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La réindustrialisation de la France doit devenir une « une obsession nationale », plaide François Bayrou
Par Public Sénat
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La réindustrialisation va-t-elle s’imposer dans la liste très disputée des principaux thèmes de campagne de l’élection présidentielle ? Avec son dernier rapport, François Bayrou espère au moins provoquer une prise de conscience dans l’opinion sur la nécessité de relocaliser certaines productions qui auraient toute leur place en France. Le Haut-commissariat au Plan a été auditionné devant la délégation aux entreprises du Sénat ce 6 janvier, elle aussi préoccupée par la dégradation de la balance commerciale française.
Après des premières publications remarquées sur la démographie ou encore la place du nucléaire, le Haut-commissaire ajoute donc la « reconquête de l’appareil productif » aux grands enjeux des années à venir et appelle à en faire une « urgence nationale ». Et selon lui, c’est aux citoyens de faire pression sur le politique pour y parvenir. « La question centrale pour moi, c’est la prise de conscience de l’opinion ». Une récente étude menée par l’Ifop montre en tout cas que le sujet fait bien partie des préoccupations des Français. Selon ce sondage réalisé en décembre, l’affaiblissement économique et la désindustrialisation sont cités en tête (à 82 %) comme une « menace importance » contre l’identité française.
Selon la note du Haut-commissariat, de la part d’un pays qui dispose d’un niveau technologique certain et d’une longue expérience agricole, « ce déclassement sans cause liée à notre capacité, est purement et simplement inacceptable ». François Bayrou évoque ici un thème qui lui est cher puisqu’il avait fait du « produire en France » une partie de son triptyque de sa campagne présidentielle de 2012.
La comparaison avec l’Allemagne, à laquelle il est difficile d’échapper dans toute étude sur les exportations, a servi de point d’appui à son propos. Le commerce extérieur de l’Hexagone enregistre en moyenne un déficit de 75 milliards d’euros, quand le voisin Outre-Rhin enregistre un excédent autour de 200 milliards d’euros. « Cet intervalle, qui est une défaite, ne se réduit pas », s’est inquiété le Béarnais. Le centriste considère également que la compétitivité du marché du travail ou l’excuse d’une monnaie trop chère « ne tiennent plus ». Le discours optimiste de François Bayrou a parfois désarçonné certains sénateurs. « Nos entreprises ne sont pas sur un pied d’égalité », a répliqué la sénatrice LR Martine Berthet.
« Chacun chasse pour lui-même, au lieu de chasser en meute »
Aux facteurs économiques, François Bayrou a préféré insister sur la responsabilité des batailles « idéologiques » qui ont été perdues sur le maintien des usines. Pour reconquérir des marchés, il appelle également les tissus économiques à s’unir pour conquérir des marchés extérieurs. Concrètement, les grandes entreprises doivent mettre leur force de frappe et les réseaux au service des PME. « Chacun chasse pour lui-même, au lieu de chasser en meute », a-t-il résumé. De manière générale, ses constats sont partagés par les sénateurs. La socialiste Florence Blatrix-Contat a rappelé que des questions de positionnement sur des sujets stratégiques ou de formation des étudiants ont également été préjudiciables à la production française. « Il y a eu des erreurs stratégiques », a-t-elle relevé.
Dans la stratégie qu’imagine François Bayrou, l’impulsion viendrait notamment de l’Etat. « Il faut imaginer une mobilisation dans laquelle l’Etat jouerait un rôle central, mais qui doit être entourée des partenaires d’entreprises. » Vincent Segouin (LR) a insisté sur la responsabilité de l’Etat, justement, dans la désindustrialisation, avec les appels d’offres privilégiant les options les moins chères. « On a un problème de patriotisme économique. » Interrogé sur l’idée de pénaliser par des taxes des produits importés, François Bayrou a considéré qu’il pouvait être « pertinent », notamment à l’échelle européenne, de prendre en considération les différences des conditions de production et de normes.
A la lecture de la note du Haut-commissariat, on devine dans quels domaines où la marge de progression est possible. Les secteurs sont divers et vont ainsi de l’électroménager, des pièces aéronautiques, de la fibre optique au bois, en passant par les produits pharmaceutiques et médicaux. La crise sanitaire a d’ailleurs mis en lumière les risques d’une dépendance à un marché extérieur. Avant la crise, cette famille économique représentait sept milliards d’euros de déficit dans la balance commerciale. Pour des produits aussi courants que les aiguilles, les cathéters, les pansements ou encore les prothèses auditives, la France doit majoritairement recourir à l’importation.
L’état des lieux part d’abord d’un travail de fourmi. Sa petite équipe a passé au crible le comportement à l’export de 914 types de produits, afin de déterminer lesquels pourraient faire l’objet d’un programme de relocalisation. Le choix des plus pertinents doit être « guidé » par différents paramètres : l’existence d’une demande nationale « pérenne », l’existence de débouchés à l’international et l’existence d’atouts dans la production et l’innovation. « Nous sommes en situation, tous les jours, de perdre des batailles que nous avons la capacité de gagner », a-t-il assuré.
La ratatouille est dépendante des exportations
Les produits agricoles ne sont pas en reste. Se référant aux données des douanes, l’ancien ministre a notamment pris un exemple insolite, mais très significatif des productions délaissées en France : les cinq légumes nécessaires à la préparation d’une ratatouille, l’un des plats indissociables de la cuisine française. « Nous sommes déficitaires de 650 millions d’euros. Vous voyez que les chiffres peuvent être considérables. »
Le discours d’orientations générales et l’avalanche de constats ont laissé un sénateur, Pierre Cuypers (LR) particulièrement déçu. « On tourne en rond depuis des années […] J’aimerais connaître les préconisations que vous faites au-delà de la ratatouille. Comment être compétitif ? »
La stratégie globale que François Bayrou appelle de ses vœux est encore loin d’être précisément arrêtée. Il souhaite engager « un travail approfondi, en concertation, sur la manière dont les productions nationales pourraient être renforcées ou constituées ».
Finalement, le Haut-commissaire, aidé de cinq collaborateurs, rappelle qu’il est avant tout là pour « allumer les phares pour qu’on essaye d’y voir un peu clair sur le chemin ». Il a renvoyé la balle dans le camp des parlementaires, quitte à surestimer la marge de manœuvre dont ils disposent dans l’examen des lois de finances chaque année. « Le pouvoir, c’est vous. Il n’y a pas une décision de l’exécutif qui ne passe par votre filtre […] Le Parlement ne mesure pas quel est son pouvoir ».
Plus que des solutions concrètes, François Bayrou a avant tout voulu replacer la question de la « reconquête » de la production industrielle et agricole au sommet de l’agenda. « Ça doit devenir une obsession nationale pour tout le monde. Il s’agit du modèle de société français et de sa durabilité. »