Loi climat : le Sénat donne un droit de veto aux communes pour s’opposer à l’implantation d’éoliennes

Loi climat : le Sénat donne un droit de veto aux communes pour s’opposer à l’implantation d’éoliennes

Dans le cadre de l’examen de la loi sur le climat, le Sénat a donné la possibilité aux communes de s’opposer aux nouveaux projets de parcs éoliens. Elles pourraient aussi consulter la population par référendum. Le sujet a entraîné un débat tendu avec les écologistes. La ministre Barbara Pompili qualifie ce veto de « danger » et « préfère la consultation ».
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« Coup de vent attendu sur le Sénat. Attention, des rafales sont à prévoir ». Le bulletin météo aurait pu prévenir que les orages passaient par la Haute assemblée, dans la nuit de jeudi à vendredi. Car malgré l’heure tardive, les débats ont été tendus au Sénat sur la question de l’implantation des éoliennes. Un débat sensible, pendant plus d’une heure, sur ce sujet qui mêle mix énergétique et acceptabilité par les populations.

Face aux polémiques parfois récentes, qu'on retrouve jusque dans la campagne des régionales, les sénateurs pensent avoir trouvé la solution. Dans le cadre de l’examen du projet de loi sur le climat, la majorité de droite du centre de la Haute assemblée a adopté un amendement qui crée un droit de veto pour les communes sur l’implantation d’un parc éolien sur leur territoire. L’amendement LR donne aussi la faculté d’organiser un référendum local pour consulter la population. Adopté contre l’avis du gouvernement, les députés devraient cependant revenir dessus à l’Assemblée.

« L’implantation d’éoliennes pose un problème majeur d’acceptabilité »

« L’implantation d’éoliennes pose un problème majeur d’acceptabilité. Peut-être parce qu’on n’a pas suffisamment expliqué qu’il y avait une pollution lumineuse, sonore, un impact sur les couloirs de migration des oiseaux, que dans le calcul de l’amortissement de l’éolien, on n’avait pas pris assez en compte le recyclage de l’éolienne et du béton », a soutenu le sénateur LR Etienne Blanc pour défendre l’amendement. Ce dernier prévoit que le dossier d’implantation soit transmis au maire un mois avant. Ensuite, « il s’agit bien de donner un droit de veto à la commune. Il faut que ce soit le conseil municipal qui délibère ».

Rapidement, l’ambiance commence à se tendre. Les sénateurs écologistes montent au créneau contre la mesure. « Donc le Sénat, qui a longtemps été considéré comme Jacobin, […] est tout à coup saisi d’une frénésie de municipalisme libertaire ! C’est assez nouveau », ironise Ronan Dantec, sénateur de Loire-Atlantique, qui pointe « une logique que va vous amener très loin », « derrière, vous n’aurez plus de méthanisation, de deux fois deux voies, ou plus jamais de centrale nucléaire… » « Mais où on va ? Vous êtes sérieux ? » insiste le sénateur écologiste, selon qui « ce genre d’amendement met à terre toute stratégie énergétique. Ce n’est pas sérieux et vous le savez. Ce type d’amendement répond à l’air du temps » (voir la vidéo ci-dessous). Son collègue Daniel Salmon, sénateur EELV d’Ille-et-Vilaine, va plus loin :

On surfe sur une espèce de populisme, c’est assez incroyable et assez pitoyable.

« Rien que les chats mangent 20 millions d’oiseaux par an ! »

« Il y a une campagne de dénigrement assez incroyable contre les éoliennes », s’étonne encore Daniel Salmon. « On se pose des questions qu’on ne s’est jamais posées pour les autres structures. On parle du béton des éoliennes. Mais c’est 0,5 % du béton coulé en France. On ne se pose pas la question de l’impact sur le paysage des 1.400 volts qui partent des lignes de la centrale nucléaire de Flamanville », ajoute le sénateur écolo (voir la seconde partie de la vidéo ci-dessus).

Quant à l’argument du mal fait aux oiseaux, Daniel Salmon souligne que les éoliennes ne causent la mort que de « quelques dizaines » d’entre eux par an, et remet les choses en perspective : « Vous vous posez la question des millions d’oiseaux tués par les voitures ? Rien que les chats en mangent 20 millions par an ! » Et les maires n’ont pourtant pas de droit de veto contre les chats.

