Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Le MoDem, toujours loyal mais de plus en plus impatient
Par Paul AUBRIAT
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Allié solide d'Emmanuel Macron, le MoDem de François Bayrou, qui tient son université d'été ce week-end en Bretagne, montre des signes d'impatience vis-à-vis de LREM et d'un gouvernement qu'il juge parfois méprisants.
A l'entame de l'an II du pouvoir macronien, "on a l'intention d'être de plus en plus bruyant", assure un parlementaire, revigoré par les coups d'éclat de la rentrée.
La semaine dernière, le député Jean-Louis Bourlanges, un historique respecté au sein du MoDem, avait fustigé une majorité "trompe-l'œil" et une "mise à l'écart" de sa formation.
Surtout, les centristes avaient décidé de porter, pour adresser "un signal", une candidature surprise à la présidence de l'Assemblée nationale, celle de leur président de groupe, Marc Fesneau.
L'audace s'est révélée heureuse: il a recueilli 86 voix, largement au-delà des seuls 46 députés de son parti.
"L'épisode du Perchoir a fait redresser le torse aux militants et responsables internes", constate un cadre, qui attend près de 900 personnes à Guidel (Morbihan) pour le grand raout des partisans de François Bayrou.
Ce dernier, soutien - selon lui décisif - du candidat Macron dès février 2017, entend renouveler ses vœux vis-à-vis de la majorité: outre les deux membres du gouvernement MoDem (Jacqueline Gourault et Geneviève Darrieussecq), sont invités le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, celui de l'Éducation Jean-Michel Blanquer et le patron de La République en marche, Christophe Castaner.
Sur le fond, les troupes centristes affichent des signes de satisfaction: les plans pauvreté et santé ont répondu à leur fibre sociale théorisée et développée depuis plus d'un an par un parti qui se veut représentant des classes moyennes et populaires.
"La période est bonne: on a enfin le volet social, c'était une attente forte", se félicite l'une des porte-parole du mouvement, la députée Sarah El Haïry, qui prévient que "le MoDem sera extrêmement vigilant à la mise en œuvre" des deux plans.
- "Nous, on est correct" -
François Bayrou, qui s'enorgueillit d'un rapport direct et privilégié avec Emmanuel Macron, a appelé jeudi le chef de l'État à davantage "s'exprimer" devant le pays. "Le moment vient où il va devoir, devant les Français, rappeler le sens de son action et, au fond aussi, ce qu'il a appris depuis 18 mois", a-t-il exhorté. Ce faisant, il ajoutait sa voix à d'autres appels issus de la majorité à plus de pédagogie - et peut-être d'humilité.
Il avait déjà formulé plusieurs critiques - selon lui, de simples "nuances - notamment en exprimant son désaccord avec l'exécutif lorsqu'il a mis en cause la commission d'enquête du Sénat dans l'affaire Benalla.
En creux, c'est le style présidentiel qui interroge sur les bancs du MoDem, par exemple lorsque le président conseille à un horticulteur, d'une manière jugée condescendante, de se réorienter pour trouver un emploi.
"Macron a su parler aux Français pendant la campagne, il ne le fait plus suffisamment. Les autres ministres ne le font pas. Et le Premier ministre ne le fait pas", se désole un élu MoDem.
Si la critique monte, elle reste mezzo voce : "Si on ne l'ouvre pas trop, c'est parce qu'on ne veut pas foutre en l'air l'édifice: si (LREM) ne sont pas corrects, nous, on l'est", souffle un autre élu, tout en déplorant: "Plus vous êtes loyaux, moins on vous considère".
Édouard Philippe a tenté d'apaiser le trouble des alliés MoDem mercredi, en se rendant à leurs Journées parlementaires: "Je ne suis ni LREM, ni MoDem: mon seul objectif, c'est que ça fonctionne", a-t-il dit, selon plusieurs participants à cette réunion, assurant que "le MoDem est dans le jeu".
Ce week-end, François Bayrou veut lui donner raison. Le maire de Pau, réélu en décembre pour trois ans à la tête de son mouvement, entend demeurer incontournable dans le nouveau monde d'Emmanuel Macron, alors que plusieurs pontes du MoDem lui prêtent l'ambition de revenir au gouvernement. Voire, croient savoir d'aucuns, d'en prendre la tête.