Dans le 20 heures de TF1 et France 2, Michel Barnier dont le gouvernement est en sursis, dans l’attente du vote d’une motion de censure demain à l’Assemblée nationale, en a appelé à la « responsabilité » des députés. Il a considéré que les élus RN devront « rendre des comptes » a leurs électeurs s’ils votaient une motion rédigée « par l’extrême gauche ».
Le Conseil scientifique « alerte sur l’organisation des brigades » et « le défi » du déconfinement
Par Public Sénat
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Toute la France est confinée, depuis plus de six semaines. Mais toutes les pensées sont maintenant tournées vers le déconfinement. Avec une grande question : va-t-il fonctionner ? C’est tout l’enjeu, avec la crainte d’une seconde vague, redoutée par tous.
Le président du Conseil scientifique sur le Covid-19, Jean-François Delfraissy, auditionné près de trois heures par la commission des affaires sociales du Sénat ce jeudi matin, a pu apporter des réponses, mais aussi laisser des points en suspens, tant les autorités avancent pas à pas, depuis le début de l’épidémie.
Pour le professeur de médecine, la réussite du déconfinement dépend avant tout des tests et des brigades, ces personnes qui devront entrer en contact avec les malades et remonter les chaînes de contamination. La continuité des gestes barrières et les masques auront bien sûr un rôle essentiel, avec une grande confiance donnée à « la responsabilité individuelle ». Les éventuels développements de traitements, avec des pistes sérieuses, pourront jouer également.
Sans test, ni brigade, « ça ne va pas le faire le 11 mai. Ce sont des prérequis fondamentaux »
Le 11 mai, « on va sortir du confinement avec un virus qui continue à circuler » prévient Jean-François Delfraissay. D’autant qu’« on ne peut pas compter sur l’immunité collective », alors qu’« environ 10% » de la population a eu le virus « dans les zones les plus touchées » et seulement « 2% » dans les territoires les moins impactés, précise Arnaud Fontanet, membre du Conseil scientifique. Ce professeur à l’Institut Pasteur met clairement en garde : « Le défi est considérable, cette période de transition est une épreuve à aborder avec la plus grande vigilance ».
Alors qu’on estime « à quelques milliers, à la mi-mai » les nouveaux cas par jour, selon Arnaud Fontanet, l’important « est d’être en mesure de les tester ». En testant toutes les personnes qui ont des symptômes respiratoires, « on arrive très vite à 100.000 tests par jour ». « Le risque est de relier les individus qui ont des symptômes à des plateformes » qui les orienteront vers les tests.
C’est ici que se joue le déconfinement. « Si on n’arrive pas à avoir les tests (…) et la brigade, si on n’a pas tout ça, ça ne va pas le faire le 11 mai. Ce sont des prérequis fondamentaux » avertit Jean-François Delfraissy.
« Signal d’alerte sur l’organisation des brigades »
Le professeur entend particulièrement donner « un signal d’alerte sur l’organisation des brigades » (voir la première vidéo). « Il y a un enjeu majeur » insiste le président du Comité scientifique. Il s’agit de « savoir comment on fait pour que la mayonnaise prenne avec l’ensemble des acteurs », médecins, soignants, Sécu, mais aussi « milieu associatif ».
Pour mettre en place ces brigades, la Corée du Sud, souvent montrée en exemple, peut donner une idée. Ils ont mis 18.500 personnes au début, puis 4.000 quand l’épidémie a reculé. En France, « il faut plusieurs milliers de personnes, plutôt autour de 15.000 ou 20.000 personnes », selon Jean-François Delfraissy, qui ajoute :
Est-ce que le modèle et prêt ? Non. Il n’est pas prêt. Le modèle est en construction.
« 40.000/45.000 tests par jour actuellement »
Pour le nombre de tests, celui-ci « était autour de 3.500 par jour début mars. Il y en a 40.000/45.000 actuellement (Jean-François Delfraissy évoque aussi dans l'audition le chiffre de 50.000, ndlr). Puis 100.000/120.000 vers la mi-mai ». Un objectif « réalisable » selon le professeur. Des propos qui contredisent ceux tenus le 25 avril par le ministre de la Santé. « Nous avons dépassé les 50.000 tests par jour » a alors indiqué Olivier Véran, lors d’une visite en Seine-Saint-Denis.
Là encore, le scientifique alerte : « Si on n’arrive pas à avoir ces tests », le déconfinement ne pourra pas bien se passer, « pour nous, c’est un prérequis majeur ».
« L’ensemble de la population française doit porter des masques, dès qu’elle est dans un lieu public »
Le masque ne sera pas obligatoire pour tous dans la rue, uniquement dans les transports. Mais pour Jean-François Delfraissy, c’est tout comme. Il redit la « recommandation très forte (du Conseil scientifique) de l’utilisation des masques pour l’ensemble de la population, dès qu’elle est dans un lieu public, commençant à mes yeux à la sortie de la porte de son immeuble ». Et d’insister, encore plus affirmatif : « L’ensemble de la population française doit porter des masques, dès qu’elle est dans un lieu public ». « Ces masques servent à protéger les autres », et permettent « possiblement un certain effet de protection » pour soi-même, « qui n’est pas total ».
