Matthias Fekl, un benjamin du gouvernement à l’Intérieur
Le nouveau ministre de l'Intérieur Matthias Fekl, un des rares soutiens de Benoît Hamon au gouvernement où il s'occupait jusqu'alors du Commerce...
Par Antonio RODRIGUEZ, Eleonore DERMY
Temps de lecture :
4 min
Publié le
Mis à jour le
Le nouveau ministre de l'Intérieur Matthias Fekl, un des rares soutiens de Benoît Hamon au gouvernement où il s'occupait jusqu'alors du Commerce extérieur, est un novice sur les questions de sécurité.
Soutien du candidat socialiste à la présidentielle, M. Fekl, 39 ans, souvent présenté comme l'"anti-Macron", avait lancé à l'automne dernier un mouvement appelé "Movida", révélant ainsi des ambitions politiques et une volonté de se positionner avant les primaires de la gauche.
Nommé en septembre 2014 comme secrétaire d’État au Commerce extérieur et au Tourisme, après la démission de Thomas Thévenoud, emporté par un scandale sur des impôts non payés, il est à nouveau promu après la démission de Bruno Le Roux après des révélations sur l'emploi de ses filles comme collaboratrices parlementaires.
A son précédent poste, il n'a pas ménagé ses efforts pour faire entendre la voix de la France sur l'épineux dossier du projet de traité de libre échange avec les États-Unis (Tafta, ou TTIP en anglais). Il est en revanche un fervent partisan de l'accord avec le Canada (CETA).
Cet Européen convaincu de nationalité franco-allemande, qui agit souvent de concert avec Berlin, a tout fait pour obtenir plus de concessions de Washington sur le Tafta.
En contact régulier avec la Commissaire européenne au Commerce Cecilia Malmström, qui négocie sur mandat des États membres de l'Union, il a œuvré pour obtenir davantage de transparence sur les négociations et a proposé la création d'une Cour de justice spéciale pour remplacer le système d'arbitrage qui cristallise les inquiétudes d'une partie de l'opinion publique.
Parallèlement, il a progressivement durci le ton, rejoint par le président de la République, dénonçant le "blocage" des États-Unis, affirmant que la France n'excluait pas "un arrêt pur et simple des négociations".
Si ces déclarations ont étonné, personne n'imaginait alors qu'il fallait les prendre au pied de la lettre. Finalement, l'élection de Donald Trump aux États-Unis a renvoyé aux calendes grecques les négociations entre Bruxelles et les États-Unis.
- Un politique discret -
Cette fermeté affichée tranche en tout cas avec l'image dégagée par le secrétaire d’État.
Comparé à ses prédécesseurs au Commerce extérieur, ce grand brun au physique débonnaire et au ton posé n'avait ni l'autorité d'une Nicole Bricq, connue pour son tempérament et qui était à la tête d'un ministère autonome, ni l'exposition médiatique d'une Fleur Pellerin.
Le ministre français de l'Intérieur Bruno Le Roux, le 10 décembre 2016 à Paris
AFP
Pour Jean-Pierre Bel, ancien président du Sénat dont Matthias Fekl fut directeur de cabinet puis conseiller entre 2010 et 2012, "discrétion" et "professionnalisme" caractérisent cet homme qui figure parmi les benjamins de l'équipe gouvernementale.
Né à Francfort d'une mère française et d'un père allemand, tous deux enseignants, il grandit à Berlin et n'apprend à écrire le français qu'en 4e. Il fait ses études supérieures en France, enchaînant les diplômes prestigieux: École normale supérieure (en Lettres et Sciences humaines), Sciences Po puis l'ENA, dont il sort magistrat au tribunal administratif de Paris, fonction qu'il exercera jusqu'en 2010.
Membre du Parti socialiste depuis 2001, il œuvre dans le club de réflexion "A gauche, en Europe" créé par Dominique Strauss-Kahn - dont il sera un disciple jusqu'à sa chute -, Michel Rocard et Pierre Moscovici.
Le jeune homme s'implante électoralement dans le Sud-Ouest. En 2008, il devient adjoint au maire de Marmande, dans le Lot-et-Garonne, puis est élu en 2010 conseiller régional d'Aquitaine et député en 2012.
Une implantation locale qu'il défend avec vigueur. "Quand on veut faire de la politique, il faut avoir la légitimité du suffrage (...) Tout ce que je peux faire aujourd'hui vient du terrain", a-t-il déclaré, s'opposant à son collègue Emmanuel Macron, pour qui considérer l'élection comme un préalable à de hautes fonctions est "un cursus d'un ancien temps".
Resté conseiller régional d'Aquitaine, le secrétaire d’État, marié et père de famille, continuait d'ailleurs de faire des allers-retours dans son département d'adoption, malgré les nombreuses tournées qu'il a effectué à l'étranger pour défendre les entreprises françaises.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.