Près de trois semaines d’examen, 2465 amendements déposés, pas mal de prises de bec mais aussi, parfois, des rires… Les sénateurs ont terminé l’examen du projet de loi de finances (PLF) 2020, véritable marathon budgétaire. La Haute assemblée, a majorité LR-UDI, a adopté ce mardi 10 décembre l’ensemble du texte, largement modifié, par 185 voix contre 94 et 67 abstentions.
Pour le gouvernement, c’est le budget post-gilets jaunes et grand débat. Il inclut plusieurs mesures annoncées par Emmanuel Macron face à la crise : 5 milliards d’euros de baisse d’impôt sur le revenu pour 17 millions de Français, revalorisation de la prime d’activité, équivalent à 100 euros en plus par mois, défiscalisation des heures supplémentaires. Le gouvernement le présente comme le budget du pouvoir d’achat
Pour la droite sénatoriale, ce budget a peut-être présenté moins de prise politique que les années précédentes. Car sur le fond, les sénateurs soutiennent la baisse d’impôt sur le revenu. L’an dernier, il avait pu annuler, d’abord contre l’avis du gouvernement, la hausse des taxes sur le carburant. « Le gouvernement devrait écouter un peu plus le Sénat » a répété plusieurs fois le rapporteur LR, Albéric de Montgolfier. Cette année, les sénateurs n’en ont pas mois dénoncé de nouvelle hausse de taxe sur l’énergie et un budget qui vise le « green waching ». Ils ont aussi, comme chaque année, décidé de serrer la vis aux fonctionnaires avec trois jours de carences et en augmentant leur temps de travail.
Au fil des articles, les sénateurs ont pu imprimer leur marque. Nombre de leurs modifications ne devraient pas être conservées par l’Assemblée, où LREM détient la majorité. Pour adopter son budget dans sa version d’origine, le gouvernement pourra en effet compter sur les députés qui ont le dernier mot.
PARTIE RECETTES
Baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu avec une hausse du quotient familial
Ce budget 2020 prévoit une baisse de 5 milliards d’euros de l’impôt sur le revenu pour 17 millions de Français. Une mesure de pouvoir d’achat décidée après la crise des gilets jaunes. La majorité sénatoriale soutient cette baisse d’impôt, mais elle estime que les familles se retrouvent lésées. Elle a ainsi décidé, contre l’avis du gouvernement, de relever le plafond du quotient familial de 1.567 euros à 1.750 euros par demi-part « pour rendre du pouvoir d’achat aux familles ». Une mesure qui bénéficierait à 1,4 million de ménages avec enfants.
IFI : augmentation du plafond de la réduction d’impôt au titre des dons
Les sénateurs ont largement débattu des conséquences de la suppression de l’ISF, transformée en impôt sur la fortune immobilière (IFI). Le désaccord persiste entre le gouvernement et les sénateurs sur l’évaluation des effets de sa suppression. Le socialiste Vincent Eblé, président de la commission des finances, défend le retour d’un ISF « nouvelle génération », excluant les « petits riches » avec un niveau d’entrée à 1,8 million d’euros. Le rapporteur Albéric de Montgolfier, opposé à l’ISF, préfère modifier l’IFI en impôt sur la fortune improductive. Mesure qui sera défendue dans la seconde partie.
Pour l’heure, les sénateurs ont décidé de porter de 50.000 euros à 75.000 euros le plafond de la réduction d’impôt sur la fortune immobilière au titre des dons et ont permis le report de l’excédent éventuel sur les années suivantes.
Le Sénat facilite les donations aux petits-enfants : l’abattement passe de 31.865 à 70.000 euros
Il est déjà actuellement possible de donner, sans payer d’impôt, jusqu’à 31.865 euros par petit-enfant (le montant est de 100.000 quand il s’agit de son enfant). Les sénateurs ont décidé de porter à 70.000 euros le montant de l’abattement.
