Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
La République en marche: ça grince entre la tête et la base
Par Jérémy MAROT
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Inquiète de voir ses forces vives s'essouffler sur le terrain, une partie de la base de La République en marche s'agace de la concentration et de l'exercice vertical du pouvoir depuis Paris, et déplore un fossé qui se creuse avec le sommet.
Une dose de frustration supplémentaire: alors que tous les partis réunissent leurs militants en cette fin d'été, LREM a décidé de faire l'impasse.
Pourtant, le mouvement d'Emmanuel Macron aurait pu saisir l'occasion d'enfin rassembler son "Conseil", à savoir le "Parlement" du parti, dont les statuts exigent qu'il soit convoqué deux fois par an. Cet organe de 800 membres environ, symbole supposé de démocratie interne, est laissé inerte depuis son intronisation en novembre dernier.
"Ca ne vit pas du tout. On a du mal à concevoir notre rôle", témoigne un animateur d'un comité local et membre de ce Conseil.
"C'est une vaste fumisterie", tempête Jean-Baptiste Ducatez, animateur local dans le Rhône. "Le Conseil s'est réuni une fois pour élire Christophe Castaner et c'est tout", grince-t-il encore.
"Aucune info", "pas de discussion", "je m'attendais à ce qu'il y ait plus de contacts", cinglent d'autres membres de cette instance en soulignant que la plateforme internet qui permettait aux marcheurs du Conseil de communiquer entre eux a été désactivée.
Une réunion du Conseil est bien "prévue", tempère M. Castaner qui doit détailler un échéancier début septembre. Mais pour tous, cette latence est symptomatique d'une tête peu avide de rendre des comptes à sa base.
"Ce n'est pas surprenant, En Marche a toujours fonctionné comme cela, de manière très descendante, très pyramidale", relativise un membre du Conseil en réfutant toute "déception sur ce sujet".
Si le parti revendique quelque 400.000 adhérents, sans obligation de cotisation, sa structure paraît toujours fragile après deux ans d'existence, à l'image de l'important turn-over au sein des référents départementaux, les "préfets" du parti.
Le lancement d'ambitieux chantiers il y a un an, puis l'adoption d'une nouvelle gouvernance, n'ont pas permis de contrecarrer un essoufflement militant certes logique en année post-électorale, mais dont l'ampleur est jugée inquiétante par certains cadres sur le terrain, notamment hors des grandes métropoles. Les compteurs officiels sont pourtant au vert selon M. Castaner qui affirme que "même au coeur de l'été, nous avons plus d'adhésions que de départs".
- "Encéphalogramme plat" -
"Le mouvement ne vit pas", avance cependant un cadre parisien. "Les gens qui sont venus pendant la campagne étaient là pour faire élire un président. C'est difficile de les réembarquer pour d'autres choses", soupire-t-il.
"Il y a beaucoup de comités locaux où c'est encéphalogramme plat", abonde cet animateur en territoire rural.
La dizaine de cadres locaux interrogés par l'AFP se plaignent à l'unisson de l'absence de relation avec le "QG", c'est-à-dire le siège parisien, en particulier pour ceux implantés dans des territoires où les députés ne font pas office de facilitateurs.
"Il nous manque un numéro de téléphone qui réponde", illustre ainsi Michel, un animateur de province, pestant contre l'adresse mail générique mise à disposition. "On est sur un mouvement très 2.0, très dématérialisé et c'est déstabilisant", appuie un animateur de Rhône-Alpes.
Des moyens financiers limités (1.000 euros en moyenne par département) qui obligent à "la débrouille" voire "à mettre la main au portefeuille", et l'impossibilité d'avoir accès au fichier des adhérents locaux (un sujet controversé, y compris au sein de la base) entravent la mobilisation au sein des comités, argue-t-on encore. Et certains de déplorer que leurs initiatives soient "systématiquement rejetées", dixit un marcheur actif du Sud-Ouest, comme la proposition d'organiser des universités d'été.
Tous les militants sollicités critiquent également l'opacité des orientations prises au sein du bureau exécutif, l'équipe dirigeante autour de M. Castaner, qui se réunit en moyenne un lundi sur deux à Paris.
"Il n'y a aucun compte rendu, aucun relevé de décisions", souligne un cadre parisien.
"On aimerait bien pouvoir être d'accord avec ce qu'il s'y dit", ajoute Michel. "Au bout d'un moment, je pronostique un rejet. La base sera brutale", prédit-il encore.