Marine Le Pen, l’héritière de l’extrême droite qui a tué son père

Marine Le Pen, l’héritière de l’extrême droite qui a tué son père

Moins d'un an après une défaite à la présidentielle, dont son image a pâti, Marine Le Pen, héritière ambitieuse au tempérament...
Public Sénat

Par Guillaume DAUDIN, Anne RENAUT

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Moins d'un an après une défaite à la présidentielle, dont son image a pâti, Marine Le Pen, héritière ambitieuse au tempérament orageux, rêve de relancer à l'assaut du pouvoir un Front national rebaptisé et débarrassé de son sulfureux père.

La benjamine des trois filles de Jean-Marie Le Pen est parvenue en mai --comme son père quinze ans plus tôt-- au second tour de la présidentielle, mais sans pouvoir battre Emmanuel Macron. Elle y a toutefois engrangé un record de près de 11 millions de voix (33,9%).

Ce scrutin marquera-t-il le point culminant de cette opposante de carrière, âgée de 49 ans, longtemps élue au Parlement européen et désormais députée du Pas-de-Calais ?

Son débat qu'elle a admis "raté" entre les deux tours a déçu les militants. Depuis l'élection, son proche conseiller souverainiste Florian Philippot, l'a quittée et sa très conservatrice nièce, Marion Maréchal-Le Pen s'est retirée de la vie politique juste avant les législatives.

Marine Le Pen, réélue sans concurrent dimanche à la tête du parti, jure avoir encore "envie" de le diriger et le réfonder, mais elle n'entend pas "s'éterniser" et soutiendra volontiers un successeur "mieux placé", affirme-t-elle.

Comme sa soeur Yann, en charge des grandes manifestations frontistes, son destin s'est d'abord inscrit dans le giron du "diable de la République". "Quoi qu'il arrive, tu es mon père", avait-elle dit à Jean-Marie Le Pen après une violente brouille en 2005.

Avocate de formation, née dans la foulée de mai 1968, Marine Le Pen porte les couleurs frontistes pour la première fois aux législatives dès 1993.

"Enfant de la télé", bretteuse plus qu'oratrice, elle crève l'écran le soir du second tour de la présidentielle 2002 en expliquant la victoire de Jacques Chirac sur "Le Pen" par la transformation de la France en "camp de rééducation psychologique".

A partir de là, cette grande femme, reconnaissable à sa chevelure blonde, entreprend avec le soutien de son père une ascension continue jusqu'à la présidence du parti, début 2011. Les vieux barons qui la voyaient en "night-clubbeuse" dénuée de culture politique sont progressivement écartés.

- Exclusion du père -

Deux fois divorcée, mère de trois enfants, aujourd'hui en couple avec l'une des figures du parti, Louis Aliot, Marine Le Pen insiste sur l'économie, parent pauvre du discours frontiste. Avec au menu, une forte dose de protectionnisme et la sortie de l'euro pour séduire les "perdants" de la mondialisation.

Ces thèmes sont gagnants dans le bassin minier sinistré d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), devenu son fief, comme au niveau national: à toutes les élections intermédiaires, le parti progresse.

"La dédiabolisation", le nom qu'elle donne à son grand oeuvre, vise surtout à débarrasser ce parti de son image antisémite et raciste. Après avoir toléré pendant des années des propos valant de multiples condamnations à Jean-Marie Le Pen, elle se résoud à le faire exclure en août 2015.

"J'ai adulé cet homme", confie-t-elle le 7 mars. "Je me suis beaucoup battue pour lui mais à un moment donné, cela devait s'arrêter".

Après une longue bataille judiciaire, le congrès de Lille a déchu dimanche Jean-Marie Le Pen de sa dernière qualité de président d'honneur. La rupture entre le père et sa fille est consommée.

Marine Le Pen le prophétisait dans son autobiographie "A Contre Flots" en 2006: "la politique nécessite un certain nombre de sacrifices. La vie familiale en fait partie".

Mais elle ne renonce pas aux "fondamentaux" historiques de son parti: dénonciation de l'immigration, de l'insécurité, et de plus en plus de "l'islamisme".

Marine Le Pen prône la "priorité nationale", et s'oppose aux aides sociales pour les étrangers. Favorable "à titre personnel" à la peine de mort, elle veut supprimer le mariage homosexuel, sans défiler avec les anti.

La députée européenne brouille les lignes, se proclamant "meilleur bouclier" des Français juifs, citant Jaurès ou de Gaulle, arborant République et laïcité en étendard contre "l'islamisation de la France".

Mais elle est poursuivie par les affaires, mise en examen en juin dans l'enquête sur les emplois fictifs d'assistants d'eurodéputés FN, quand des proches sont visés pour "financement illégal" de campagnes en 2012.

Dans la même thématique

FRA – FRANCOIS BAYROU – PALAIS ELYSEE
7min

Politique

Dans le camp présidentiel, François Bayrou n’aura pas que des amis

Après la nomination de François Bayrou à Matignon, tout le monde, au sein du bloc central, salue la décision d’Emmanuel Macron. Mais hors micro, on comprend que le président du Modem n’a pas que des soutiens au sein de l’ex-majorité présidentielle. Pour durer, il devra aussi savoir convaincre son propre camp.

Le

the republicans received at the elysee
4min

Politique

Bayrou à Matignon : la droite attend le projet du Premier ministre pour savoir « s’il est l’homme de la situation »

Après l’annonce de la nomination de François Bayrou à Matignon, les sénateurs LR du Sénat sont dans l’expectative. La participation de la droite au prochain gouvernement, dépendra de l’engagement du Premier ministre sur les priorités qu’il a fixé notamment sur la maîtrise de l’immigration et bien sûr du maintien en poste du ministre de l’Intérieur, Bruno Retailleau.

Le

Marine Le Pen, l’héritière de l’extrême droite qui a tué son père
6min

Politique

François Bayrou à Matignon : « Il ne semble pas disposé à être un Premier ministre collaborateur »

Emmanuel Macron vient de nommer François Bayrou Premier ministre. Le président du MoDem devient ainsi le premier centriste de la Vème République à accéder à Matignon, il doit désormais composer son gouvernement et se protéger du risque de censure. Allié fidèle mais critique d’Emmanuel Macron, il devra réussir à parler aussi bien aux socialistes qu’à la droite. Analyse sur le plateau de Public Sénat.

Le