Le tout aussi discret emploi de conseillère littéraire de Penelope Fillon

Le tout aussi discret emploi de conseillère littéraire de Penelope Fillon

Collaboratrice parlementaire, mais aussi salariée "fictive"? Penelope Fillon, l'ex-épouse de l'ancien Premier ministre, a tenté...
Public Sénat

Par Juliette MONTESSE, Anne-Sophie LASSERRE

Temps de lecture :

4 min

Publié le

Mis à jour le

Collaboratrice parlementaire, mais aussi salariée "fictive"? Penelope Fillon, l'ex-épouse de l'ancien Premier ministre, a tenté jeudi à Paris de convaincre ses juges de la réalité de son tout aussi discret travail de conseillère littéraire à la Revue des deux mondes.

En mai 2012, sur le point de quitter Matignon, François Fillon sollicite son ami de trente ans, Marc Ladreit de Lacharrière, patron de la société Fimalac, pour qu'il emploie son épouse.

Le milliardaire envisage d'abord l'Agence France Museum pour travailler sur le projet du Louvre Abou Dhabi. Ce sera finalement La Revue des deux mondes, un titre fondé en 1929 qui périclite.

Censée réfléchir à sa relance, Mme Fillon signe - sous son nom de jeune fille - un contrat de conseillère littéraire au "généreux" salaire: 3.900 euros net pour "14 heures de travail" mensuels, selon ses déclarations.

Avec son "oeil anglo-saxon", "on pensait que mon point de vue pouvait être utile" pour élargir le lectorat, notamment à l'étranger, explique Penelope Fillon à la barre du tribunal correctionnel.

Sans "activité officielle" depuis cinq ans et la nomination de son mari à Matignon, celle qui venait de reprendre des études en littérature anglaise voulait "un défi", "(s')affirmer en dehors de (son) travail d'assistante parlementaire qu'(elle) faisai(t) depuis longtemps".

Pour l'accusation, cet emploi de conseillère littéraire est aussi fictif que ses contrats de collaboratrice parlementaire auprès de son mari, puis du suppléant de celui-ci, Marc Joulaud, également renvoyé devant le tribunal dans l'affaire qui avait atomisé la campagne présidentielle de François Fillon.

Là aussi, aucune trace des conseils stratégiques que Penelope Fillon affirme avoir fournis à Marc Ladreit de Lacharrière, qui avait dans une procédure distincte de plaider-coupable reconnu un emploi en partie fictif et a été condamné pour abus de bien social en décembre 2018.

La défense avance une collaboration exclusivement "orale": "au total, cinq, six, sept rendez-vous en tête-à-tête" à son domicile parisien, assure Penelope Fillon. Puis "plus de réunions. Je me suis dit: M. Lacharrière est très occupé. J'aurais dû sans doute me manifester".

- "Accessoire" -

Mme Fillon, qui a fait publier deux notes de lectures à l'automne 2012 dans La Revue des deux mondes, continue, sans succès, d'envoyer des "résumés littéraires", seule activité connue du directeur de la revue et de ses autres salariés, qui ont dit tout ignorer du contrat de conseillère littéraire.

Des notes manuscrites d'une dizaine de fiches de lecture ont elles été retrouvées: "on voit que vous avez fait un travail fourni. (...) C'est raturé, c'est vraiment des recherches", commente la présidente du tribunal, Nathalie Gavarino en faisant projeter les feuillets.

Elle sourcille toutefois sur l'activité de conseillère littéraire: n'est-ce pas "atypique" que Penelope Fillon n'ait jamais cherché à rencontrer les salariés de la revue? Et pourquoi alors qu'elle se sentait "sous-employée", et ressentait une "certaine hostilité" à son égard, ne s'en est-elle pas ouverte à Marc Ladreit de Lacharrière, comme une clause de son contrat le permettait?

"J'étais optimiste, je repoussais", déclare Penelope Fillon.

L'un des deux représentants du parquet national financier, Aurélien Létocart, "s'étonne": la "seule partie visible" de son travail est "l'accessoire", le secondaire, soit les fiches de lecture. Sa "discrétion" sur le reste n'est-ce pas une "apparente dichotomie" avec "l'effervescence" recherchée après Matignon?

"C'est de la littérature que vous faites, Monsieur le procureur", coupe court François Fillon, jugé comme son épouse pour complicité et recel d'abus de biens sociaux.

"Chacun comprend bien que si Penelope n'était pas mon épouse, elle n'aurait pas à répondre à ces questions. Mais des salariés placardisés, il y en a dans toutes les entreprises françaises!", s'agace l'ancien Premier ministre.

"C'est à l'employeur de vérifier que ses salariés aient du travail". Et Marc Ladreit de Lacharrière aurait dû "mettre de l'ordre dans sa maison", grince-t-il.

Penelope Fillon finira par démissionner en décembre 2013, peu après avoir mis fin à la dernière collaboration parlementaire auprès de son époux, entamée en juillet 2012 après son élection comme député de Paris.

La journée d'audience avait débuté avec la présentation surprise par la défense des époux Fillon d'une trentaine d'attestations visant à démontrer la réalité du travail d'assistante parlementaire de Mme Fillon.

Le procès reprend lundi, avec l'examen d'un prêt de 50.000 euros non déclaré par François Fillon.

Dans la même thématique

Paris : Hearing of Elisabeth Borne at French Senate
7min

Politique

Dérapage du déficit : les moments clés de la mission d’information du Sénat qui étrille les gouvernements passés

Série. Retour sur les temps forts parlementaires de 2024 au Sénat. En mars dernier, le rapporteur général de la commission des finances du Sénat se rendait au ministère de l’Economie pour enquêter sur la dégradation du déficit de la France. C’est le point de départ d’une des missions d’information les plus marquantes de cette année 2024. Retour en six dates sur ces travaux, ponctués d’auditions musclées.

Le

Paris, Matignon : minute of silence
5min

Politique

Gouvernement Bayrou : « Il y a une forme d’impasse stratégique », juge le constitutionnaliste Benjamin Morel

Alors que le gouvernement de François Bayrou doit être annoncé à 18h30, les principales interrogations concernent la durée de vie de cette future équipe. En effet, le Premier ministre s’appuie sur le même socle politique que son prédécesseur et souhaite reprendre les travaux de Michel Barnier sur le budget. Pour le même résultat ? Entretien avec Benjamin Morel, maître de conférences en droit public à l’université Paris-Panthéon-Assas.

Le