Municipales: au Havre, Edouard Philippe tente de passer sous les radars nationaux
Comment échapper aux enjeux nationaux dans un scrutin local ? Au Havre, Edouard Philippe tente, tant bien que mal, de normaliser sa campagne...
Par Jérémy MAROT
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Comment échapper aux enjeux nationaux dans un scrutin local ? Au Havre, Edouard Philippe tente, tant bien que mal, de normaliser sa campagne municipale face à des concurrents pas mécontents de capter la lumière des projecteurs pour faire valoir leurs causes.
S'il n'était pas Premier ministre, personne ne prêterait vraiment attention à ces scènes de la vie ordinaire d'un candidat en quête de réélection: réunions de mobilisation, dépôt de liste en préfecture ou encore passage en tribune du match de football du HAC, tristement battu vendredi soir par la lanterne rouge de Ligue 2 Orléans (2-1).
Difficile cependant d'échapper à sa condition, malgré d'incontestables efforts pour tenir à l'écart le petit contingent de journalistes dépêchés depuis Paris pour chroniquer ses faits et gestes.
Samedi matin, en marge d'une visite à l'Association de sauvegarde du patrimoine maritime, dans un hangar où trône la gigantesque enseigne de l'ancien paquebot France, M. Philippe a réfuté toute incompatibilité: il faut séparer le ministre parisien de l'élu havrais.
"C'est une question de concentration sur ce que je fais", confie-t-il.
Edouard Philippe au Havre, le 20 février 2020
AFP
"Quand je suis au Havre, je fais la campagne du Havre et je parle aux Havrais et aux Havraises de ce que je souhaite faire dans les six années qui viennent pour continuer à transformer la ville. Et puis s'il y a des gens qui veulent me parler de national au Havre, c'est leur choix. Je ne fais pas ça", assure-t-il.
En conférence de presse quelques centaines de mètres plus loin, le candidat du Rassemblement national Frédéric Groussard est pour sa part bien décidé à amalgamer tous les enjeux pour, croit-il, maximiser ses chances.
"Très clairement Edouard Philippe subira un vote sanction", assène celui qui ne manque pas de rappeler qu'il est un Havrais pur sucre "depuis 49 ans", quand M. Philippe, lui, ne serait "Havrais uniquement quand il en a besoin".
A ses côtés, le vice-président du parti Jordan Bardella acquiesce et force le trait: le vote sanction s'exercera "non pas seulement contre le (maire) sortant mais aussi contre la politique du gouvernement, incarnée par Edouard Philippe qui est l'avocat de la brutalité sociale (...) et de la guerre du tous contre tous".
- "Plus belle la vie" -
Arrivé en tête au Havre aux élections européennes en conduisant la liste RN (22,55%), M. Bardella lance aussi crânement un appel aux électeurs Les Républicains, "orphelins" après le ralliement de M. Philippe à Emmanuel Macron en 2017. "A ceux-là nous voulons dire: +venez travailler à nos côtés, venez nous rejoindre, nous vous tendons la main+", ajoute-t-il, lorgnant les bulletins qui ont permis à M. Philippe d'accéder à l'hôtel de ville dès le 1er tour en 2014 sous l'étiquette UMP.
Dans une ville où la contestation contre la réforme des retraites reste relativement forte (2.200 manifestants jeudi) et marquée par des "opérations port mort", quelques affiches siglées CGT et "gilets jaunes" champignonnent, appelant à "voter contre Edouard Philippe pour sauver Le Havre et la France".
Cependant, le député (PCF) et candidat Jean-Paul Lecocq ne veut pas "commencer à appuyer sur ce bouton, même si les gens m'en parlent".
"Si on commence à nationaliser la campagne, on ne parlera plus des Havrais. On parlera de la réforme des retraites et plus des quartiers", ajoute-t-il, pestant contre "les questions des journalistes qui nous demandent sans cesse de raconter le +Plus belle la vie+ de la campagne d'Edouard Philippe".
M. Lecocq épingle aussi la campagne "start-up" de M. Philippe, qui dévoilera son programme le 5 mars, à dix jours seulement du 1er tour. Or, sans vision sur ses propositions, comment instaurer un débat purement local ?
"Mon programme pour 2020-2026 est assez largement contenu dans ce que j'avais engagé depuis 2014", répond l'intéressé, en plaidant pour la "continuité". Interrogé sur ses intentions en matière d'écologie, il évoque ainsi "l'électrification des quais" pour les paquebots, afin qu'ils coupent leurs moteurs, la construction d'une nouvelle ligne de tramway, le développement de "la mobilité électrique"....
Mais "le programme d'Edouard Philippe, c'est Edouard Philippe lui-même", assène en retour M. Lecocq.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.