La Commission européenne devrait pouvoir entrer en fonction dès le 1er décembre après l’accord entre les trois principaux partis européens sur le collège des commissaires. Un accord qui illustre la place centrale de la droite européenne, prête à s’allier avec l’extrême droite.
Les 50 propositions du Sénat « pour une nouvelle génération de la décentralisation »
Par Public Sénat
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Le pays est-il à l’aune d’une nouvelle vague de décentralisation ? Emmanuel Macron y semble prêt. Le Sénat aussi. Depuis février, ses groupes politiques ont planché sur la question. Il en ressort 50 propositions détaillées, présentées par le président LR du Sénat, Gérard Larcher, ce jeudi 2 juillet (voir ici l'intégralité du rapport). Elles ont été transmises au chef de l’Etat, qui début juin, a demandé à Gérard Larcher de contribuer à la réflexion sur « l’après ». Et sur les questions des collectivités locales, difficile de faire sans l’avis du Sénat, qui représente ces collectivités selon la Constitution.
Après l’abstention record aux municipales, qui dit « beaucoup des fractures françaises », Gérard Larcher pense, en introduction du rapport, que « la période actuelle est propice à une redistribution des pouvoirs », avec « des collectivités territoriales fortes et responsables », « dont la légitimité démocratique serait enfin pleinement reconnue ».
De quoi donner à Emmanuel Macron quelques idées
Si certaines des propositions ne sont pas partagées par l’ensemble des groupes, le travail portant la marque de la majorité sénatoriale, comme nous l’a expliqué Patrick Kanner, président du groupe PS, les propositions n’en sont pas moins un travail collectif, avec 14 réunions techniques et 5 principales. Les idées propres au groupe socialiste sont néanmoins ajoutées en annexes.
Le rapport, mené par les deux co-rapporteurs, Philippe Bas, président LR de la commission des lois, et le centriste Jean-Marie Bockel, à la tête de la délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation, fait 47 pages. De quoi donner à Emmanuel Macron quelques idées, clefs en main.
Ces 50 propositions « pour une nouvelle génération de la décentralisation » et « pour le plein exercice des libertés locales », fixe quatre objectifs : « Conforter l’autonomie des collectivités territoriales », « donner toute sa mesure au principe de subsidiarité », c’est-à-dire la recherche du meilleur échelon pour mener une action, « amplifier la différenciation dans le respect de l’unité nationale afin d’adapter l’action publique aux spécificités locales » et « renforcer le contrôle du Parlement pour garantir les libertés locales ».
I. Autonomie des collectivités territoriales confortée
Dans ce chapitre, la volonté de « garantir l’autonomie financière » des collectivités a toute sa place. Comme nous l’écrivions déjà mardi, le Sénat propose d’inscrire dans la Constitution le principe selon lequel « qui décide paie », une maxime chère au président de l’Association des maires de France (AMF), François Baroin. Ce principe « garantirait aux collectivités territoriales une compensation financière pour toute modification des conditions d’exercice des compétences locales » précise le rapport.
Cela tombe bien, Emmanuel Macron a remis sur la table la révision constitutionnelle, avec l’idée d’y intégrer l’environnement à l’article 1. Il faudra peut-être penser à ajouter un chapitre collectivités.
Autres idées : « Passer de la contractualisation subie à la contractualisation partagée », « maintenir des ressources stables et non liées à la conjoncture pour les collectivités territoriales, en instituant un moratoire sur la réforme des finances locales », « garantir les ressources des collectivités territoriales et assurer une péréquation plus juste » ou encore « affecter une fraction significative de la dotation d’équipement des territoires ruraux (DETR) aux petits projets d’investissement des communes rurales ».
« Garantir une représentation équitable des territoires »
Les sénateurs proposent aussi de « donner plus de souplesse aux collectivités territoriales dans la définition de leur organisation interne et dans l’organisation de la conférence territoriale de l’action publique », avec l’idée de « garantir une représentation équitable des territoires dans les assemblées locales, en particulier les intercommunalités ».
Cela passe encore une fois par une modification de la Constitution. Actuellement, « la population représentée par les élus de chaque territoire ne peut, sauf impératif d’intérêt général, s’écarter de plus de 20 % de la population moyenne représentée par les élus de l’assemblée délibérante », suite à une jurisprudence du Conseil constitutionnel, rappelle le rapport.
A la place, le Sénat propose « d’accroître de 20 % à un tiers le plafond d’écart de représentation par rapport à la population moyenne représentée par les élus de l’assemblée délibérante, pour les élections municipales, départementales et régionales » et pour les intercommunalités, et même de le porter « à la moitié » pour ces dernières. Pour y arriver, les sénateurs proposent de reprendre les principes de la proposition de loi constitutionnelle de Gérard Larcher et Philippe Bas, adoptée par le Sénat en 2015.
Cette question des 20% avait déjà été évoquée au moment des débats sur la baisse du nombre de parlementaires, voulue par Emmanuel Macron. Le sujet a été source de discorde avec le Sénat, qui veut une bonne représentation des territoires ruraux, avec au moins un sénateur par département. En adoptant ce principe d’un écart de 30%, on facilite l’objectif sénatorial, si d’aventure la baisse du nombre de parlementaires revient sur la table…
Autres idées proposées par le Sénat, qui est dans l’air du temps, celle d’« élargir le droit de pétition local pour permettre l’inscription d’une délibération à l’ordre du jour d’une assemblée délibérante » et d’« autoriser la tenue d’une consultation de la population préalablement à un avis que la collectivité territoriale est amenée à donner ».
