Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Loi asile-immigration : pourquoi les sénateurs LR étaient absents en séance
Par Public Sénat
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L’examen du projet de loi asile et immigration a pris une tournure étonnante au Sénat cette semaine. Depuis mardi 19 juin, les sénateurs planchent sur le projet de loi que porte le ministre de l’Intérieur, Gérard Collomb. Mais pas tous les sénateurs. Car à plusieurs reprises, les membres de la majorité sénatoriale ont brillé par leur absence. Si bien qu’on se pose la question : où sont passés les sénateurs LR ?
Un phénomène d’autant plus incompréhensible que la majorité de droite du Sénat a imprimé sa marque sur un texte globalement durci, pour mieux dénoncer les insuffisances du projet gouvernemental.
Cet absentéisme n’a pas été sans conséquence sur les débats. A plusieurs reprises, la gauche, qui s’était particulièrement mobilisée entre socialistes et communistes, s’est retrouvée en majorité dans l’hémicycle. Ils ne sont pourtant que 77 pour les premiers et 15 pour les seconds. Beaucoup moins que les 145 sénateurs du groupe LR, sans compter les 50 du groupe UDI-UC. Les sénateurs PS ont ainsi réussi à faire adopter certains amendements. La droite a alors multiplié les scrutins publics – qui permettent de voter pour les absents – pour éviter ce genre de déconvenue. Rallongeant d’autant les débats, au point que les sénateurs ont dû repousser la fin de l’examen du texte, initialement programmé jeudi 21 juin, à lundi.
Agacement
Après un premier épisode mardi soir, la situation s’est aggravée dans la nuit de jeudi à vendredi. Au point que Philippe Bas lui-même, président LR de la commission des lois, a demandé de lever la séance, en vain. Du jamais vu en pareille circonstance de mémoire de sénateur. Sur Twitter, la sénatrice LR Joëlle Garriaud-Maylam, n’a pas caché son agacement. « Très peu de monde, amendements votés à une voix près. Et seulement trois membres LR de la commission des lois (hors président et rapporteur), pourtant responsable du texte » a-t-elle écrit, comme nous le rapportions, avant de supprimer son tweet.
Vendredi matin, après une courte nuit, c’est un peu la gueule de bois à la reprise de la séance. Et ce n’est ni la victoire des Bleus, ni la Fête de la musique qui en sont la cause. Le sénateur LR Roger Karoutchi, présent tout du long des débats, ne peut que reconnaître le malaise (voir la vidéo) :
« C’est vrai, je suis le premier à la reconnaître et à le regretter, hier soir, il y a eu ce phénomène absolument extravagant d’une majorité insuffisamment mobilisée et d’un groupe socialiste plus nombreux, d’où la cascade de scrutins publics, d’où les interruptions. Je le regrette infiniment. Et c’est un problème qu’on devra régler en interne dans le groupe LR ».
« C’est comme pour un accident d’avion, ce n’est jamais une cause unique »
Comment expliquer ce couac ? Une seule réponse ne suffirait pas. « C’est comme pour un accident d’avion, ce n’est jamais une cause unique » résume un membre avisé de la majorité. Du côté des sénateurs LR, on reconnaît un problème de présence, mais on le minimise. Et l’explication est toute trouvée : « Les socialistes ont voulu faire un coup contre Gérard Collomb. Il suffit de voir les invectives pour voir que ce coup était organisé » affirme à publicsenat.fr Bruno Retailleau, président du groupe LR, qui a dû lui-même repartir à Nantes pour une session du conseil régional.
« Il y a eu une mobilisation exceptionnelle à gauche, qui n’a pas été anticipée » ajoute Philippe Bas. Un autre sénateur remarque qu’en réalité, le nombre d’élus LR présents jeudi soir était habituel pour une séance de nuit, la veille d’un vendredi. Ce qui aurait dû suffire, sans la forte présence de la gauche. « Le groupe PS en veut certainement au ministre de l’Intérieur, ancien collègue de leur groupe, et ils veulent lui faire payer son passage au gouvernement » confirme Bruno Sido, sénateur LR de la Haute-Marne. La droite serait ainsi un dommage collatéral.
Grève SNCF
Chez les LR, on ajoute une autre raison : la grève SNCF, qui a repris ce vendredi. « C’est un élément de plus qui n’a pas aidé » pense-t-on au groupe. La mobilisation est pourtant en baisse chez les cheminots. « Dans mon cas, s’il n’y avait pas grève, je serais revenu à Paris aujourd’hui. Mais j’ai un intercité. Et il n’y en avait pas » explique Bruno Sido.
Autre élément, évoqué par une sénatrice LR : « Gérard Larcher est parti au forum parlementaire au Maroc. Il a amené des parlementaires avec lui ». Pour cette visite officielle, faite avec le président de l’Assemblée nationale, François de Rugy, le président du Sénat est accompagné de quatre sénateurs LR, selon le communiqué de la présidence. C’est peu, mais quand la majorité dans l’hémicycle tient à quelques voix, c’est un élément de plus qui peut compter.
