Il y a plus d’un an, Emmanuel Macron avait fermé la porte à une réforme des droits de succession. La mise au point de l’Elysée était intervenue après que Christophe Castaner, alors patron de LREM, avait évoqué une réflexion sur ce sujet sensible. Les sénateurs PS veulent aujourd’hui remettre le couvert. Le Sénat examine ce mardi une proposition de loi qui vise à la fois à faciliter les donations tout en alourdissant les droits de succession au nom de la justice sociale.
Le texte des socialistes a été adopté en séance ce mardi, mais après avoir été largement modifié. En commission, la majorité sénatoriale de droite n’a soutenu que le premier point, pas le second sur les droits de succession. Le groupe PS s’est donc abstenu sur l’ensemble du texte.
Le PS veut « davantage taxer les hauts patrimoines » au nom de la justice sociale
« Notre objectif est de davantage taxer les hauts patrimoines quand ils sont transmis » a expliqué en séance le président du groupe PS, Patrick Kanner, auteur du texte avec Thierry Carcenac, tout en assurant « une redistribution intragénérationnelle, par des mesures favorisants les donations ». Il défend « un chemin qui redistribue, tout en favorisant les classes moyennes ».
Au volet transmission, « on a constaté qu’on héritait très tardivement maintenant, entre 50 et 60 ans. On n’a pas forcément besoin d’argent à ce moment-là. Pour ceux qui ont du patrimoine important, il s’agit de faciliter les donations des grands-parents aux petits-enfants » explique à publicsenat.fr Thierry Carcenac, sénateur PS du Tarn. Il précise que les socialistes ont « souhaité augmenter le montant de la donation à 150.000 euros, mais ça n’a pas été retenu en commission », qui a préféré fixer le niveau à 70.000 euros par petit-enfant, contre 31.865 euros actuellement. Le montant voulu par les socialistes était « trop coûteux pour les finances publiques » fait valoir Jean Pierre Vogel, rapporteur du texte et sénateur LR de la Sarthe. Pour rappel, chaque parent peut donner jusqu’à 100.000 euros par enfant sans qu'il y ait de droits de donation à payer.
La hausse des inégalités « liée aux inégalités de patrimoine »
En revanche, les sénateurs socialistes n’ont – sans surprise – pas convaincu sur les droits de succession. « Nous partons d’un constat : les inégalités sociales et économiques sont en aggravation dans notre pays » rappelle Patrick Kanner, qui se réfère à l’économiste Thomas Piketty, selon qui le creusement des inégalités « est plus lié aux inégalités de patrimoine », cette « reproduction patrimoniale systématique, qui amplifie ce phénomène ». Il rappelle que la réforme de l’ISF du gouvernement a permis un joli gain pour les plus hauts revenus. Il s’élève à 1,7 million d’euros pour chacun des 100 Français les plus riches, selon une étude de la commission des finances du Sénat.
Si les sénateurs PS veulent « taxer un peu plus les successions », ils ne veulent pas toucher aux classes moyennes. « Pour un cadre moyen, le patrimoine, c’est environ 200.000 euros en moyenne et 16.000 euros pour un ouvrier » souligne Thierry Carcenac. Les sénateurs PS proposent donc « un seuil pivot à 300.000 euros. En dessous, il y a possibilité de payer moins, et au-delà, c’est un accroissement dans le cadre de la justice fiscale » détaille le sénateur PS du Tarn. Les sénateurs PS veulent aussi inclure les assurances vies dans l’assiette, c’est-à-dire le calcul des droits de succession. « Nous avons constaté qu’il y a de l’optimisation fiscale sur l’assurance vie » explique Thierry Carcenac. Mais là aussi, refus de la commission des finances.
Le gouvernement « pas fermé à une meilleure prise en compte de la solidarité intergénérationnelle » pour les classes moyennes
Le texte devrait arrêter son parcours législatif ici, faute d’un accord avec l’exécutif. « Le gouvernement ne soutiendra pas la PPL, même amendée » a prévenu en séance le secrétaire d’Etat auprès du ministre des Comptes publics, Olivier Dussopt. Mais l’exécutif n’écarte pas des changements ultérieurs… Le gouvernement n’est en effet « pas fermé à une meilleure prise en compte de la solidarité intergénérationnelle. Nous souhaitons y réfléchir en privilégiant les ménages moyens et en évitant les effets d’aubaine » explique le secrétaire d’Etat. Mais le gouvernement préfère « attendre la fin de travaux » de réflexion lancés autour de la garde des Sceaux.
Une situation déjà vu. La Haute assemblée avait ainsi défendu en 2018 un congé pour les proches aidants, refusé alors par le gouvernement… qui vient de présenter son dispositif aujourd’hui (lire notre article sur le sujet). Sur la « solidarité intergénérationnelle », l’exécutif pourra toujours s’inspirer des travaux du Sénat, le moment venu.