Loi anticasseurs : en commission, les sénateurs votent la même version que les députés

Loi anticasseurs : en commission, les sénateurs votent la même version que les députés

En deuxième lecture, la commission des lois du Sénat a voté conforme la proposition de loi dite anticasseurs adoptée par les députés le 5 février. Les sénateurs, à l’origine du texte, ont fait le choix de la raison car la proposition de loi de Bruno Retailleau a été sensiblement modifiée à l’Assemblée nationale et pourrait se heurter à la censure du Conseil Constitutionnel.
Public Sénat

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

« J’ai un doute » reconnaît la rapporteure LR de la proposition de loi anticasseurs, Catherine Troendlé lorsqu’on l’interroge sur une possible censure du Conseil Constitutionnel. Ce mercredi, en commission des lois, les sénateurs ont préféré voir le verre à moitié plein en choisissant de voter conforme (sans modification) le texte adopté par les députés le 5 février dernier.

Pour mémoire, le 23 octobre dernier, le Sénat avait adopté la proposition de loi du président du groupe LR, Bruno Retailleau, visant « à prévenir les violences lors des manifestations et à sanctionner leurs auteurs ».

Début janvier, après un week-end marqué par des violences en marge des manifestations des gilets jaunes, le gouvernement, jusque-là réticent, avait fait le choix d’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée nationale, l’examen de ce texte de 8 articles.

Un mois plus tard, l’adoption de cette proposition de loi avait créé le trouble au sein de la majorité LREM de l’Assemblée nationale, une cinquantaine d’élus s’étaient abstenus jugeant que certaines dispositions portaient atteinte à la liberté de manifester. Parmi lesquels, la possibilité sur réquisition du procureur, de procéder à des fouilles des sacs et véhicules aux abords des manifestations afin de rechercher des « armes par destination », marteaux, boules de pétanque, etc... Ou encore la création d’un délit de dissimulation volontaire du visage (totalement ou partiellement) puni d'un an d'emprisonnement et 15.000 euros d'amende.

Les députés avaient renforcé les interdictions administratives de manifester

Les députés avaient surtout renforcé la possibilité pour les préfets d’interdire à des individus présentant « une menace d’une particulière gravité pour l’ordre public » de participer à une manifestation. Prévue au cas par cas et sur périmètre donné dans le texte initial du Sénat, la version de l’Assemblée permet à un préfet de procéder à cette interdiction administrative sur une durée d’un mois et sur tout le territoire national. Sur cette disposition au moins, le texte pourrait être retoqué par le Conseil Constitutionnel. Le Parti socialiste a déjà prévenu qu’il comptait saisir les sages de la rue de Montpensier.

« Je n’ai pas envie de revoir le même bordel à l’Assemblée nationale »

Si certains députés LREM avaient choisi de s’abstenir dans l’espoir d’améliorations en deuxième lecture, la majorité sénatoriale de la droite et du centre leur a coupé l’herbe sous le pied, ce matin, par ce vote conforme. Mais pour un sénateur LREM, ce vote conforme du Sénat n’est pas sans arranger le parti présidentiel. « Je n’ai pas envie de revoir le même bordel à l’Assemblée nationale ».

« La version du Sénat me semblait détenir plus de garanties au niveau constitutionnel »

« Il est vrai que j’aurais préféré la version du Sénat qui me semblait détenir plus de garanties au niveau constitutionnel (…) C’est un choix politique, certes, dans la mesure où aujourd’hui, nous sommes confrontés à des situations pour lesquelles nous n’avons pas de réponses immédiates, pas de volet préventif pour interpeller au plus tôt, ceux qu’on appelle les casseurs (…) l’objectif premier, c’est de garantir une liberté de manifester de façon pacifique » justifie Catherine Troendlé.

« C’est un vote conforme, de justesse. On voit qu’il y a un calcul politique de la part de la majorité sénatoriale qui espère faire passer son texte. Même si de l’avis de chacun, la version qui revient de l’Assemblée nationale est moins bonne que la version initiale » regrette le sénateur PS, Jérôme Durain qui maintient que pour lui « ce texte est attentatoire aux libertés publiques et inopérant ».

« À un moment, nécessité fait loi »

La sénatrice centriste, Françoise Gatel, a voté conforme mais reconnaît aussi que le texte « est d’une grande fragilité constitutionnelle ». « Mais à un moment, nécessité fait loi. Et là, c’est un cas de nécessité. Je ne parle pas uniquement de ce qui se passe autour des gilets jaunes. On a vu ce qui s’est passé à Notre Dame des Landes, à Bure… »

La proposition de loi sera examinée en deuxième lecture au Sénat le 12 mars prochain. Si comme on semble s’y diriger, le vote est conforme, le texte sera promulgué sans repasser à l’Assemblée.

Casseurs: vers un renforcement de la loi
01:47

 

Dans la même thématique

Loi anticasseurs : en commission, les sénateurs votent la même version que les députés
3min

Politique

Retraites : « Il y a de la démagogie chez ceux qui expliquent que l’on peut aussi revenir sur la réforme Touraine », alerte Bernard Jomier

Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.

Le

Paris: Weekly session of questions to the government at the french senate
6min

Politique

Budget : les sénateurs écologistes accusent la majorité du Sénat de « lâcher les collectivités »

Alors que la majorité sénatoriale veut réduire l’effort demandé aux collectivités de 5 à 2 milliards d’euros dans le budget, c’est encore trop, aux yeux du groupe écologiste du Sénat. « Il y a un changement de pied de la majorité sénatoriale », pointe le sénateur Thomas Dossus. Avec le groupe PS et communiste, ils vont présenter onze amendements identiques « pour faire front commun ».

Le

Loi anticasseurs : en commission, les sénateurs votent la même version que les députés
2min

Politique

Retrait de la plainte de Noël Le Graët : « une décision sage et prudente » réagit Amelie Oudéa-Castera

A quelques jours de l’audience qui devait avoir devant la cour de justice de le République, Noël Le Graët, par la voix de son avocat a annoncé retirer sa plainte pour diffamation contre l’ancienne ministre des Sports. Invitée dans l’émission Sport etc, Amélie Oudéa-Castéra réagit en exclusivité à cette annonce au micro d’Anne-Laure Bonnet.

Le

G7 summit in Borgo Egnazia
6min

Politique

Nomination des commissaires européens : « On constate qu’Ursula von der Leyen ne peut pas se passer du soutien de Giorgia Meloni », note un spécialiste des partis européens 

La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.

Le