Le Sénat veut aussi « permettre aux intercommunalités de déléguer certaines de leurs compétences ».
II. Subsidiarité : passer des principes aux actes
La subsidiarité « est en réalité un principe de proximité : il implique d’organiser les politiques publiques à l’échelon le plus proche des citoyens », s’il est compatible avec l’efficacité. « Ainsi, la commune doit en principe être préférée au département, le département à la région, la région à l’État, la Nation à l’Europe », à condition que ce choix soit le plus efficace, explique le rapport.
Ici aussi, les sénateurs proposent de revoir la loi fondamentale, en consacrant « dans la Constitution la clause générale de compétence des communes », qui leur permet d’agir sur tous les domaines. Autre proposition, c’est la numéro 20 : « Permettre aux collectivités territoriales, en situation d’urgence reconnue, de déroger à la répartition des compétences dans l’intérêt général ». On sent que la crise du Covid passée par là. Tout comme avec cette proposition, en matière de santé, de « confier la présidence de l’agence régionale de santé (ARS) au président du conseil régional en renforçant les pouvoirs du conseil de surveillance ». Lors d’une audition au Sénat, leur rôle pendant la crise a été épinglé.
Compétences renforcées pour les départements et régions
Pour les départements et régions, on trouve des compétences renforcées. « Départements : élargir les compétences du département en tant que responsable des solidarités sociales, médico-sociales et territoriales ». « Régions : amplifier les moyens d’action de la région pour conduire les stratégies de développement et d’aménagement du territoire, avec un bloc cohérent de compétences pour l’emploi, la formation professionnelle, l’enseignement supérieur et le développement économique durable ».
Un Etat plus déconcentré est vu comme une « garantie d’efficacité ». Là encore, on sent l’influence de la crise sanitaire dans les propositions : « En situation de crise reconnue, placer l’État territorial sous l’autorité des préfets de département dans toutes ses composantes pour toutes les actions publiques relevant de la gestion de crise » ; « Afin de rapprocher l’autorité du terrain, le département doit redevenir l’échelon pivot de l’action de l’Etat au plan local, en transférant notamment au préfet de département les décisions instruites par les agences et les services de l’État au niveau régional ».
III. Un droit à la différenciation, dans le respect de l’unité nationale
Le titre du chapitre résume toute la difficulté du sujet. Le droit à la différenciation, c’est permettre d’adapter l’action, et donc les lois, aux réalités locales. Mais sans remettre en cause « le caractère unitaire et indivisible de la République ». C’est du moins l’objectif affiché. « La différenciation est déjà appliquée en Corse » rappelle le rapport, tout comme en Alsace et en Outre-Mer. Une idée que défend aussi le gouvernement, dans le futur projet de loi « 3D ».
Là encore, on retrouve une modification de la Constitution, avec une idée qu’on trouvait déjà dans la dernière mouture de la révision : « Instituer un droit à la différenciation constitutionnellement garanti en permettant au législateur de confier des compétences distinctes à des collectivités territoriales appartenant à une même catégorie, et d’autoriser les collectivités à déroger aux lois et règlements, pour un objet limité ». Dans le même esprit, il y a l’idée d’« assouplir la mise en œuvre des expérimentations locales et d’en permettre la pérennisation sur une partie seulement du territoire ».
Simplifier l'organisation de la région capitale
Au passage, le Sénat propose dans ses 50 propositions d’« adopter, avant 2022, une grande loi de simplification et de démocratisation de l’organisation institutionnelle de la région capitale ». Des questions « doivent être définitivement tranchées », comme « le périmètre de la métropole du Grand Paris : certains considèrent qu’il devrait être celui de la région, tandis que le choix a été fait en 2015 de le limiter aux zones très denses (soit la petite couronne) ». L’organisation institutionnelle est aussi un sujet, alors que « cinq strates » cohabitent actuellement, tout comme la répartition des compétences.
Trois propositions concernent les territoires ultramarins : « Adapter les normes nationales et les modalités de l’action des autorités de l’État aux caractéristiques et contraintes particulières des territoires ultramarins par une loi annuelle d’actualisation du droit outre-mer ». Ou encore l’idée de « réunir les articles 73 et 74 de la Constitution et permettre la définition de statuts sur-mesure pour ceux des territoires ultramarins qui le souhaiteraient ».
IV. Un contrôle renforcé du Parlement pour les libertés locales
« Le Parlement doit être le garant du respect des libertés locales » dit le rapport, afin de « les protéger face à la tentation permanente de la recentralisation », via des outils de suivi et d’évaluation. Evidemment, « il revient plus particulièrement au Sénat, représentant des collectivités territoriales, d’être pionnier en la matière et de garantir les libertés locales ».
Les sénateurs veulent ainsi « imposer un débat annuel consacré aux finances locales, juste avant l’examen par le Parlement du projet de loi de finances initiale », créer des « résolutions territoriales » – qui ne sont pas normatives, comme les résolutions européennes – pouvant être votées par l’Assemblée ou le Sénat. Ou encore « permettre la saisine du Conseil national d’évaluation des normes (CNEN) par le Parlement pour apprécier la pertinence des projets de textes au regard du principe constitutionnel de libre administration des collectivités territoriales ».