Alors que les députés PS soutiennent l’abrogation de la réforme des retraites portée par La France insoumise, qui efface également le mécanisme mis en place par l’ancienne ministre de la Santé Marisol Touraine sous François Hollande, le sénateur Bernard Jomier (Place publique), appelle les parlementaires de gauche à ne pas aller trop loin face aux enjeux démographiques.
Le Sénat rejette le projet de loi Hulot sur la fin des hydrocarbures
Par Public Sénat
Publié le
Les discussions entre le gouvernement et la majorité, d’un côté, et le Sénat, de l’autre, n’ont pas abouti. Après l’échec de la commission mixte paritaire (CMP) sur le projet de loi mettant fin à la recherche ainsi qu'à l'exploitation des hydrocarbures en 2040 (lire notre article), les sénateurs de la droite et du centre ont abrégé la deuxième lecture du texte de Nicolas Hulot, avec l'adoption d'une motion tendant à opposer la question préalable (par 192 voix pour et 145 contre). Ce scrutin a entraîné le rejet de l'ensemble du texte, sans passer par l’examen des articles.
Nicolas Hulot cite la Banque mondiale en exemple
Lors de cette nouvelle discussion générale au Sénat, le ministre de la Transition écologique a tenté, sans succès, de convaincre les sénateurs d’adopter la version des députés. « Les énergies fossiles, pardon de le rappeler, elles sont tout simplement incompatibles avec notre objectif climatique », a voulu rappeler en préambule le ministre, citant en exemple la Banque mondiale. L'institution a pris la décision lors du récent One Planet Summit d’arrêter en 2019 les financements à destination de l’industrie pétrolière et gazière.
« Quand un pays montre la voie, en l’occurrence la France, il est écouté, il est suivi », a assuré le ministre.
« Aucun espace de négociation », reproche la droite sénatoriale
La rapporteure du texte, Élisabeth Lamure (LR), a déploré « l’approche dogmatique » du gouvernement sur ce texte, regrettant que la position du Sénat ait été « caricaturée ». « Non, il n’y aurait pas d’un côté les vertueux, adeptes du nouveau monde, et de l’autre, les rétrogrades enfermés, pour citer le rapporteur de l’Assemblée nationale, dans une vision défensive et passéiste », a affirmé la sénatrice du Rhône, jugeant que la copie du gouvernement n’aurait aucun effet sur la consommation d’hydrocarbures et ne s’attaquerait qu'à une « production nationale très résiduelle ». « Il n’y avait aucun espace de négociation, sauf à renier la totalité de nos positions », a-t-elle pointé.
Une CMP « ubuesque »
De son côté, la centriste Françoise Férat (Union centriste) a elle aussi critiqué encore plus fortement encore une commission mixte partiaire « ubuesque ». « Les nouveaux députés qui, paraît-il, s’inspirent de nouvelles méthodes de management, et de la démocratie participative, avec une volonté de bienveillance, ont dû oublier leur guide et leur manuel au palais Bourbon », a-t-elle lancé.
« Je pensais qu’il n’y avait que Donald Trump qui ne l’avait pas compris ! »
Soutenant le texte du gouvernement, et pointant un texte « vidé de son sens » par la droite et le centre, le socialiste Roland Courteau s’est agacé des « hésitations » sur ce texte. « Le temps joue contre nous, je pensais qu’il n’y avait que Donald Trump qui ne l’avait pas compris », a-t-il envoyé aux bancs de la droite de l’hémicycle.
Pour le groupe communiste, républicain, citoyen et écologiste (CRCE), Fabien Gay a regretté le choix de la motion tendant à opposer la question préalable, une « démarche qui prive le Sénat de ses prérogatives ». Le sénateur de Seine-Saint-Denis a critiqué un « double discours » du gouvernement sur l’environnement, tout en regrettant une nouvelle fois le manque d’ambition du texte. « Nous aurions aimé qu’il aille plus loin ».
« Mettez-vous dans la tête que le monde change ! »
Chez les « Constructifs » du Sénat, l’attitude des Républicains et du centre a également fait réagir. « Il ne s’agissait pas de résoudre tous les problèmes de l’accord de Paris mais d’envoyer un message au monde. Et ce message, vous ne voulez pas l’envoyer », s’est désolé le sénateur Jérôme Bignon. « Ne nous résignons pas au nom de la vieille économie […] Mettez-vous dans la tête que le monde change ! »
« Nous pouvons être leaders dans la lutte contre le réchauffement climatique, ne laissons pas passer cette opportunité », a ajouté le sénateur Joël Labbé, l’écologiste membre du groupe RDSE.
« Aberration politique »
L’intervention la plus virulente est venue du sénateur (La République en marche) Frédéric Marchand. « Sur un sujet qui concerne l’avenir de nos enfants […] la majorité sénatoriale a choisi de fermer les yeux, c’est une attitude dommageable. » Le sénateur a également considéré que la position de la commission des Affaires économiques constituait une « aberration politique ». « Elle donne un signe on ne peut plus mauvais à l’opinion publique, et au-delà, sur la façon dont le Sénat entrevoit l’avenir de la planète mais aussi des générations futures ».
La droite sénatoriale a répliqué par la suite avec ses arguments mettant en doute l’efficacité réelle et les effets pervers du texte. « Il faudrait moins de grandiloquence et plus d’efficacité », a réclamé Sophie Primas (LR), pointant des « propos blessants » ici ou là. « Ne nous faites pas de procès d’intention », a également demandé au ministre son collègue Jean-Marc Boyer (LR). « Votre vision symbolique et notre vision pragmatique auraient pu se retrouver. »
« Quand la gauche, la droite, le centre votent ensemble, ça a de la gueule », rappelle Hulot
Reconnaissant des « oppositions trop éloignées », Nicolas Hulot a gardé un discours mesuré face aux sénateurs. « J’ai la conviction profonde que la lutte contre le réchauffement doit nous rassembler […] J’aurais aimé vous convaincre », a-t-il conclu à la fin des débats (vidéo de tête). Se remémorant les précédents consensus sur la thématique environnementale, Nicolas Hulot n’a pas désespéré pour l’avenir. À notre micro, il a rappelé :
« Sur ces sujets-là, quand la gauche, la droite, le centre – comme ça été le cas sur la loi sur la transition énergétique, sur le Grenelle – quand on vote ensemble, ça a de la gueule et ça enclenche une dynamique de toute la société. »
Le texte devrait être définitivement adopté par les députés mardi 19 décembre.