Moralisation : les sénateurs étendent l’inéligibilité aux élus condamnés pour harcèlement sexuel

Moralisation : les sénateurs étendent l’inéligibilité aux élus condamnés pour harcèlement sexuel

Les sénateurs ont adopté un amendement PS étendant les peines d’inéligibilité en cas de condamnation pour harcèlement sexuel et/ou moral, contre l’avis de la ministre Nicole Belloubet. Un amendement communiste supprimant le verrou de Bercy a aussi pu être adopté.
Public Sénat

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

Les sénateurs ont débuté mardi l’examen des articles du projet de loi rétablissant la confiance dans l’action publique, non sans montrer leurs différences avec le gouvernement. Si le Sénat partage l’esprit général du texte, il ne s’est pas privé de le modifier en commission. Dès le début des débats en séance, les divergences avec la ministre de la Justice, Nicole Belloubet, sont vite apparues et se sont multipliées.

Un amendement de la sénatrice PS Laurence Rossignol (voir au début de la vidéo) étendant les peines d’inéligibilité en cas de condamnation pour harcèlement sexuel et/ou moral a été adopté contre l’avis du gouvernement. Françoise Laborde (PRG, membre du groupe RDSE), qui avait déposé un amendement similaire, l'a retiré. Le président LR de la commission des lois, Philippe Bas, a soutenu un amendement « bien inspiré ».

« Signal important à envoyer »

La ministre assure partager «  pleinement » l’objectif de l’amendement, mais met en garde contre les risques juridiques, appelant à ce que « l’écriture de nos textes soient le plus conforme à la Constitution ». Pour Nicole Belloubet, « l’élargissement de la liste (conduisant à l’inéligibilité) ne doit pas susciter une extension difficilement contrôlable » fait-elle valoir. « Nous pensons y apporter des réponses rapidement » ajoute la ministre. Mais, pour l’heure, elle s’oppose à l’amendement.

Les justifications de la ministre sont mal passées. « Je suis étonné que cet argument de la liste nous est régulièrement servi » lance Brigitte Gonthier-Maurin, sénatrice PCF (voir à la fin de la vidéo). « La chancellerie est capable d’établir une longue liste » dans le texte, tel qu’il est écrit, ajoute Laurence Rossignol. Elle défend ce qui serait « un signal important à envoyer » et « regrette vivement » la position de la ministre. La sénatrice PS Françoise Cartron, présidente de l’Association de gestion des assistants du Sénat, a souligné de son côté qu’il y avait « eu un très grand émoi de collaboratrices et collaborateurs autour de ces faits de harcèlement sexuel » (voir en second dans la vidéo). Bref, les sénateurs et sénatrices ont tenu tête au gouvernement. Ils ont voté l’amendement.

Suppression du verrou de Bercy contre l’avis du gouvernement

Quelques minutes plus tard, le Sénat a voté une mesure importante : la suppression du verrou de Bercy. Ou plutôt a revoté. La Haute assemblée avait déjà adopté cette suppression en avril 2016, avant que le gouvernement Valls ne revienne dessus. L’amendement adopté ce mardi vient à nouveau du sénateur communiste Eric Bocquet, spécialiste de l’évasion et de la fraude fiscale pour avoir été le rapporteur de la commission d’enquête du Sénat sur le rôle des banques dans l’évasion fiscale (voir la vidéo ci-dessous).

Loi de moralisation : le Sénat fait sauter "le verrou de Bercy" dans les poursuites pénales fiscales
02:28

« Ce verrou empêche les poursuites pour fraude fiscale sans l’accord du ministre des Finances » rappelle le sénateur écologiste Joël Labbé, qui a déposé un amendement similaire. « Il n’est pas normal que l’accès à la justice soit conditionné à l’avis d’une administration » ajoute-t-il.

« Le but n’est pas de faire rendre gorge aux fraudeurs mais de lui faire rendre l’argent » a fait valoir Philippe Bas, qui n’a pas soutenu l’amendement. Bercy peut en effet imposer aux contribuables fautifs de payer leur redressement pour leur assurer une régularisation et leur éviter les poursuites. La ministre s’est rangée à l’avis du rapporteur, ajoutant que « ces amendements sont un peu éloignés de l’objet de la présente loi ».

« Il y a un traitement particulier concernant la délinquance financière »

Mais des sénateurs de tous bords ont pris la parole pour défendre la suppression du verrou de Bercy. « Il y a un traitement particulier concernant la délinquance financière. Tout ce qui concerne l’argent se négocie » regrette Pierre Yves Collombat (RDSE). Le sénateur PS Alain Anziani dénonce « une justice à deux vitesses ». Le sénateur LR André Reichardt a pris la parole pour annoncer qu’il voterait l’amendement.

« C’est comme les trompettes de Jéricho, on peut toujours espérer qu’au septième tour, il chutera » a ironisé la sénatrice UDI Nathalie Goulet, qui suit aussi de près les questions d’évasion fiscale. L’amendement a bien été voté. Mais il n’est pas encore dit que le verrou chutera. L’exécutif pourra revenir sur le vote des sénateurs lors de l’arrivée du texte à l’Assemblée. Et on n’imagine pas vraiment les nouveaux députés LREM se rebeller et voter contre.

Dans la même thématique

Moralisation : les sénateurs étendent l’inéligibilité aux élus condamnés pour harcèlement sexuel
2min

Politique

Face au « désarroi » des collectivités, Karim Bouamrane, maire PS de Saint-Ouen, « appelle à la prise de conscience du premier ministre »

Alors que le gouvernement demande un effort budgétaire de 5 milliards d’euros aux collectivités – « 11 milliards » selon les élus – le socialiste Karim Bouamrane affirme que « Michel Barnier est totalement inconscient ». Le PS a organisé ce matin, devant le congrès des maires, un rassemblement pour défendre les services publics.

Le

Moralisation : les sénateurs étendent l’inéligibilité aux élus condamnés pour harcèlement sexuel
3min

Politique

« Vous croyez que ça me fait plaisir de présenter le budget que je présente en ce moment ? » : échange tendu entre Michel Barnier et Patrick Kanner

Fustigeant les économies demandées aux collectivités territoriales dans le budget 2025, le président du groupe socialiste au Sénat a accusé le Premier ministre de « mettre à genoux les élus de la République au plan local ». « Je vous ai connu plus mesuré », lui a rétorqué Michel Barnier, sous les protestations de la gauche et les applaudissements de la majorité sénatoriale.

Le

Paris: weekly session of questions to the government
7min

Politique

Menace de Marine Le Pen de voter la censure : « Un coup de bluff », pense François Patriat

Reprochant à Michel Barnier de ne pas tenir compte des « lignes rouges » du RN sur le budget, Marine Le Pen agite la menace d’un vote d’une motion de censure par les députés d’extrême droite. Elle insiste notamment sur la hausse « inadmissible » des taxes sur l’électricité. « Ils font ça pour augmenter les enchères », selon le président du groupe RDPI du Sénat, François Patriat. « On n’est pas dans une cour de récréation, à dire si tu ne fais pas ça, je fais ça », tance le sénateur LR Cédric Vial.

Le