« Je ne les excuse pas mais je justifie leur absence »
Et si la raison était à chercher sur le fond du texte ? Certains centristes préféreraient peut-être des mesures moins fermes, quand des sénateurs LR veulent aller plus loin, comme Sébastien Meurant, dont le coup d’éclat a marqué les débats mardi soir (voir la vidéo), ou Philippe Pemezec, sénateur LR des Hauts-de-Seine. Il l’a dit vendredi matin : « Au fond, je comprends qu’un certain nombre d’élus de ma sensibilité soient absents. Je ne les excuse pas mais je justifie leur absence parce que la réponse qu’on apporte aujourd’hui à cette problématique de l’immigration est bien en deçà de ce que nous devrions faire ». Regardez :
Mais globalement, le groupe semble en accord. « Il y a un consensus sur la ligne portée par Philippe Bas et François-Noël Buffet, rapporteur du texte », assure Bruno Retailleau. Ce qui n’empêche pas des prises de parole. « On n’est pas LREM, il y a une liberté de vote d’amendement. Mais les amendements individuels n’engagent pas le groupe » précise le président de groupe.
« On essaie de mettre en place la possibilité de tourner, on a des tableaux »
Reste que cette difficulté à rameuter les troupes n’est pas du meilleur effet. Au groupe, on a pourtant l’habitude d’organiser la présence sur les textes. « On appelle, on essaie de mettre en place la possibilité de tourner, on a des tableaux. Vendredi, on sollicite beaucoup plus les sénateurs de région parisienne, plus proches » explique-t-on.
Mais du bout des lèvres, on reconnaît un petit retard à l’allumage. Il y a eu peu de texte à l’ordre du jour depuis plusieurs mois, avec des vendredis libres, côté Sénat. « Il faut qu’ils reprennent le rythme. Il y a un temps de latence ». Sans compter un rythme d’examen « hyper lourd », avec des séances jusqu’à minuit qui peuvent reprendre le lendemain matin. Et un « texte extrêmement complexe et juridique ». Et les attaques de la gauche. « C’est difficile, vous passez presque pour un facho… » s’agace une sénatrice. De quoi décourager les bonnes âmes.
Présence en circonscription et agenda parlementaire chargé
S’ajoute la présence en circonscription, « des inaugurations, ou rendez-vous en préfecture » déjà calés à l’avance. « Les sénateurs doivent de temps en temps rentrer chez eux en circonscription quand même » soutient Sophie Primas, sénatrice LR ajoute la sénatrice des Yvelines. Et « quand on habite à l’autre bout de la France, c’est une logistique plus importante ».
« Juin est le mois où il y a des sessions. Moi j’étais au conseil régional. Il y a des sessions en conseils départementaux aussi » ajoute Bruno Retailleau. Le non-cumul entre un mandat de parlementaire et un exécutif local était pourtant censé permettre aux parlementaires d’être plus présents… « Il faut le non-cumul total, peut-être ! » plaisante Bruno Sido, qui reconnaît que « si on n’est pas là localement, on n’est pas réélu la prochaine fois ».
Autre problème soulevé : « Le rythme en juin/juillet. C’est n’importe quoi. On passe des textes hyper importants les uns derrière les autres » regrette aussi Sophie Primas. « Les conditions du travail du Parlement sont de plus en plus dures. A force de travailler de nuit, en mettant la moitié du temps pour examiner un texte, que ce qu’on faisait il y a seulement 4 ou 5 ans, il arrive des difficultés. C’était la nuit dernière la troisième nuit de délibération. Ce ne sont pas des bonnes conditions pour faire la loi », regrette Philippe Bas, qui compte bien le rappeler lors de la révision institutionnelle, où Emmanuel Macron veut pousser les parlementaires à légiférer plus vite. Regardez :
« Ça joue contre le Sénat, évidemment »
Un sénateur LR, qui a pris la peine d’être présent, garde quand même au travers de la gorge l’absence de ses collègues. « Je trouve scandaleux que des gens qui réclament des postes au Sénat, ou des membres de la commission des lois, ne soient pas là ». Le même élu continue : « Ça me met en rage, je ne devrais pas être là, j’ai été obligé de supprimer des rendez-vous ». Et de conclure : « C’est désespérant pour l’image du Sénat. Ça joue contre lui, évidemment ». Au moment où les sénateurs défendent le bicamérisme, dans le cadre de la révision institutionnelle, et se plaignent de voir les ministres remplacés par leurs secrétaires d’Etat en séance, on fait mieux comme message.
Des raisons plus triviales peuvent encore s’ajouter. Peut-être pas le match de l’équipe de France. Mais pour la soirée de mardi, le cocktail de fin de session du groupe LR n’a rien arrangé. On l’a dit, les causes sont multiples.
« Qu’on oblige aussi les sénateurs à être présents sur les textes importants »
Se pose alors (à nouveau) la question de la présence lors des travaux de la Haute assemblée. « On nous oblige à être là lors des questions d’actualité au gouvernement pour les caméras. A ce moment, qu’on oblige aussi les gens à être présents sur les textes importants » lance une sénatrice. Depuis les mesures prises contre l’absentéisme, la présence en commission et aux votes solennels sont pris en compte, mais pas pour le reste des débats. Sur Twitter, la sénatrice UDI Nathalie Goulet plaide pour des règles encore plus contraignantes : « L’absence des sénateurs vient d’une réforme « incomplète ». La présence devrait être obligatoire pour les sénateurs lors de l’examen d’un texte de leur commission ».
Au groupe, on a pris les dispositions pour la suite. On assure que « tout ça sera calé la semaine prochaine ». « Il y a eu une soirée. Aujourd’hui, il n’y a plus de souci et lundi il y aura encore moins de soucis » soutient Bruno Retailleau. Pour le président de groupe, cette histoire doit servir de « leçon utile ».