Macron et Trump : de l’ « amitié » aux sujets qui fâchent

Macron et Trump : de l’ « amitié » aux sujets qui fâchent

Depuis lundi, Emmanuel Macron est en visite officielle à Washington pour rencontrer son homologue américain. Une première, marquée par des dossiers brûlants comme le nucléaire iranien ou le dossier syrien.  L’occasion pour le Président d’appliquer sa stratégie en matière de diplomatie internationale : le « dialogue avec tout le monde ».
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Par Alice Bardo / Sujet vidéo : Stéphane Hamalian

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Si Emmanuel Macron se montre particulièrement ouvert au dialogue avec son homologue américain, il ne cache pas qu’il n’est « pas satisfait de la situation avec l’Iran », estime que Donald Trump « ne peut pas mener une guerre commerciale contre (s)es alliés » et appelle les États-Unis à continuer de jouer un rôle en Syrie, à tout le moins diplomatique. C’est du moins ce qu’il a déclaré sur la chaîne conservatrice américaine Fox News avant d’entamer sa visite de trois jours auprès du Président américain. Autant dire qu’il a du pain sur la planche car POTUS a confirmé son opposition ferme à l’accord sur le nucléaire iranien  - un accord « horrible »-, est peu enclin à revenir sur la décision de quitter l’accord de Paris sur le climat, prêt à retirer ses troupes en Syrie et déterminé à poursuivre la guerre commerciale qu’il a entamée contre le reste du monde.

Pour apaiser une situation pour le moins explosive, le chef d’État français a opté pour une stratégie bien précise : le dialogue. « Macron construit. Il a bien compris qu’il faut dialoguer avec tout le monde : que ce soit Trump ou Poutine. Parler à tout le monde pour rester au centre du jeu », analyse Jean-Eric Branaa, chercheur à l’IRIS et spécialiste des États-Unis.

« Soft power »

Pour mener à bien cette stratégie, Emmanuel Macron s’emploie à ménager la chèvre et le chou. Entre deux poignées de main énergiques, une tape sur l’épaule, un dîner au deuxième étage de la tour Eiffel et quelques coups de téléphone « amicaux », le Président français distille quelques remontrances à l’adresse de son homologue. Un tour de passe-passe diplomatique qui « s’imprime dans l’esprit du soft power », commente Jean-Eric Branaa. Et cette première visite officielle du Président français à Washington en témoigne une fois encore. Hier, jour de son arrivée, Emmanuel Macron a offert à Donald Trump une bouture d’un chêne du Nord de la France, « symbole du sacrifice et du combat commun que la France et les États-Unis ont partagé ensemble » lors de la Première guerre mondiale.

« Écrire ensemble les chapitres de notre histoire contemporaine »

Ce mardi, la « bromance » continue. « La belle amitié » historique et « intemporelle » qui « unit » les deux pays ponctue quasiment chacune des phrases des discours des chefs d’État, à l’occasion de la cérémonie dans les jardins de la Maison Blanche. Donald Trump a même rendu hommage au colonel Beltrame. Désormais, les deux hommes entendent bien « écrire ensemble, côte à côte, les chapitres de notre histoire contemporaine ». « C’est ensemble que nous endiguerons la prolifération des armes de destruction massive, que ce soit en Corée du Nord ou en Iran. C’est ensemble que nous bâtirons une prospérité nouvelle pour nos peuples qui passera par un commerce libre. C’est ensemble que nous pourrons œuvrer pour notre planète », martèle le Président français.

Une stratégie de long terme ?

Cette stratégie sera-t-elle à la hauteur de ces enjeux ? « On peut espérer qu’en construisant une relation forte dans l’avenir, Macron arrivera à faire bouger Trump sur ces bases », analyse Jean-Eric Branaa.  Une stratégie qui pourrait donc s’avérer payante, mais sur le long terme. Or les menaces dont il est question sont imminentes, à commencer celle qui ont trait au programme nucléaire iranien. En effet, Donald Trump a lancé un ultimatum aux signataires européens : si avant le 12 mai ceux-ci n’ont pas trouvé un moyen de durcir l’accord de Vienne, dont l’objet est d’empêcher l’Iran de se doter de l’arme atomique en échange d’une levée des sanctions internationales, les États-Unis se retireront du texte. Aujourd’hui, malgré une unité de façade, les deux hommes ont campé leurs positions sur le dossier iranien. Le Président américain a notamment vivement réaffirmé qu’il trouvait que cet accord était une « catastrophe ».  Preuve que la stratégie d’Emmanuel Macron n’a pas encore porté ses fruits.

Quant à l’urgence environnementale, elle n’attendra pas que Donald Trump se ressaisisse, si toutefois il daigne le faire. Certains ont d’ailleurs pris les devants, comme le maire de New York, Michael Bloomberg, qui s’est dit prêt à signer un chèque de 4,5 millions de dollars pour remplir les engagements découlant de l’accord de Paris dans l’hypothèse où Washington ne reviendrait pas sur leur décision de s’en retirer. La Grande-Bretagne, elle, envisage un accord sur le nucléaire iranien sans les États-Unis.

« Si on attend un acte concret, on va être déçus »

De l’avis de Jean-Eric Branaa, il ne faut pas espérer de cette visite qu’elle résolve les problématiques actuelles : « Si on attend de cette rencontre qu’il y ait un document signé, un acte concret que ramènerait Emmanuel Macron dans ses bagages on va être très déçus puisqu’il n’y aura rien de tangible qui va être fait pendant cette visite. »

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