Aide à la rénovation énergétique des logements : le Sénat élargit le dispositif
Le Sénat a décidé, contre l’avis du gouvernement, d’inclure à nouveau les propriétaires bailleurs dans les bénéficiaires du crédit d’impôt transition énergétique en 2020, ainsi que les ménages à revenus intermédiaires. Les sénateurs dénoncent la baisse de l’enveloppe de 1,7 milliard à 800 millions d’euros.
Toujours sur la fiscalité liée à l’énergie, les sénateurs ont aligné, pour le chauffage, les aides pour les appareils à bûches sur celui des appareils à granulés. Ils ont aussi maintenu l’éligibilité des chaudières gaz à très haute performance énergétique au crédit d’impôt pour la transition énergétique.
Taxe sur les billets d’avion : le Sénat vole au secours de l’aérien
Pour aider les compagnies aériennes françaises, les sénateurs ont décidé de compenser, contre l’avis du gouvernement, la hausse de l’« écocontribution » sur les billets d’avion, tout en les aidant à acheter des avions plus propres.
Ils dénoncent aussi la hausse du malus auto et ont décidé d’accompagner les entreprises dans l’achat de véhicules électriques.
Suppression de l’écotaxe pour les poids lourds
Cette année pas de hausse pour les voitures mais ce sont les camions qui vont payer l’addition avec une hausse de taxe de 2 euros par hectolitre, prévue par le gouvernement. Le Sénat a supprimé cette nouvelle ecotaxe poids lourds qui sera payée en grande partie par les camions français, mais pas étrangers.
Taxe d’habitation : le Sénat repousse d’un an la réforme « pas aboutie » de la fiscalité locale
S’il y a un sujet que les sénateurs connaissent, c’est bien la fiscalité locale. Rien de plus normal pour l’assemblée représentant les collectivités, selon la Constitution. Les sénateurs ont profité du budget pour demander au gouvernement de revoir sa copie sur la réforme de la fiscalité locale. Ils ont voté son report d’un an, de 2020 à 2021, le temps d’améliorer le système de compensation pour les collectivités de la suppression de la taxe d’habitation. Ils le jugent « pas abouti ».
Alors que les communes perdent la taxe d’habitation, le gouvernement a prévu de leur transférer la fraction de la taxe sur le foncier bâties, qui revenait aux départements. Pour compenser, les départements recevront une part de TVA. Pour éviter que des communes se retrouvent sur ou sous-compensées, un coefficient correcteur est mis en place. Mais là aussi, les sénateurs ne l’estiment pas au point.
Le Sénat exonère le Loto du patrimoine de taxation
Les sénateurs ont prévu d'exonérer le Loto du patrimoine des taxes habituellement prélevées par l'Etat, comme le réclame l'animateur Stéphane Bern, missionné sur ces questions. Une décision prise contre l’avis du gouvernement qui s'est engagé à compenser ces taxes.
L'animateur avait dénoncé le 18 novembre sur publicsenat.fr un « sabordage » en raison d'un coup de rabot de Bercy annulant 25 millions d'euros de crédits en faveur du patrimoine dans le projet de loi de finances rectificative 2019. « On m’envoie au combat et on me tire une balle dans le dos ! » avait dénoncé Stéphane Bern. Ses propos avaient été largement repris. Finalement, les crédits ont été pour l’essentiel maintenus après ce coup de gueule et un vote des sénateurs en ce sens.
Les grands patrons devront payer leurs impôts en France
Le Sénat a adopté une mesure visant à imposer aux dirigeants des grandes entreprises françaises d’être domiciliés fiscalement en France, dès 250 millions d’euros de chiffres d’affaires. Les sénateurs souhaitaient toutefois que ce seuil soit relevé à 750 millions d’euros.
Renforcer la lutte contre les opérations d’« arbitrage de dividendes », un système d’évasion fiscale
L’an dernier, gauche et droite et même communistes – c’est rare – s’étaient mis d’accord pour lutter contre les opérations d’« arbitrage de dividendes », un système d’évasion et fraude fiscale mis en lumière par l’enquête sur les « CumExFiles ». Le dispositif avait été conservé par les députés, mais il avait été en partie vidé de sa substance. Les sénateurs ont décidé de rétablir le dispositif anti-abus, tel que voté l’an dernier.
