Lubrizol : un mois après l’incendie, toujours autant d’interrogations

Lubrizol : un mois après l’incendie, toujours autant d’interrogations

Un fonds de solidarité dont le montant n’est pas encore connu, une enquête judiciaire qui n’a pas déterminé les causes de l’accident, les résultats d’analyses médicales qui tardent, les salariés de Lubrizol et une population en souffrance. Un mois après l’incendie du site rouennais, il y a toujours plus de questions que de réponses.
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« Il appartiendra à Lubrizol de prendre à sa charge, dans le cadre des procédures légales, l’ensemble des conséquences ». À Rouen, ce vendredi, le Premier ministre, Édouard Philippe a officialisé, la signature d’un fonds de solidarité visant à indemniser l’ensemble des acteurs économiques touchés par l'incendie de l'usine.

« Vigilance » de l’État sur le montant de l’indemnisation

Trois jours plus tôt, auditionné devant la commission d’enquête du Sénat, le PDG du groupe, Éric Schnur avait bien promis « son soutien » sur « le long terme » aux agriculteurs. Mais aussi à la population, aux petits commerces et aux entreprises notamment dans le secteur de l’hôtellerie et restauration, mais il n’avait pas donné de plus amples précisions malgré de nombreuses questions des parlementaires. « Il y a quand même beaucoup de questions auxquelles, à ce stade, nous n’avons pas eu de réponses, notamment sur l’aspect de l’indemnisation, sur laquelle vous n’avez pas été en mesure d’apporter tous les éléments de réponse » lui avait fait remarquer le président centriste de la commission d’enquête sénatoriale, Hervé Maurey.

« Nous serons extrêmement vigilants à ce que l'indemnisation soit complète, à ce qu'elle soit rapide, à ce qu'elle soit à la hauteur des attentes légitimes des acteurs » a également prévenu le Premier ministre, ce matin.

« Ce qui m’a le plus marqué, c’est la souffrance des salariés »

Jeudi, la commission d’enquête du Sénat a effectué son premier déplacement et s’est rendue à Rouen sur le site de l’usine, à la rencontre des délégués du personnel de Lubrizol et de Normandie Logistique. « Ce qui m’a le plus marqué, c’est la souffrance des salariés. Ils sont très marqués physiquement et psychologiquement par l’incendie en premier lieu et par la crainte désormais de perdre leurs emplois. Leurs familles et eux-mêmes subissent des agressions verbales par certains habitants alors que c’est grâce à leur héroïsme que l’incendie n’a pas fait plus de dégâts. Les employés du PC sécurité ont pris l’initiative d’enlever des fûts de produits dangereux en attendant les secours » souligne Nicole Bonnefoy, rapporteure PS de la commission d’enquête.

« Ils ne comprennent pas comment l’incendie s’est déclaré »

Alors que les causes de l’incendie n’ont pas encore été déterminées par l’enquête judiciaire (hors du champ d’investigation de la commission d’enquête du Sénat), des interrogations subsistent sur les procédures de sécurité au sein de l’usine. Si Éric Schnur a assuré devant les sénateurs que le site rouennais satisfaisait « entièrement à toutes les exigences réglementaires », le journal Libération publie, ce vendredi, des témoignages inverses de la part d’anciens intérimaires et sous-traitants de l’usine. « Je ne peux pas commenter ces informations car les salariés que j’ai rencontrés m’ont dit tout le contraire. Ils sont imprégnés de la culture du risque. Ce qui est vrai, c’est qu’ils ne comprennent pas comment l’incendie s’est déclaré » répond Pascal Martin, ancien président du conseil départemental de Seine-Maritime et actuel sénateur centriste membre de la commission d’enquête. Selon Éric Schnur, l’incendie se serait déclaré « à l'extérieur des installations » de Lubrizol.

Les pompiers « ont dû pomper dans la Seine »

Hier les sénateurs ont néanmoins appris quelque chose. Les pompiers ont manqué d’eau, dans la nuit du 26 septembre. « C’est justement parce qu’ils n’ont pas eu l’eau nécessaire apportée par les réseaux, qu’ils ont dû pomper dans la Seine » explique Hervé Maurey. Raison pour laquelle, Pascal Martin, colonel de sapeurs-pompiers professionnels de formation, tient à saluer « l’exploit » du service départemental des services de secours (Sdis) dans la maîtrise du feu.

« Nous sommes toujours dans l’attente des analyses d’urine »

En ce qui concerne le risque sanitaire engendré par la fumée et les suies de l’incendie, là aussi des interrogations subsistent. « On a fait des analyses de sang et d’urine. Pour moi, les analyses de sang sont normales. Mais nous sommes toujours dans l’attente des analyses d’urine » a indiqué, hier, aux sénateurs un employé du site rouennais. « Santé Publique France et l’Anses (agence nationale de sécurité sanitaire) vont continuer à faire des analyses. Il faut approfondir le volet sanitaire. Je n’ai pas eu de réponse satisfaisante de la part d’Éric Schnur, mardi, quand je l’ai interrogé sur l’effet cocktail des produits dangereux qui ont brûlé. Et quand il nous dit que la fumée n’est pas plus dangereuse que celle d’une maison incendiée, ce n’est pas entendable » rappelle Nicole Bonnefoy.

Mise en place d’une enquête de santé à partir de mars

Anne Laporte, directrice des régions de l’agence Santé publique, a annoncé, cet après-midi, qu'une enquête de santé allait être menée à partir de mars sur les 215 communes touchées par la fumée mais sans faire de prélèvements sanguins, l’objectif étant « de mesurer les nuisances qui ont été vécues par les personnes exposées, les symptômes ressentis, l’impact sur la qualité de vie, les relations sociales, familiales, professionnelles et puis les conséquences psychosociales et la santé perçue » a-t-elle indiqué. « Scandaleux » pour David Cormand, député européen EELV pour qui une telle enquête ne permettra pas de savoir « à quoi ont été exposées les populations au moment de la catastrophe ».

La commission du Sénat poursuit ses travaux mardi 29 octobre, avec l’audition de Denis Merville et Véronique Delmas, respectivement, président et directrice d’ATMO (Association agréée de surveillance de la qualité de l'air) Normandie, suivie de celle d’Arnaud Brennetot, maître de conférences en géographie politique à l'université de Rouen et d’Yves Blein, président de l’Association nationale des collectivités pour la maîtrise des risques technologiques majeurs (AMARIS).

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