Le PS lance l’idée d’un référendum sur l’ISF : « Le Président veut un débat, il va l’avoir »

Le PS lance l’idée d’un référendum sur l’ISF : « Le Président veut un débat, il va l’avoir »

Les sénateurs et députés PS tentent de mettre en place un référendum d’initiative partagée sur le retour de l’ISF. Il faut pour cela réunir 185 parlementaires et 4,5 millions de signatures. Il pourrait manquer une trentaine de parlementaires, voire moins…
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L’idée avait germé il y a une quinzaine de jours dans la tête des sénateurs PS : mettre en place pour la première fois un référendum d’initiative partagée sur le rétablissement de l’impôt de solidarité sur la fortune (ISF). En lançant son grand débat, en réponse à la crise des gilets jaunes, Emmanuel Macron leur donne l’occasion de le prendre aux mots.

185 parlementaires et 4,5 millions de signatures

Députés et sénateurs PS annoncent en cœur ce mardi leur volonté de recourir à l’article 11 de la Constitution. Introduit par la révision constitutionnelle de 2008, sous Nicolas Sarkozy, la mise en place effective de ce référendum d’initiative partagée a été adoptée par une loi organique seulement en 2013, sous François Hollande, avant de ne rentrer en vigueur qu’en 2015. Il n’a jamais été utilisé car les conditions sont extrêmement difficiles à réunir : il faut un cinquième des membres du Parlement, soit 185 députés et/ou sénateurs, et un dixième du corps électoral, soit 4,5 millions de signatures.

Alors que les gilets jaunes réclament le référendum d’initiative citoyenne (voir notre article), il s’agit ici d’un référendum initié par les citoyens et les parlementaires. « Nous avons estimé que c’était le moment de mettre en place ce référendum d’initiative partagée. (…) C’est une première. Nous essuyons les plâtres. C’est l’actualité qui nous a incité à utiliser cette formule » explique à Public Sénat Patrick Kanner, président du groupe PS du Sénat (voir la vidéo, images Jérôme Rabier). Il ajoute : « Le Président veut un débat, il va l’avoir ».

« Elargir le cercle »

Problème : les socialistes sont loin du compte. Avec les 74 sénateurs PS (dont 2 apparentés) et 29 députés du groupe Nouvelle gauche, présidé par Valérie Rabault, (25 PS et 4 apparentés), il manque 82 parlementaires pour arriver à 185. Si on ajoute les députés et sénateurs des groupes communistes et France insoumise, le compteur monte à 152. Il en manque encore une trentaine. « Il faudra aller chercher avec notre force de conviction et notre détermination ces signatures » lance Patrick Kanner.

Le sénateur du Nord pense pouvoir « élargir le cercle ». Le socialiste louche sur « cette centaine de députés LREM qui viennent des rangs du PS, ou à ces radicaux qui ont pu voter avec nous le rétablissement de l’ISF, pendant la loi de finances ». Un amendement qui n’a cependant pas obtenu de majorité. Mais le PS avait alors demandé un scrutin public, et non un vote à main levée. Ce qui permet de laisser une trace détaillée du vote sur le site du Sénat.

Des soutiens au groupe RDSE du Sénat ?

7 sénateurs du groupe RDSE, qui mêlent notamment des ex-PRG et Radicaux valoisien (issus de la droite), avaient voté avec le PS. Les écologistes Ronan Dantec et Joël Labbé, Jean-Yves Roux, ex-membre du groupe PS, Eric Gold (ex-PRG élu sous l’étiquette LREM) ou Olivier Léonhardt ont ainsi soutenu le retour de l’ISF. En comptabilisant ces 7 voix, il manque 26 parlementaires. 11 autres sénateurs RDSE s’étaient abstenus. De quoi peut-être trouver de nouvelles recrues.

Au sein des parlementaires LREM, des doutes existent sur l’ISF (voir notre article). De potentiels frondeurs, déboussolés par les dernières semaines, seront-ils prêts à suivre ? Trop tôt pour répondre. Mais deux des plus circonspects ne souhaitent pas soutenir l’initiative socialiste. Le sénateur LREM des Bouches-du-Rhône, Michel Amiel, qui avait qualifié sur publicsenat.fr la réforme de l’ISF de « vrai cadeau aux très riches », n’apportera pas sa signature. « La vraie préoccupation, c’est quand même de ne pas interrompre le train des réformes », soutient-il.

Quant au député LREM (ex-PS), Patrick Vignal (sans lien de parenté avec l’auteur de cet article), qui avait soutenu l’idée d’un bilan de l’ISF, il ne suit pas non plus. « C’est une posture. Il faut évaluer l’ISF. Je veux qu’on me prouve s’il fonctionne ou pas » explique l’élu de l’Hérault. Il préfère s’appuyer localement sur le grand débat lancé par le chef de l’Etat.

Le PS refusera les parlementaires RN

Pour compliquer la quête de signatures des socialistes, Patrick Kanner prévient qu’ils refuseront celle issues des « extrêmes droites et le RN en particulier » pour se limiter aux seules « forces de progrès ».

Autre écueil : le Conseil constitutionnel doit valider la procédure. Mais le PS pense que « rétablir l’ISF rentre dans le champ du référendum », qui doit porter sur l'organisation des pouvoirs publics, les questions relatives à la politique économique, sociale ou environnementale ou sur les services publics.

« Eviter le débat citoyen, après avoir rassemblé 4,5 millions de signatures, ça me paraît compliqué »

Une plus grosse difficulté, beaucoup plus sérieuse, existe. Une fois les conditions réunies, le référendum n’a pas lieu si les deux assemblées s’emparent du sujet et l’examinent… Autrement dit, l’Assemblée nationale pourrait faire capoter l’initiative grâce à la majorité absolue, que détient le gouvernement. « Mais éviter le débat citoyen, après avoir rassemblé 4,5 millions de signatures, ça me paraît compliqué » selon Patrick Kanner.

Les parlementaires PS pourraient au moins chercher à faire durer le débat sur l’ISF et mettre l’exécutif au pied du mur. Un sénateur PS apprécie le coup :

« Politiquement, c’est une très bonne idée, c’est intelligent. S’ils ne veulent pas rétablir l’ISF, ils devront le redire… »

« Pour les parlementaires LREM, il faudra s’expliquer devant leurs électeurs le jour venu » confirme le président du groupe PS. Mais Patrick Kanner assure qu’« il n’y a ni coup, ni récupération, mais une continuité dans la logique politique des socialistes », qui avait instauré l’ISF. Il ajoute : « Je suis ancien ministre des Sports. Donc je ne rentre pas dans une compétition en me disant que je vais être battu. On y va non pas pour témoigner, ou participer, mais convaincre ».

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