« A un moment donné, il faut savoir écouter les populations, et c’est le rôle d’un conseil municipal »

« A un moment donné, il faut savoir écouter les populations, et c’est le rôle d’un conseil municipal », répond le sénateur centriste de la Somme, Stéphane Demilly, qui ne comprend pas qu’on puisse « défigurer » un paysage « avec des mats éoliens de 40 à 60 mètres, contre l’avis d’un conseil municipal ». Le sénateur LR de Vendée, Didier Mandelli, insiste aussi sur « l’impact visuel » des éoliennes. Elles « mitent le paysage », « qui est un patrimoine commun ».

Guillaume Gontard, président du groupe écologiste, se place justement sur le plan de l’intérêt général, et pointe le fait qu’« un élu ou un conseil municipal pourra décider pour tout le reste ». Pour ce qui est de l’impact visuel, « bah oui, une éolienne, ça se voit. Car produire de l’énergie a un impact. Trouvez-moi un moyen de produire de l’énergie qui a zéro impact. Une centrale nucléaire, ça a un impact. Un impact sur cent mille ans », lance le sénateur de l’Isère. On le voit, l’atome est aussi la question sous-jacente de ce débat.

« Si nous voulons réussir l’éolien, il faudra que les populations et leurs représentants soient mis en situation de pouvoir se les approprier », prévient le sénateur PCF des Côtes-d’Armor, Gérard Lahellec. Son groupe avait déposé aussi un amendement donnant un droit de veto à la commune, avant de le retirer durant les débats. Le sujet n’est à l’évidence pas forcément une opposition classique gauche/droite.

Barbara Pompili veut « une cartographie » des lieux d’implantation possibles et des objectifs par région

Dans ce débat, la ministre de la Transition écologique, Barbara Pompili, a clairement choisi son camp. Elle s’oppose sans équivoque à toute idée de veto de la commune, « convaincue qu’on doit mettre dans le débat un peu plus de raison et un peu moins de passion ». Reconnaissant le « sentiment d’encerclement, car il n’y a pas eu suffisamment de concertation sur l’implantation » à certains endroits, la ministre entend « concilier nos impératifs d’évolution de notre mix énergétique » et celui de « préserver notre patrimoine culturel mais aussi naturel ».

Les préfets seront ainsi chargés d’élaborer « une cartographie » dans chaque département, « qu’on sache où il est possible de mettre des éoliennes, et là où ce n’est pas possible ». La ministre évoque « évidemment » la nécessité du vent, mais aussi « là où il n’y a pas de radar, notamment militaire, on a un sujet sur cette question, là où il n’y a pas d’aérien », ou encore la question des « chauves-souris, qui sont très perturbées par les éoliennes ».

Second élément : une « déclinaison par région de nos objectifs de programmation pluriannuelle de l’énergie. On donne des objectifs, mais on ne définit pas du tout comment ils se mettent en place sur nos territoires. […] Cela permet aussi à chaque région de prendre sa part. C’est normal qu’il y ait une répartition ». Entre la cartographie et les objectifs, « ce sera plus facile de déterminer, en concertation, là où il faut mettre des éoliennes », veut croire Barbara Pompili. En revanche, « donner un droit de veto, c’est toujours un danger », prévient-elle. Elle « préfère la concertation » à un « verrou ».

L’écologiste Ronan Dantec raille « des élus qui vont dans le sens du vent… »

La proposition de la ministre n’a pas réussi à faire redescendre la température. Ronan Dantec, à nouveau, pointe l’amendement LR, « une position totalement décliniste d’un pays qui tourne le dos à son histoire gaulliste, […] avec des élus qui sont totalement perdus et qui vont dans le sens du vent… » Une invocation du « général » qui passe mal pour Stéphane Piednoir, sénateur LR du Maine-et-Loire, qui « préfère la consultation plutôt que des acharnés qui bloquent des projets comme à Notre-Dame-des-Landes ! » Etienne Blanc s’étonne lui que les écolos refusent les référendums sur les éoliennes quand ils le demandent sur le nucléaire.

« J’ai l’impression que la droite de cet hémicycle est devenue décroissante », raille à son tour Guillaume Gontard. « Je ne peux pas accepter ce genre de propos », rétorque la rapporteur LR, Marta de Cidrac. « Ce n’est pas la peine de vous traiter de quoi que ce soit », tente de ramener le calme le sénateur LR Roger Karoutchi, qui préside la séance avec son calme habituel. « On est dans un débat stérile », soupire son collègue LR Patrick Chaize, qui propose que le Sénat planche sur « des travaux sur l’empreinte des énergies renouvelables… et pourquoi pas du nucléaire. Ça pourrait éclairer nos débats ». Et peut-être rendre l’ambiance moins électrique la prochaine fois.

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