Loïc Hervé est sénateur centriste (UC) de la Haute-Savoie, corapporteur de la loi « Sécurité globale » et membre de la Commission nationale de l’informatique et des libertés (CNIL). Interview.
Emmanuel Macron souhaite la mise en place d’un « pass sanitaire ». Un tel dispositif est-il pertinent ?
Je suis d’emblée extrêmement réservé sur cette mesure. D’abord parce qu’elle va à nouveau affecter les libertés publiques. Autant je peux admettre la nécessité de produire un justificatif pour prendre un vol international, autant dans des actes de la vie quotidienne, cela me paraît difficile. Pour l’instant, on parle des foires et salons et des festivals, des événements de plus de 1000 personnes. Ma crainte, c’est qu’on ait par exemple une quatrième vague cet automne et qu’on élargisse l’utilisation de ce pass à d’autres actes de la vie quotidienne comme l’accès à une salle de spectacle de moindre importance, l’accès au restaurant, l’accès aux transports intérieurs, train, métro, bus.
Pour l’heure, le chef de l’État ne l’envisage en aucun cas « pour accéder aux lieux de la vie de tous les jours comme les restaurants, théâtres et cinémas, ou pour aller chez des amis »…
L’enfer est toujours pavé de bonnes intentions. L’outil en soi peut être proportionné à l’instant T, mais dès lors qu’il existe, le risque de le voir se répandre et d’être utilisé à d’autres fins est présent. On l’a vu avec l’application StopCovid qui avait au début une seule finalité, il y en a désormais davantage. Honnêtement, je pense que c’est une très mauvaise idée. Je combattrai cette idée au Sénat, non pas sur la dimension européenne, cela me choque moins. Par contre, j’ai évidemment à combattre cette idée au niveau national, parce que je ne veux pas qu’il y ait des contreparties à la vaccination. Cela voudrait dire que la vaccination donne des droits supplémentaires à ceux qui ont pu, ou voulu se faire vacciner. La vaccination est un choix individuel qui ne doit pas donner lieu à des contreparties.
À propos de l’application StopCovid devenue TousAntiCovid, quelles sont vos réticences ?
C’était d’abord d’avoir une application centralisée qui fasse remonter les informations personnelles, des données personnelles, vers un organisme d’État. On n’a jamais fait ça en France ! C’est un préalable qui me gêne énormément. Et deuxièmement, c’est le principe même d’une application qui me dérange et qui pourrait être demain utilisée à d’autres fins et étendue. Comme le pass sanitaire, une espèce de chose qui va rentrer dans la vie quotidienne. Je ne veux pas en entendre parler.
Vous dénoncez une « atteinte aux libertés individuelles ». Comment pouvez-vous lutter contre ce projet au Sénat ?
Le président de la République a parlé de la nécessité que le Parlement se saisisse de cette question. Le Parlement aura à autoriser cette finalité en France ou à autoriser l’exécutif à le faire. Et puis, si les collègues veulent le faire, il faudrait qu’on pose les garanties les plus importantes possibles. Dans les différents groupes du Sénat, je ne suis pas sûr que nous soyons majoritaires à être contre. À nous de convaincre. Alors on va nous dire ‘aller dans un salon professionnel ou aux Vieilles Charrues, ce n’est pas un acte de vie quotidienne’. Mais c’est quand même la liberté d’aller et venir. Pas de contreparties !
Emmanuel Macron assure que « le pass sanitaire ne sera jamais un droit d’accès qui différencie les Français ». Comment en avoir l’assurance ?
La preuve ! Il dit cela et en même temps, on sait que le pass sanitaire sera utilisé comme un élément de différenciation. Il faut être cohérent. Si ça veut dire pas de pass sanitaire sur le territoire national, eh bien non, ce n’est pas le cas. S’il y a une nouvelle vague, il sera généralisé ce truc-là ! Il est là le combat. Un certain nombre d’événements sont gratuits. Il n’y a pas de contrôle. Il n’y a pas de billets. Par exemple un gros événement comme une étape du Tour de France, vous faites comment ? Il y a quand même les prérogatives de puissance publique qui ne sont pas données à n’importe qui. Est-ce qu’on va demander que les contrôles soient effectués par les gendarmes et les policiers ? Ça veut dire qu’on va les occuper à faire du contrôle sanitaire physique. Si ce n’est pas le cas, ce seront des agents de sécurité privée. Sont-ils légitimes ? Sont-ils formés ? J’en doute vraiment. Et qu’est-ce qu’on fait si une personne n’a pas le pass ? On l’empêche de rentrer ? Tout ça est très embêtant.