Hôpital : le Sénat assouplit l’exonération des heures supplémentaires
Un amendement visant à déplafonner l’exonération des heures supplémentaires du personnel hospitalier a été voté lors de l’examen du budget pour 2020. Déposé par le sénateur LR, Roger Karoutchi, l’amendement a rencontré une unanimité dans l’assemblée mais un avis défavorable du gouvernement.
Culture des tomates en hiver : les sénateurs de gauche dénoncent une mesure antiécologique
Pas d’amendement adopté ici, mais un débat. C’est la tomate de la discorde. Les sénateurs de gauche accusent le gouvernement d’encourager fiscalement la production de tomates hors saison et sous serre. Ils y voient une mesure antiécologique qui profitera « aux plus gros » producteurs. Le gouvernement répond qu’il défend avant tout l’emploi en France. C’est l’effet de serre en débat au Sénat.
PARTIE DEPENSES
Fonction publique : le Sénat impose trois jours de carence et allonge le temps de travail
C’est la marotte des sénateurs de droite. Le Sénat, comme chaque année, a adopté une série d’amendements « à la serpe » sur les fonctionnaires. Ils ont tous été votés contre l’avis du gouvernement, qui reviendra dessus à l’Assemblée. Ces mesures n’entreront donc pas en vigueur.
Budget : le Sénat modifie l’IFI pour taxer les bitcoins et les yachts
La majorité sénatoriale a modifié l’IFI, rebaptisé impôt sur la fortune improductive, afin que ne soient plus exonérés « les liquidités, les diamants, les crypto-monnaies, le bitcoin, l’or ou les yachts ». Une mesure adoptée contre l’avis du gouvernement.
Le Sénat dénonce la « forte hausse des dépenses » de l’Elysée, qui apprécie peu et le fait savoir
Dans un rapport sur les crédits de la mission pouvoirs publics, le sénateur PS Jean-Pierre Sueur a pointé la hausse des dépenses de l’Elysée de 3,7 millions d’euros en 2020, notamment due aux déplacements. La dotation de l’Etat augmente de 2,3 millions d’euros en 2020. L’Elysée doit donc puiser en plus 4 millions d’euros dans ses réserves pour boucler son budget.
Patrick Strzoda, le directeur de cabinet d’Emmanuel Macron, a refusé de recevoir le socialiste, contrairement aux autres années. Le lien avec la commission d’enquête Benalla, dont Jean-Pierre Sueur était co-rapporteur, semble évident. La tension monte d’un cran quand le proche d’Emmanuel Macron explique ne recevoir « que les personnes respectables »… Le patron des sénateurs PS, Patrick Kanner s’en mêle et dénonce les « propos insultants » et le « mépris » de Patrick Strzoda. Ambiance…
Surveillance des réseaux sociaux par le fisc : le Sénat encadre mais ne supprime pas la mesure
Les sénateurs ont adopté l’un des articles sensibles du projet de loi de finances 2020, qui autorise le fisc à scruter par des algorithmes les réseaux sociaux pour mieux lutter contre la fraude. Une partie de l’hémicycle souhaitait le supprimer. Il sera finalement plus encadré.
Projet de loi de finances 2020 : le Sénat rejette le budget « artificiel » de l’écologie
Dénonçant un « subterfuge » budgétaire conduisant à une hausse « en trompe l’œil », mais aussi certains arbitrages sur la transition énergétique ou le ferroviaire, les sénateurs ont rejeté les crédits de la mission écologie, développement et mobilité durables.
Grand Paris : le Sénat rejette une ponction des départements
La méthode est jugée cavalière. Le gouvernement a déposé un amendement de dernière minute à l’Assemblée nationale visant à ponctionner 195 millions d’euros aux départements franciliens de 2020 à 2022 au profit de la Société du Grand Paris. Sans surprise, le Sénat a supprimé cet article lors de l’examen du budget.
