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Licenciement pour absence de passe sanitaire : une mesure qui enflamme les politiques et le patronat
Par Jérôme Rabier
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« Comment voulez-vous qu’un patron de café fasse en septembre si une partie de ses salariés refuse le passe sanitaire ? » Cette inquiétude, c’est celle de Serge Babary, sénateur LR d’Indre-et-Loire et président de la délégation sénatoriale aux entreprises. Et elle est largement partagée dans les travées de l’hémicycle. « C’est quasiment inapplicable, et surtout socialement et financièrement injuste pour les salariés, comme pour les entrepreneurs » insiste l’élu, lui-même ancien chef d’entreprise.
Applicable dès le 30 août
Lors des débats à l’Assemblée nationale, le licenciement possible des salariés qui ne présenteraient pas leur passe sanitaire dans les établissements où il sera obligatoire, a été l’objet de vives discussions. Le gouvernement a prévu des aménagements. Le passe deviendra obligatoire le 30 août, et ceux qui ne seraient pas dans les clous, pourraient, en accord avec l’employeur, avoir « la possibilité de prendre des RTT ou des jours de congé » dans l’attente de la régularisation de leur situation, a prévenu Elisabeth Borne, ministre du Travail.
Mais si le salarié ou le fonctionnaire concerné persiste dans son refus, l’employeur pourra suspendre le contrat de travail pendant deux mois, sans verser de salaire, avant d’engager une procédure de licenciement pour cause réelle et sérieuse. Une possibilité qui a été dénoncée par une bonne partie des opposants au gouvernement.
« Chantage à l’emploi, de la menace à la réalité », a critiqué Guillaume Chiche, député non inscrit des Deux-Sèvres. « C’est un acte totalement arbitraire qui peut découler de ces dispositions » a mis en garde Jean-Luc Mélenchon au nom des Insoumis. Même Pacôme Rupin, pourtant élu LREM de Paris, a dénoncé le fait « de faire rentrer le passe sanitaire dans le monde du travail » s’insurgeant que cela devienne « un motif de licenciement ». « L’esprit n’est pas de renvoyer les gens mais d’inciter à la vaccination », a répliqué Olivier Véran.
Un calendrier très serré
« Il y a déjà un problème de calendrier » pour Serge Babary. « Pour avoir un schéma vaccinal complet au 30 août, il faut se faire vacciner maintenant. Mais beaucoup de remontées de terrain font état d’un manque de rendez-vous disponibles et les agences de santé en conviennent », s’inquiète le sénateur. Une inquiétude partagée par le patron du MEDEF Geoffroy Roux de Bézieux, qui réclame dans les colonnes du Parisien un report de cette mesure au 30 septembre.
Mais derrière la question du calendrier de mise en œuvre, beaucoup s’inquiètent des conséquences, en termes d’organisation, comme de coût financier. « On ne peut pas gérer une entreprise en découvrant au 30 août qu’une partie des salariés ne sera pas disponible », prévient Serge Babary. « Et comment on fait dans l’hôtellerie-restauration où on a déjà du mal à trouver du personnel ? » s’interroge le sénateur.
Le coût des licenciements
Du côté des organisations professionnelles du secteur, on dénonce « un texte inapplicable ». Les quatre organisations représentatives de l’hôtellerie-restauration, ont signé un communiqué commun où elles s’inquiètent d’un coût important à prévoir. Car oui, les salariés licenciés toucheront des indemnités versées par l’employeur, comme la loi le prévoit. Les représentants des entreprises du secteur demandent donc que ce licenciement soit « qualifié par un motif qui libère l’entreprise de coûts, d’autant que ce ne sera pas à l’initiative de l’employeur ». Geoffroy Roux de Bézieux réclame que ça soit l’Etat qui prenne en charge ces indemnités légales. « On est dans une situation irréaliste et inapplicable » tranche Serge Babary, qui aurait préféré la vaccination obligatoire de toute la population.
Dans ce concert de critiques, d’autres voix se font entendre pour dénoncer ce changement de règles du droit du travail. « L’employeur ne semble pas être l’acteur idéal pour effectuer ce contrôle et s’immiscer dans la vie privée du salarié », note l’avocate Michèle Bauer dans son analyse de l’avis du Conseil d’État. L’avocat en droit du travail Benoît Sevilla a crié sa colère sur les réseaux sociaux, jugeant le vote des députés « surréaliste ».
Pour trancher, la balle sera sans doute dans les mains du Conseil Constitutionnel, que le gouvernement comme les opposants, comptent saisir à l’issue du vote définitif du projet de loi. « On a vu que le gouvernement n’était pas très sûr, cela veut dire que le texte n’est pas parfait sur le plan juridique », juge Serge Babary, qui espère un dispositif plus adapté, qui ne repose pas sur les employeurs pour contrôler la situation personnelle des salariés.