Municipales : tensions entre LREM et le Modem, qui appelle à ne pas « être hégémonique »

Municipales : tensions entre LREM et le Modem, qui appelle à ne pas « être hégémonique »

Les investitures pour les municipales tendent les relations entre les alliés de la majorité présidentielle. « Il ne faut jamais être hégémonique, ni arrogant » met en garde le ministre Modem Marc Fesneau, interrogé par publicsenat.fr. Mais des deux côtés, on arrondit les angles en assumant les désaccords.
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Etre allié n’est pas toujours une sinécure. La perspective des élections municipales de mars 2020 complique les relations entre La République en marche (LREM) et le Modem. Les premières investitures présentées officiellement par le parti présidentiel n’ont pas vraiment plu aux centristes. Le parti de François Bayrou, déjà engagé dans des majorités sortantes de droite, mais aussi de gauche, peut ainsi vouloir repartir avec les mêmes. Ce qui ne colle pas forcément aux plans de LREM… Se mêle aussi une question de timing. Alors que le parti présidentiel cherche à aller vite, le Modem a un autre calendrier et préfère prendre un peu plus son temps, ne pas se précipiter.

« On espère s’éviter des discordances mais s’il y en a, nous assumerons sans difficultés »

Si l’heure n’est pas encore à la grosse fâcherie, ce n’est plus tout à fait la lune de miel. Pour arrondir les angles, on préfère encore se mettre d’accord sur les désaccords. « On espère s’éviter des discordances mais s’il y en a, nous assumerons sans difficultés. Nous assumons assez bien notre capacité d’indépendance et d’équilibre qui est notre ADN, ainsi que la loyauté à l’esprit de dépassement des clivages et de bienveillance de 2017 » glisse à publicsenat.fr Marc Fesneau, ministre Modem en charge des Relations avec le Parlement. L’ancien président du groupe Modem de l’Assemblée prévient :

« Il ne faut jamais être hégémonique, ni arrogant. C’est valable pour tous les partenaires et c’est aussi une autre manière de faire de la politique »…

Mardi, l’actuel président du groupe Modem du Palais bourbon, Patrick Mignola, avait déjà alerté. « On se doit d'éviter deux écueils : ceux du parti unique et de la pensée unique », a-t-il expliqué, assumant un « désaccord » stratégique avec LREM. La situation n’est pas sans rappeler les querelles passées entre le PS, alors tout puissant à gauche, et ses alliés communistes ou écologistes, souvent mis au pied du mur. « Ça ressemble à l’ancien monde en tout cas » constate un élu du Modem.

Le cas de Bordeaux est le plus symbolique. LREM a décidé de donner son investiture à Thomas Cazenave, délégué interministériel à la transformation publique. Le Modem entend lui soutenir le maire LR sortant Nicolas Florian, qui a hérité du siège d’Alain Juppé. Son premier adjoint est membre du Mouvement démocrate. « Il m’a semblé qu’il était plus important de faire un choix audacieux plutôt qu’un choix de confort, qui aurait été de soutenir le maire sortant » a justifié mardi sur Public Sénat Stanislas Guerini, délégué général de LREM. « Il n’a voulu du soutien de personne et il est resté neutre lors des européennes. Et LREM, c’est le renouvellement » ajoute Françoise Cartron, sénatrice LREM de Gironde, et ancienne du PS.

« On ne sait pas toujours raconter une histoire commune »

Chez les macronistes, on minimise la situation. « Le Modem est remonté parce qu’il y a une négo, c’est normal » selon une ministre LREM, qui fait mine de ne vraiment pas s’en inquiéter. « On discute toutes les semaines à différents niveaux avec le Modem, notamment avec les cadres chargés des élections. J’échange avec François Bayrou, Marielle de Sarnez. Tout est fluide. On cherche toujours le consensus, c’est l’objectif final. Parfois, on n’arrivera pas à se mettre d’accord car on ne sait pas toujours raconter une histoire commune. Mais l’essentiel est de se parler entre alliés » raconte Pierre Person, numéro 2 de LREM.

L’idée reste d’avoir un dialogue qui mène à un maximum d’alliance. Chez LREM, on n’a pas vraiment l’impression de vouloir imposer sa vision aux autres. « Être hégémonique, ce serait faire du dégagisme. Ce serait avoir des candidats partout, et ne pas prendre en compte les bilans » répond un député LREM. Le même ajoute :

« Le Modem surjoue. Il a besoin de faire acte d’autorité auprès de ses troupes, de les galvaniser. Mais il y a beaucoup de façade dans tout ça ».

« Le petit dej’ à Matignon a été tendu. Ça a frité sur Bordeaux »

D’autres villes concentrent les difficultés entre marcheurs et élus locaux Modem, comme Clermont-Ferrand, Saint-Etienne, Aix-en-Provence ou encore à Rosny-sous-Bois. La question de Dijon se pose aussi, où le Modem fait partie de la majorité du maire PS François Rebsamen.

Si les responsables LREM jurent qu’au fond, tout va bien, le Modem n’apprécie pas la séquence. Il l’a fait savoir mardi, lors du petit-déjeuner hebdomadaire de la majorité. « Le petit dej’ à Matignon a été tendu. Le Modem n’a pas apprécié pour Bordeaux, il n’est pas content. Ça a frité sur ça » selon un responsable de la majorité présidentielle. Selon le même, Edouard Philippe défend l’idée de listes d’alliance. « Le premier ministre dit que pour avoir des élus, il faut jouer placé sur des listes gagnantes, plutôt que jouer perdant sur des listes autonomes ». De quoi avoir « des présidents de communautés de communes, des adjoints, ce qui fait ensuite des élus pour les sénatoriales ».

« Il y a des choix qui seront différents de ce que certains veulent, premier ministre compris »

Pour compliquer la situation, le premier ministre lui-même n’apprécie pas toutes les investitures, selon Le Monde. Il voit certains maires LR, qui avaient fait un pas vers la majorité, ne pas être investis, comme à Vannes. « Ce n’est pas parce que des maires ont signé la tribune de soutien à Macron, qu’on va les investir. On ne fait pas d’accord d’appareil » prévient-on du côté de LREM. Pour un élu de la majorité, le parti doit assumer ses décisions : « Il y a des choix qui seront différents de ce que certains veulent, premier ministre compris »…

Mais selon un responsable de la majorité LREM, la volonté de ne pas investir tous les maires LR pro Macron a une autre explication. « On a beaucoup de candidats de droite qui veulent dealer. Mais peu de candidats de gauche » confie-t-il. Autrement dit, il s’agit de compenser une jambe droite trop musclée, avec une jambe gauche encore trop maigrelette. Mais le Modem n’entend pas que le centre soit oublié au passage.

« Emmanuel Macron est darwinien et pragmatique »

Et que dit le Président ? Joue-t-il les juges de paix ? « Il peut être plus dur, dans le sens où si des gens hésitent, il faut y aller. Mais en même temps, ça dépend des cas. Emmanuel Macron est darwinien et pragmatique » explique un poids lourd de la majorité. Mais un autre principe de réalité s’imposera à la majorité présidentielle : si les divisions locales entre LREM et Modem se multiplient, à coups de listes concurrentes, ce sera autant de risques de perdre lors des municipales.

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