Mairie de Paris: Villani contre Griveaux, les coulisses d’une rupture
Mercredi, le couperet tombe: Cédric Villani annonce sa candidature à la mairie de Paris, au grand dam de son parti LREM et de son candidat...
Par Ambre TOSUNOGLU
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Mercredi, le couperet tombe: Cédric Villani annonce sa candidature à la mairie de Paris, au grand dam de son parti LREM et de son candidat officiel Benjamin Griveaux. Il met fin à deux mois de vaines tentatives pour éviter sa dissidence.
Dès juin, le mathématicien auréolé de la médaille Fields, équivalent du prix Nobel de mathématiques, comme les autres candidats malheureux, a envisagé de ne pas se rendre devant la Commission nationale d'investiture de la République en Marche. Il considère que le processus est "vicié" et que les jeux sont faits en faveur de Benjamin Griveaux, ancien porte-parole du gouvernement et demandent "une consultation citoyenne".
Le 10 juillet, torpillant l'annonce officielle, Cédric Villani tweete: "Il est clair que je n'obtiendrai pas d'investiture de l'appareil de LREM".
"On nous avait pourtant donné les gages qu'il n'y avait pas de candidat désigné", note l'entourage de l'un des recalés, ironisant sur le communiqué officiel, qui évoque une investiture de Benjamin Griveaux "à l'unanimité et par acclamation". "Même Kim Jong-Un n'a pas tenté l'acclamation!"
"Pas de pression, pas d'à priori", balaye Patricia Bordas, sénatrice LREM et membre de la CNI. "Les trois projets étaient très intéressants mais celui de M. Griveaux était plus poussé, plus cohérent", dit-elle à l'AFP.
Mais la pilule passe mal pour Villani qui condamne "reproches et menaces" d'exclusion, et refuse d'exprimer ses intentions avant la rentrée.
- Négociations baroques -
Le député Cédric Villani (c) est applaudi après l'annonce de sa candidature à la prochaine élection du maire de Paris, le 4 septembre 2019 à Paris
AFP
Benjamin Griveaux et Cédric Villani se voient dans un bar fin juillet. Autour d'un verre, l'ex-porte-parole du gouvernement dit "ne pas savoir quoi proposer" au député de l'Essonne, faute de connaître ses desiderata. Ils se quittent, sans accord.
Parallèlement, le directeur de campagne de Benjamin Griveaux, Pacôme Rupin, engage des discussions avec un "marcheur" du XIIe arrondissement qu'il croit être mandaté par le camp Villani, sans savoir que "rien ne lui avait été demandé", se gausse-t-on dans l'entourage du mathématicien.
Pas de regrets dans le camp Griveaux. "Je savais très bien que ça allait être compliqué. Cédric voulait absolument" se porter candidat, confie Pacôme Rupin à l'AFP.
Pour l'entourage du député d'Essonne, si la macronie "voulait débrancher Cédric Villani, elle n'aurait pas attendu que ça monte. Au début de l'été, il y a peut-être des choses qui auraient pu être faites..."
Les entretiens successifs que mène le Premier ministre fin juillet avec les candidats ne vont visiblement pas dans ce sens. Edouard Philippe évoque "la situation dans la capitale", élection test pour LREM, selon plusieurs sources concordantes.
re que le processus est "vicié" et que les jeux sont faits en faveur de Benjamin Griveaux (c), ancien porte-parole du gouvernement et candidat LREM à la mairie de Paris, le 28 août 2019 à Paris
AFP/Archives
Les discussions s'arrêtent le 2 septembre: en réponse à la lettre de trois pages adressée le 23 août par M. Griveaux, dans laquelle le candidat investi lui propose de copiloter la campagne, Villani répond laconiquement pour assurer que sa décision "ne sera pas du tout dirigée contre" lui ni Stanislas Guerini, patron de LREM.
- "Erreur majeure" -
Deux jours plus tard, Cédric Villani se déclare dans un petit bar du XIVe arrondissement pris d'assaut par les journalistes, militants et soutiens dont les députés Anne-Christine Lang, l'écologiste proche de Nicolas Hulot Matthieu Orphelin ou l'ex-adjoint de la maire (PS) de Paris Mao Peninou.
Au début de l'été, ce qui semblait être une évidence, en vertu des statuts de LREM, ne l'est plus: Cédric Villani n'est pas exclu.
"Jusqu'au bout, nous garderons la main tendue à Cédric Villani", a dit vendredi soir M. Guérini au Parisien, à la veille de l’université d’été de LREM à Bordeaux, ajoutant avoir "noté que des parlementaires le soutiennent".
"Si on le virait, on prenait le risque d'avoir un groupe de députés frondeurs qui quittent le groupe LREM pour en fonder un autre", avance un cadre LREM.
"Cédric Villani a commis une erreur majeure en restant LREM", avance une autre source. "Avec cette étiquette, il n'y a pas d'alliance possible avec les écologistes EELV, ni avec Gaspard Gantzer", candidat indépendant à la mairie de Paris, qui en ont fait une condition sine qua non.
De son côté, le vice-président de l'Assemblée nationale et candidat malheureux à l'investiture Hugues Renson a dit à l'AFP n'avoir, pour l'heure, "apporté de soutien à personne".
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