Le Sénat crée un fonds de 10 millions d’euros pour l’entretien des ponts
Après avoir alerté sur l’état des ponts cet été, les sénateurs ont décidé de flécher dix millions d’euros dans le budget 2020 pour aider les collectivités locales à les entretenir. Créée contre l’avis du gouvernement, l’enveloppe était même bien plus importante au début des débats.
Patrimoine : le Sénat augmente de 5 millions les subventions dédiées aux collectivités
Lors de l’examen des crédits alloués à la culture dans le budget 2020, un amendement du président socialiste de la commission des finances, Vincent Éblé, a rehaussé de 5 millions d’euros l’enveloppe dédiée aux collectivités territoriales pour la restauration du patrimoine.
Le Sénat vote 5 millions supplémentaires pour les maisons de l’emploi
Lors de l’examen de la mission travail emploi du budget 2020, les sénateurs ont adopté plusieurs amendements visant à allouer 5 millions supplémentaires pour les maisons de l’emploi, contre l’avis du gouvernement.
Sécurité : le Sénat rejette le budget « pas à la hauteur » de la police et de la gendarmerie
Bien qu’en hausse, le budget sécurité a été rejeté par le Sénat. Les sénateurs dénoncent une trop grande augmentation des dépenses de personnel, liée aux embauches et mesures salariales. Ils dénoncent de trop faibles moyens, notamment pour le renouvellement des véhicules.
Immigration : les sénateurs rejettent le budget du gouvernement
Les sénateurs ont voté contre les crédits consacrés à la mission « Immigration, Asile et intégration ». Pourtant en hausse, ce budget souffre d’un manque de cohérence et s’appuie sur une baisse incertaine des demandes d’asile d’après les sénateurs.
Défense : le Sénat adopte le budget et rend un ultime hommage aux soldats français morts au Mali
L’examen des crédits budgétaires accordés à la mission « Défense » du budget 2020 s’est déroulé dans une atmosphère de concorde. Les sénateurs ont rapidement voté ces crédits et ont profité de ce moment pour rendre un dernier hommage aux 13 soldats français morts au Mali.
Justice : le Sénat rejette le budget 2020 et la réforme de l’aide juridictionnelle
Les sénateurs n’ont pas voulu voter en faveur des crédits de la mission justice. Ils estiment que la trajectoire promise n’est pas respectée. Ils ont également retiré du projet de loi de finances la réforme de l’aide juridictionnelle, introduite par les députés.
Violences conjugales : « On est loin du milliard annoncé », pointe le Sénat
Dans son rapport sur le budget pour 2020, la commission des finances du Sénat se penche sur les sommes revendiquées par Édouard Philippe en conclusion du Grenelle contre les violences conjugales. Les crédits de paiement s’élèveront en réalité à 557,8 millions d’euros, soulève la commission.
Agriculture : le Sénat dénonce « le mépris » du gouvernement
« On est loin d’un budget annonçant un grand plan pour les agriculteurs » dénonce le sénateur LR, Laurent Duplomb, dans le cadre de l’examen du budget 2020. Selon son collègue Alain Houpert, le budget de l’agriculture est en réalité piloté par « Bercy », afin de limiter les dépenses. Le Sénat a rejeté ce budget de l'agriculture pour 2020.
Budget des Sports : une hausse en trompe-l'œil pour les sénateurs
En proposant son budget pour le sport, la jeunesse et la vie associative, le gouvernement affichait fièrement une hausse de 12% par rapport à 2019. Ce budget a pourtant été froidement accueilli par les sénateurs, qui se sont largement abstenus lors du vote.
Le Sénat demande au gouvernement de s’armer dans la « guerre froide de l’information »
Face à l’influence de médias venus de Russie ou de Chine, les sénateurs ont appelé les ministres de la Culture et des Affaires étrangères à redonner rapidement des marges de manœuvre budgétaire à France 24 et RFI.
Porno : quand le lobby du X fait du pied aux sénateurs
C’est un lobbying peu commun, dont plusieurs sénateurs ont fait l’objet. Dans le cadre de l’examen du budget, l’industrie française du porno a tenté, en vain, de proposer un amendement pour revenir sur la hausse d’une taxe décidée par le gouvernement.