. Mais qu’il s’est entendu à d’autres personnels, « y compris le cantinier, le personnel administratif », mais également les soignants évoluant dans d’autres formes juridiques, notamment le privé à but non lucratif. « On n’est pas loin des deux millions de bénéficiaires du Ségur […] On est allés dans un périmètre beaucoup plus large qui peut potentiellement englober, si vous prenez tous les salariés du secteur social, médico-social, sanitaire, public-privé, vous allez arriver à 4-5 millions », a-t-il poursuivi.
Le sénateur (Les Indépendants) Daniel Chasseing est revenu sur le sujet, en affirmant que certains établissements médico-sociaux de son département de la Corrèze étaient sans nouvelle des effets du Ségur, comme des foyers occupationnels, des maisons d’accueil spécialisées (MAS) ou encore des instituts médico-éducatifs (IME). « Un certain nombre fait partie des bénéficiaires du Ségur », a assuré le ministre, estimant qu’il y avait un déficit dans la communication aussi bien du côté du ministère que des fédérations. « J’entends bien que tout cela doit se clarifier, mais ce sera le cas bientôt. » Certaines revalorisations de 183 euros net ne sont d’ailleurs pas encore en vigueur, certains accords étaient très récents. C’est le cas des établissements médico-sociaux non rattachés à un établissement de santé qui bénéficieront d’une augmentation à partir du 1er octobre 2021, ou encore de 64 000 professionnels soignants qui exercent dans des structures pour personnes en situation de handicap qui toucheront un complément de rémunération à compter du 1er janvier 2022.
« La France va passer de queue de peloton à un des pays leaders en matière de numérique en santé »
Le ministre a par ailleurs évoqué la formation des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS), l’un des dispositifs de la réforme de 2019 censée faciliter la coordination entre les professions médicales sur un territoire. Les coopérations se sont accélérées avec la crise sanitaire. Selon les données communiquées par Olivier Véran, ce sont 137 CPTS actuellement en fonctionnement et 584 seraient en projet. Le ministre a été interrogé sur le rôle que les agences régionales de santé (ARS) seraient amenées à jouer dans leur formation. Rien de plus qu’un rôle d’accompagnateur, selon lui. « Je préfère que ce soit les professionnels eux-mêmes qui se structurent. On n’est pas obligé d’avoir systématiquement le regard de l’administration. »
Interrogé sur la mise en place au 1er janvier 2022 des espaces numériques de santé, auxquels sera adossé le dossier médical partagé, facilitant la coordination entre les différents médecins autour d’un même patient, Olivier Véran s’est voulu résolument optimiste. « Cela marchera. La France va passer de queue de peloton à un des pays leaders en matière de numérique en santé. »
Stages en médecine dans les déserts médicaux : un décret gouvernemental qui se fait attendre
Au cours d’un échange assez confus, le ministre a peiné à fournir un bilan aux sénateurs sur le devenir du stage de six mois, imposé aux quelque 3 500 étudiants en médecine en dernière année d’internat, dans les cabinets médicaux des zones sous-dotées en professionnels de santé. Il s’agissait de l’un des apports majeurs du Sénat dans la loi de 2019, censé répondre en partie à la problématique des déserts médicaux. Pendant quelques minutes, l’incompréhension dominait les échanges de part et d’autre entre les sénateurs et le ministre. « On ne parle pas de la même chose », s’est étonnée Corinne Imbert, la sénatrice LR à l’origine de l’amendement.
Près de deux ans après l’entrée en vigueur de la loi, le décret d’application sur l’article manque toujours à l’appel. Les sénateurs ne sont visiblement pas prêts de relâcher la pression sur ce marqueur issu de leurs travaux, et devenu force de loi. Deux semaines plus tôt, une autre sénatrice, Angèle Préville (PS) s’était étonnée aussi du retard pris par le gouvernement dans la publication du décret. Là non plus, aucune explication n’avait été fournie, mais il ne s’agissait pas du ministre de la Santé.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.