Macron se justifie sur la Syrie et ne voit pas de “coagulation” des mécontentements
Emmanuel Macron a justifié dimanche les frappes menées en Syrie et réfuté l'idée d'une "coagulation" des mécontentements en France, au cours d...
Par Anne Pascale REBOUL, Jérôme RIVET
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Emmanuel Macron a justifié dimanche les frappes menées en Syrie et réfuté l'idée d'une "coagulation" des mécontentements en France, au cours d'une interview télévisée conduite dans une atmosphère parfois électrique.
Durant plus de deux heures, le président a été soumis à un flot de questions, dont certaines ressemblaient aux interpellations d'un débat et non d'un entretien, de Jean-Jacques Bourdin (BFMTV et RMC) et Edwy Plenel (Mediapart).
Ce ton inédit pour un entretien télévisé était à l'opposé de celui de jeudi sur TF1, qui marquait le début de l'offensive médiatique lancée par Emmanuel Macron pour marquer le premier anniversaire de son arrivée à l’Élysée.
"J'entends toutes les colères", a-t-il affirmé, en citant celle des cheminots, en grève en pointillé depuis début avril. "C'est une colère que je comprends, que je respecte mais qui est liée à une décision que nous prenons, que j'assume, une réforme que nous mènerons jusqu'au bout", a-t-il développé.
Il a rappelé que s'il avait "dès le jour de (son) investiture" évoqué le besoin de "réconcilier le pays", ça ne se ferait "pas du jour au lendemain".
"Je ressens comme vous les injustices", a insisté Emmanuel Macron face aux questions insistantes des deux interviewers sur les réformes économiques et sociales prises depuis un an, pour lesquelles il est qualifié de "président des riches" par ses opposants.
- Pas de nouveaux impôts -
Il a ainsi défendu la suppression partielle de l'ISF afin de "garder les talents, les attirer et réinvestir dans notre économie".
Le président français Emmanuel Macron avant un entretien à la télévision avec les journalistes de RMC-BFM Jean-Jacques Bourdin (D) et Mediapart, Edwy Plenel (G), dans le palais de Chaillot à Paris le 15 avril 2018
AFP
La fiscalité n'augmentera durant le quinquennat et "il n'y aura pas de création d'un nouvel impôt local, ni d'un impôt national", a assuré le chef de l’État.
Il a également affirmé qu'il n'y aurait "pas d'économies sur l'hôpital dans ce quinquennat" et qu'il annoncerait "début mai" des décisions pour tenter de répondre à la crise des services d'urgences.
Concernant la SNCF, Emmanuel Macron a confirmé que l’État reprendrait "progressivement" une partie de la dette de la SNCF "à partir du 1er janvier 2020" quand le groupe serait réformé, sans toutefois avancer de montant. Cette dette devrait alors atteindre une cinquantaine de milliards d'euros.
Pour l'hôte de l’Élysée, les étudiants sont "souvent minoritaires" parmi ceux qui bloquent les universités pour contester la réforme de l'accès à l'enseignement supérieur. Il a dénoncé des violences "inadmissibles".
Alors que de nouveaux heurts se sont déroulés dimanche à Notre-Dame-des-Landes, Emmanuel Macron a en outre jugé que la "colère" des opposants à l'expulsion de la Zad n'était "pas légitime", et que "tout ce qui devra être évacué le sera".
- "Pas la guerre" à Assad -
Pendant près d'une demi-heure, le président a justifié les frappes menées menées dans la nuit de vendredi à samedi contre des sites de production d'armes chimiques du régime de Bachar al-Assad, en affirmant que "c'est la communauté internationale qui est intervenue". Il a toutefois affirmé que la France n'avait "pas déclaré la guerre au régime de Bachar al-Assad".
Le président a expliqué qu'il voulait désormais "convaincre" les Russes et les Turcs de venir à la table des négociations, insistant sur le fait qu'il voulait "parler avec tout le monde" sur le dossier syrien.
Il a affirmé que Paris avait réussi à convaincre le président américain Donald Trump de "rester dans la durée" en Syrie alors qu'il avait récemment manifesté son intention de désengager ses troupes du pays.
Photo extraite du compte Twitter de la ministre des Armées française Florence Parly montrant un avion militaire français, le 14 avril au moment où des frappes ciblées occidentales ont visé la Syrie
AFP
Durant tout l'entretien, Jean-Jacques Bourdin et Edwy Plenel ont débuté leurs questions par "Emmanuel Macron" et non "Monsieur le président", marquant ainsi une rupture avec les usages des entretiens présidentiels des dernières décennies.
Qualifiant l'exercice d'"inédit", Emmanuel Macron a parfois reproché aux deux journalistes des "amalgames" ou des "bêtises" dans leurs questions. S'adressant à Edwy Plenel, il n'a pas hésité à faire allusion aux démêlées de Mediapart avec le fisc. "C'est totalement mesquin", a répondu le journaliste.
Sur les réseaux sociaux, les internautes étaient partagés face au ton de l'interview. Certains applaudissaient, comme Philippe Moreau-Chevrolet, expert en communication politique: "Enfin une vraie interview présidentielle. Il y aura un avant et un après".
Mais Christian Estrosi, le maire de Nice, y a vu "une caricature d’interview". Car "en cherchant à abaisser la fonction présidentielle, les journalistes abaissent en réalité la fonction de journaliste".
"Incroyable entretien de presse. On n'écoute plus les réponses, on attend les questions", a tweeté Jean-Luc Mélenchon (LFI).
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.