La réforme de la Constitution est à l’arrêt, pour ne pas dire oubliée. Cela n’empêche pas François Hollande d’apporter sa contribution à la réflexion. Les politiques adorent en réalité parler du sujet, souvent loin des préoccupations des Français. C’est dans un livre à paraître mercredi, « Réponse à la crise démocratique », que l’ancien chef de l’Etat développe sa vision des institutions, mais aussi par un entretien au Parisien, à l’AFP et une tribune dans Le Monde. Il fallait au moins ça.
Plus de 49.3, ni de dissolution
François Hollande propose une « Ve République bis » qui prendrait la forme d’une sorte de régime à l’américaine. L’idée est de renforcer à la fois la fonction présidentielle et le Parlement. Le poste de premier ministre serait supprimé pour avoir ce « véritable régime présidentiel ». « Puisque le gouvernement n'est plus responsable devant l'Assemblée nationale, le président perd son droit de dissolution », tout comme le 49.3, qui permet de passer en force et de se passer du vote du Parlement. Possibilité plusieurs fois utilisée sous François Hollande quand il était Président… En échange, le Parlement se verrait doté d’un véritable « contre-pouvoir » avec un rôle de contrôle accru « sur le plan législatif et budgétaire ». Un « référendum d'initiative exclusivement parlementaire » serait mis en place.
Estimant que « le quinquennat a une part de responsabilité dans la décomposition » démocratique, François Hollande propose de mettre en place le sextennat, c’est-à-dire un mandat de 6 ans pour le Président, renouvelable une fois. De quoi laisser plus de temps aux réformes de montrer leurs effets. Le mandat des parlementaires serait lui réduit à 4 ans. Un décalage qui permettrait une respiration démocratique, mais n’empêcherait pas la cohabitation. « Elle ne se situerait pas au sein de l'exécutif », argue François Hollande, « mais entre l'exécutif et le législatif, le conflit ne pourrait alors se régler autrement que par le compromis ». Il se prononce au passage « contre la proportionnelle ». Il était pourtant en faveur d’une dose de proportionnelle avant d’être élu Président, sans jamais la mettre en place une fois au pouvoir.
« C’est certain, il faut désynchroniser les élections présidentielles et législatives »
Au Sénat, les sénateurs ont beaucoup planché sur le sujet des institutions, en vue de l’arrivée de la réforme voulue par Emmanuel Macron… qui n’arrivera peut-être jamais. Au groupe PS, c’est notamment le sénateur Eric Kerrouche qui avait co-dirigé le groupe de travail des socialistes. Il partage en partie seulement la vision de François Hollande. « C’est certain, il faut désynchroniser les élections présidentielles et législatives, car depuis le quinquennat, les législatives ne sont que des élections de confirmation », souligne le sénateur des Landes. Pour lui, il faut à la fois « donner plus de place au Parlement et de moyens au travail parlementaire » et « renouveler le lien démocratique avec les citoyens. Il faut un réenchantement des institutions ».
Mais « François Hollande va plus loin, en rentrant dans une logique de système complètement présidentiel. Dans le groupe, nous avions une vision plus tempérée : nous sommes pour un régime semi-présidentiel. Le Président, élu au suffrage universel, peut avoir moins de pouvoir, comme en Autriche ». Mais surtout, « la parlementarisation est pour moi indispensable » insiste Eric Kerrouche, en parallèle d’une plus forte « participation des citoyens ».
Mais sur le sujet, les points de vue sont variés. Pour le sénateur PS de Paris, David Assouline, la solution de François Hollande « n’est pas l’idéal, mais un régime présidentiel à l’américaine, avec un Parlement fort serait mieux qu’aujourd’hui ». « Nos institutions sont à bout de souffle. Ce débat est nécessaire » ajoute le vice-président du Sénat. Jérôme Durain, sénateur PS de Saône-et-Loire, se dit lui pour le retour du « septennat » mais « non renouvelable ». « Il faut un mandat long qui permet de travailler. Sinon, c’est la campagne permanente » ajoute Jérôme Durain. Pour le sénateur, il faut sortir de « la toute-puissance de l’exécutif » et « élever le niveau de jeu du Parlement. Donc si l’objectif est de renforcer ce dernier, j’y souscris ». Rémi Féraud, sénateur PS de Paris, préfère un « Président arbitre, qui ne serait plus soumis à la contestation permanente, comme en Italie avec un Président au-dessus de la mêlée. En France, le chef de l’Etat est haï. Ça alimente la crise française ».
« Ce sont des propositions tout droit sorties d’un magasin de brocante constitutionnelle… »
A droite, François Hollande vient recevoir un soutien inattendu, en la personne de Bruno Retailleau. « C’est vraiment à étudier », a estimé le président du groupe LR du Sénat sur BFM TV/RMC. Il souligne que ce système « décalerait les élections » et permettrait « d’avoir plus d’indépendance entre l’élection présidentielle et l’élection législative ». Bruno Retailleau voit un gros point négatif dans le quinquennat, car « les députés sont le résultat de l’élection présidentielle », en devenant presque « le sous-produit ». Le résultat, ce sont des députés godillot, « le petit doigt sur la couture du pantalon ».
Mais au sein du groupe LR, les propositions de l’ancien Président socialistes ne reçoivent pas le même écho favorable. « Ce sont des propositions tout droit sorties d’un magasin de brocante constitutionnelle… » tacle Philippe Bas, président LR de la commission des lois qui a suivi de très près la réforme d’Emmanuel Macron. « Nous serions le seul régime d’Europe à faire comme les Etats-Unis », souligne le sénateur LR de la Manche. Philippe Bas rappelle qu’un tel régime a déjà été tenté en France. « C’était en 1848, la seule fois où cela a été expérimenté. Ça a débouché sur un coup d’Etat… » Quant à l’idée de développer, par ce système, la culture du compromis entre l’exécutif et le Parlement, il estime que « ça peut amener à un compromis, mais aussi à la division ». Philippe Dallier, vice-président LR du Sénat, tranche vite pour sa part le débat : « Le problème, ce n’est pas la Ve République. La question, ce sont les politiques menées ».
François Hollande, qui n’a certainement pas enterré l’idée d’un retour, compte bien encore prendre part au débat public sur d’autres sujets. « Si je peux être utile, dans cette période, c'est en faisant des propositions, et je commence aujourd'hui par les institutions » explique l’ancien chef de l’Etat… qui a même prévu un livre pour enfants. Tout un programme.