Le Sénat vote en faveur de la reconnaissance du Haut-Karabagh

Le Sénat vote en faveur de la reconnaissance du Haut-Karabagh

Le Sénat a voté une proposition de résolution pour la reconnaissance de la République du Haut-Karabagh après l’écrasante défaite de l’Arménie face à l’Azerbaïdjan. Cette mesure symbolique a remporté un soutien transpartisan ou presque, seule la majorité présidentielle s’y est opposée.
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Par Héléna Berkaoui

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« Monsieur le ministre, passez à l’action ! », a appelé le président de la commission des affaires étrangères lors de l’examen de la proposition de résolution sur la nécessité de reconnaître la République du Haut-Karabagh. La proposition de résolution a été adoptée par 305 contre 1. Un vote accueilli par les applaudissements des sénateurs, qui se sont tous levés dans l’hémicycle. Un consensus écrasant auquel s’est soustraite la majorité présidentielle, très minoritaire au Sénat.

Le Haut-Karabagh est une enclave à majorité arménienne située en Azerbaïdjan. Cette province arménienne a autoproclamé son indépendance à la chute de l’union soviétique, en 1991, sans jamais obtenir de reconnaissance internationale, pas même celle de l’Arménie.

Si les sénateurs entendent aujourd’hui reconnaître la République du Haut-Karabagh, c’est suite aux combats meurtriers entre Arméniens et azerbaïdjanais à l’automne et dans le but affiché de porter secours à l’Arménie. Soutenu par la Turquie, l’Azerbaïdjan s’est retrouvé en position de supériorité face aux Arméniens. L’accord tripartite (Russie-Azerbaïdjan-Arménie) du 9 novembre a mis fin aux combats avec l’arrivée de 2 000 soldats russes comme force d’interposition.

Un accord honni sur les bancs de la Haute assemblée où Bruno Retailleau a rappelé les propos du président azerbaïdjanais, Ilham Aliev, qui au lendemain de la signature de l’accord à qualifier les Arméniens de chiens. « Il ne faut pas se cacher derrière notre petit doigt diplomatique », a-t-il poursuivi en appelant la France à sortir de la neutralité et à prendre position. Par ailleurs, le président de la commission des affaires étrangères, Christian Cambon, a rappelé que la France, malgré sa qualité de coprésidente du « Groupe de Minsk » - aux côtés de la Russie et des États-Unis -, n’a pas été consultée dans le cadre de cet accord de cessez-le-feu. Avant la séance, le sénateur affirmait que « la France n’avait pas été à la hauteur de ce qu’elle devrait être » (lire ici).

En face, le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a reconnu que cet accord était imparfait et n’envisageait pas, par exemple, d’issues pour les Arméniens déplacés par les combats. « Aujourd’hui, cet accord de cessez-le-feu existe, il faut construire, à partir de là, une paix durable, une relation entre l’Arménie et l’Azerbaïdjan », a cependant soutenu Jean-Baptiste Lemoyne.

Au cours des allocutions, nombre de sénateurs se sont émus des exactions présumées des soldats azerbaïdjanais. La résolution invite le gouvernement à demander l’ouverture d’une enquête internationale pour crimes de guerre. Le secrétaire d’État a néanmoins souligné qu’il serait difficile de saisir la Cour pénale internationale dans la mesure où les deux pays ne sont pas signataires du Statut de Rome.

Le rôle de la Turquie, allié à l’Azerbaïdjan, a largement été rappelé dans un contexte plus large où ce pays est engagé dans de nombreux conflits, à Chypre, en Libye ou encore en Syrie. Les difficiles relations diplomatiques entre Paris et Ankara appellent une réponse forte, pour les sénateurs. « Ils ne connaissent qu’une seule limite : le rapport de force », a tancé, par exemple, Bruno Retailleau.

En réponse, Jean-Baptiste Lemoyne a rappelé que le président de la République avait été le premier a condamné l’envoi, par la Turquie, de mercenaires syriens aux côtés des soldats azerbaïdjanais. Le secrétaire d’État auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères a aussi voulu rappeler l’aide apportée ces derniers jours aux Arméniens : un avion-cargo chargé de 20 tonnes d’aides gouvernementales, un autre de 50 tonnes qui doit partir le 27 novembre.

Sur le fond, Jean-Baptiste Lemoyne estime que cette reconnaissance « ferait perdre toute influence » à la France dans la suite des négociations, en s’aliénant l’Azerbaïdjan comme interlocuteur. Malgré un large consensus, la proposition de résolution de la république n’a donc pas convaincu le secrétaire d’Etat. Les députés LREM et les sénateurs RDPI ont déposé parallèlement leur propre projet de résolution, appelant notamment « tous les acteurs régionaux, et surtout la Turquie, à s’abstenir de toute ingérence, déclaration ou action belliqueuse ».

 

 

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