« Attention », avertit-il cependant, à ne pas « mettre mal le masque, se contaminer en le mettant » et de se croire protéger en ne prenant plus les mesures de distanciation sociale.
Risque « d’une éventuelle deuxième vague vers septembre/octobre »
On commence à peine à voir la lumière que, déjà, beaucoup se posent la question. Y aura-t-il une deuxième vague ? Spoiler : c’est un risque possible. Mais l’issue dépend d’une équation aux multiples inconnues. Seule certitude, « il n’y aura pas de vaccin dans les mois qui viennent ». Mais « si on arrive à avoir une diminution importante des formes graves » et, grâce à un traitement, à « lutter contre l’orage inflammatoire » qui se produit chez certains malades, le risque reculera, selon Jean-François Delfraissy. Mais comme l’Allemagne le constate aujourd’hui, le R0, c’est-à-dire le taux de transmission, risque de repasser aussi en France au-dessus de 1, avec le déconfinement. Chiffre synonyme d’expansion du nombre de cas.
Le rebond pourrait arriver après l’été. « Il y a toute une discussion sur la relation entre virus et climat. La chaleur ambiante » peut avoir un effet « sur certains virus ». Si bien qu’« il peut y avoir une amélioration au cours de l’été, et une récidive à la rentrée. Ce qui pose la question d’une éventuelle deuxième vague vers septembre/octobre » affirme le président du Conseil scientifique (voir vidéo ci-dessous). Ce qui au passage, repousserait encore plus loin le report des élections municipales, évoqué pour la rentrée.
Une doctrine, en cas de développement de nouveaux foyers d’épidémie, est en préparation. Mais le professeur remarque que « c’est une maladie qui touche beaucoup les grandes villes. Car c’est là qu’il y a plus de contacts. Mais il y a d’autres points, qui dépassent la question des transports, avec le rassemblement dans les tours climatisées », soit les milieux clos. Il évoque ici une piste de contamination secondaire par aérosol, des gouttelettes beaucoup plus fines que les postillons, voie principale et certaine.
Cette question des aérosols fait dire à Arnaud Fontanet que les dentistes se trouvent potentiellement menacés. « Les dentistes aussi sont exposés. Par les soins dentaires, il peut y avoir des aérosols », « la reprise d’activité sera compliquée pour les dentistes » souligne ce membre du Comité scientifique.
« La réouverture progressive des écoles permettra que ça se passe au mieux »
Sur la réouverture des écoles, le président du Conseil scientifique a rappelé qu’il avait préconisé une ouverture en septembre. Emmanuel Macron a préféré une reprise le 12 mai, non sans faire polémique.
Mais le professeur se fait rassurant sur les conséquences de cette décision « prise au plus haut niveau ». Il souligne que les enfants sont « a priori moins contagieux », même si cela doit être « vérifié ». Mais « la réouverture progressive des écoles permettra que ça se passe au mieux ». Quant aux cas de maladie de Kawasaki, qui ont touché des enfants de moins de 10 ans, avec un lien possible avec le Covid-19, les scientifiques surveillent mais les cas restent « rares » (voir notre article sur le sujet).
L’épidémie « n’avait probablement pas été suffisamment anticipée » selon Jean-François Delfraissy
En filigrane, la question des retards, lacunes ou erreurs constatés au début d’épidémie, est apparue par touches tout au long de l’audition.
« Le 6-7 mars on a vraiment senti que la situation devenait critique dans les hôpitaux du Grand Est et d’Ile-de-France », souligne Arnaud Fontanet, en retraçant les premiers moments. Constat confirmé au regard de la situation en « Italie », qui avait plusieurs jours d’avance. Autrement dit, les autorités savaient parfaitement ce qui était en train de se passer, avant les municipales. Ce qui repose la question de savoir pourquoi a été maintenu le premier tour, où 20 millions de Français se sont déplacés, entraînant forcément plus de contaminations, puis statistiquement des décès liés au Covid-19.
Par ailleurs, avec « un système de surveillance beaucoup plus large, avec des dépistages systématiques de personnes avec des symptômes respiratoires », le « foyer de l’Oise » aurait pu être « repéré plus tôt », selon le responsable de l’Institut Pasteur. Mais il tempère cette critique, car « on n’était pas en mesure » d’avoir « la prouesse technique », à ce moment-là, qui aurait « permis d’avoir assez de tests ».
Mais globalement, selon Jean-François Delfraissy, « on a raté quelque chose, probablement en février, en n’ayant pas la capacité suffisante de tests ». C’est pourquoi, comme il l’a déjà dit « le confinement était la seule mesure ou la moins mauvaise des mesures, compte tenu du nombre de tests et la circulation du virus à ce moment-là ».
Pour le professeur de médecine, c’est clair : il faut pour l’avenir « anticiper et ne pas se retrouver comme fin février/début mars avec quelque chose qui n’avait probablement pas été suffisamment anticipé, mais de nous tous, je me mets dedans » (voir la fin de la dernière vidéo).
Il y aura aussi « des leçons à tirer » de cette crise. Evoquant « le malaise hospitalier depuis plusieurs mois, qui ne relève pas que de ce gouvernement », Jean-François Delfraissy pointe « un problème de moyens ».