Macron, lyrique, théorise, Philippe, rapide, énumère: les deux styles opposés de l’exécutif

Macron, lyrique, théorise, Philippe, rapide, énumère: les deux styles opposés de l’exécutif

L'un théorise et affectionne les envolées, l'autre est dans le concret et les chiffres. Le président aime le ton grave et solennel quand son...
Public Sénat

Par Laurence BENHAMOU

Temps de lecture :

4 min

Publié le

L'un théorise et affectionne les envolées, l'autre est dans le concret et les chiffres. Le président aime le ton grave et solennel quand son Premier ministre débite ses mots à toute vitesse, sans effets de manche: les différences de style d'Emmanuel Macron et d'Edouard Philippe s'affirment.

"Ces deux styles illustrent bien la répartition des rôles dans la Ve République: la théorie et la pratique. L'un fait de grandes envolées, pleines de bonnes intentions. L'autre fait un discours de technicien, nous lit un catalogue, sans être un grand orateur. C'est la hauteur et le terrain. L'un fait la couverture et l'autre présente laborieusement les chapitres", estime l'historien Christian Delporte.

Sur la forme, Emmanuel Macron, d'une voix grave et solennelle -longues pauses, baisses de ton pour les passages qu'il veut mettre en valeur-, en a appelé à des arguments moraux, voire psychologiques, fustigeant notamment le cynisme au profit de l'optimisme. Il promeut de grands principes, avec ses mots favoris : "transformation profonde", "ambition", "changer le réel", "optimisme", "rendre le pouvoir à ceux qui veulent faire et font" sur fond de critique des médias appelés à "en finir avec cette recherche incessante du scandale".

Il a même cité, une première pour un président de la République, l'écrivain sulfureux Georges Bataille quand il a appelé, après une allusion à la pauvreté, à "trouver, à ce qu'(il) appelait notre part maudite, une place, une considération, une vraie réponse enfin".

"Mais Emmanuel Macron utilise une forme de langue de bois: on ne peut pas être contre ce qu'il dit. Il ne fâche personne. C'est un sermon assez classique", estime Christian Delporte. Le discours lundi du président, d'une heure et demie, a d'ailleurs suscité assez peu de réactions chez les parlementaires convoqués à Versailles.

- Clin d'oeil à Bob Dylan -

Il a pourtant abordé un sujet plus concret: sa volonté de profondes réformes institutionnelles, notamment la diminution d'un tiers du nombre des parlementaires. Et pendant que son Premier ministre s'exprimait le lendemain, lui se faisait hélitreuiller d'un hélicoptère dans le sous-marin "Le Terrible", photo publiée sur son compte Twitter à l'appui.

Le Premier ministre Edouard Philippe à l'Assemblée nationale à Paris, le 4 juillet 2017
Le Premier ministre Edouard Philippe à l'Assemblée nationale à Paris, le 4 juillet 2017
AFP

Edouard Philippe a lui privilégié des termes simples et directs, parlant même au début de son intervention un peu trop rapidement. Il a ainsi entamé son discours volontairement "terre à terre" en racontant le parcours d'une jeune élue En Marche issue d'une famille modeste, une façon de souligner une rupture avec la politique à l'ancienne.

Il a ensuite cité des références politiques, dont son mentor Alain Juppé et deux Premiers ministres de droite et de gauche, Jacques Chaban-Delmas et Michel Rocard. Le Premier ministre, qui dès la passation de pouvoirs avait annoncé la couleur en se définissant comme "homme de droite", position très utile pour capter l'électorat LR aux législatives, a ainsi semblé mardi vouloir se rapprocher du centre de gravité plus centriste des élus En Marche.

Edouard Philippe avait minutieusement relu les déclarations de politique générale: Michel Rocard, l'ancien Premier ministre socialiste et champion de la "deuxième gauche", dont il était un partisan lors de ses études à Sciences Po, et Jacques Chaban-Delmas, tenant du gaullisme social. Ce qui n'a pas empêché le chef du gouvernement de garder ses solides racines juppéistes, avec des formules dures sur le budget, comme la volonté de "sortir de l'addiction française à la dépense publique".

Le soulagement a prévalu à Matignon de voir que le président était finalement resté dans sa chasse gardée (institutions, international...) sans trop s'aventurer sur les terres du Premier ministre. Ce qui a permis d'évacuer la polémique sur le président "castrateur", qui avait fini par agacer Edouard Philippe.

Cet amateur de rock s'est même permis, sur le thème de la dette de la France, un clin d'oeil à la chanson de Bob Dylan, "Blowing In The Wind": "+Combien de fois un homme peut-il tourner la tête en prétendant qu'il ne voit pas ?+, aurait pu demander le prix Nobel de littérature 2017...", a-t-il souri.

Dans la même thématique

France Politics
11min

Politique

Budget, assurance chômage, Nouvelle-Calédonie… Les dossiers chauds qui attendent Michel Barnier

Après deux mois de flottement, de nombreux dossiers se sont accumulés sur le bureau du Premier ministre. Tout juste nommé, Michel Barnier va devoir relancer plusieurs réformes, mises à l’arrêt avec la dissolution. Néanmoins, la constitution d’un budget reste le premier saut d’obstacles pour le nouveau chef de gouvernement et sa future équipe ministérielle.

Le

NATO Summit
6min

Politique

« Depuis les élections législatives, l’autorité d’Emmanuel Macron s’est affaiblie en Europe et sur la scène internationale »

Ce vendredi, Emmanuel Macron rencontre Olaf Scholz sur les bords du lac Léman, à Évian-les-Bains. Le chef de l’Etat et le chef du gouvernement allemand participent à la nouvelle édition des rencontres franco-allemandes, un rendez-vous devenu incontournable dans les relations entre les deux pays. Alors que les deux hommes sont affaiblis sur la scène intérieure à la suite de revers électoraux, la professeure d'histoire et de civilisation allemande à Sorbonne Université, Hélène Miard-Delacroix, dresse un état des lieux des relations entre Paris et Berlin.

Le

France Politics
5min

Politique

« Ce n’est pas un amateur de punchlines », Michel Barnier raconté par ses soutiens au Sénat

Le nouveau Premier ministre au CV long comme le bras a été le troisième homme de la dernière primaire interne à LR. A cette époque, peu de sénateurs croyaient en ses chances de victoire. Ses soutiens de l’époque expliquent pourquoi ils avaient fait de lui leur favori. Ils décrivent un homme taillé pour exercer le pouvoir, beaucoup moins pour le conquérir.

Le