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Mission Sirli : les données échangées avec l’Egypte « ne peuvent servir à guider des frappes », assure Le Drian
Par Mathilde Boireau
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Interpellé ce mardi par le sénateur écologiste Guillaume Gontard, à propos des révélations journalistiques sur la coopération militaire entre la France et l’Egypte, Jean-Yves Le Drian a semblé botter en touche, rétorquant au sénateur écologiste de l’Isère : « Votre interrogation est aussi la mienne. »
Depuis la publication d’une enquête du site Disclose, le 21 novembre, le sujet embarrasse les ministères des Affaires étrangères et des Armées. Selon le média d’investigation, Le Caire utiliserait des renseignements fournis par la France dans le cadre de la lutte contre le terrorisme à des fins de répression interne.
La mission « Sirli », entamée en 2016 et destinée à sécuriser la frontière avec la Libye, aurait été détournée par le gouvernement égyptien pour organiser des frappes aériennes contre des trafiquants d’armes, de drogues ou de migrants présumés, causant de nombreuses victimes. Bien qu’alertée, la France n’aurait pas remis en question les opérations. « Les forces françaises auraient été impliquées dans au moins dix-neuf bombardements contre des civils entre 2016 et 2018 », affirme Disclose.
Devant la commission des affaires étrangères, de la défense et des forces armées du Sénat, Jean-Yves Le Drian a tenu à rappeler « le contexte dans lequel nous avons été amenés à faire du renseignement dans des pays comme l’Egypte », à un moment « où Daech s’implantait en Libye, où nous en étions nous les victimes et où par ailleurs l’Egypte subissait des attaques de Daech sur son propre territoire, y compris les attentats contre les Coptes ». Le ministre a reconnu que « oui, des moyens de renseignement ont été déployés pour notre propre sécurité, mais selon des règles d’engagement répondant à des exigences strictes ».
Enquête en cours
En réponse au sénateur communiste de Paris Pierre Laurent, qui l’a jugé « peu convaincant » sur le dossier et qui a dénoncé « des explications qui traînent en longueur », Jean-Yves Le Drian a certifié que « des directives claires ont été données dès le début de la mission pour encadrer l’usage des données échangées et éviter tout détournement ». « Le partenaire égyptien le sait, cela lui a été régulièrement rappelé », a-t-il déclaré.
Le ministère des Armées, qui n’a pas souhaité communiquer sur la nature des dispositifs d’aide militaire « pour des raisons évidentes de sécurité et d’efficacité », a annoncé avoir porté plainte pour violation du secret de la Défense nationale. Parallèlement, une « enquête interne approfondie » a été lancée, afin de « vérifier que les règles définies pour cette opération et les mesures prises pour garantir leur application ont effectivement été mises en œuvre », a précisé Jean-Yves Le Drian. Il a d’ores et déjà remis en cause les révélations de Disclose, assurant que « le processus d’échange des données est construit de telle manière que ces données ne peuvent servir à guider des frappes ».
Au cours de son audition, le ministre des Affaires étrangères a par ailleurs été questionné au sujet de la vente de quatre-vingts Rafale aux Emirats arabes unis, conclue le 3 décembre par Emmanuel Macron lors de son déplacement à Dubaï. « C’est quand même beaucoup pour un pays somme toute assez modeste », s’est étonné Pierre Laurent, qui a cherché à savoir « si le soutien de la France à la candidature du général émirati devenu le patron d’Interpol [Ahmed Naser Al-Raisi, ndlr] a été mêlé aux négociations ».
« La relation aéronautique avec les Emirats arabes unis est ancienne, et la flotte aérienne émiratie est de 200 appareils », a recontextualisé Jean-Yves Le Drian, avant de nier fermement tout lien avec la désignation du président d’Interpol : « Elle n’a rien à voir avec cette discussion, qui a duré dix ans. De plus, l’élection est intervenue à bulletin secret, donc personne ne peut préjuger de qui a voté pour qui dans cette affaire. »