La réforme de l'apprentissage présentée vendredi en Conseil des ministres "sera un échec pour la France", selon le président de Régions de France, le centriste Hervé Morin, qui bataille depuis des mois contre le texte du gouvernement.
Destinée à relancer la filière, elle transfère notamment le pilotage du secteur aux branches professionnelles, au détriment des régions.
QUESTION : Que reprochez-vous au dispositif du gouvernement ?
REPONSE : Cette réforme sera un échec pour l'apprentissage et pour la France. Elle laissera une partie de nos jeunes, notamment dans les zones rurales ou semi-rurales ou dans les quartiers, sans solution. Donc, ce sera un handicap de plus pour ces territoires déjà en difficulté, parce qu'il n'y aura pas les qualifications et les compétences à proximité. Le sujet majeur, aujourd'hui, c'est +comment faire en sorte que nos ouvertures de formations en apprentissage trouve un public ?+ On va se retrouver avec des zones entières où les centres de formation, parce qu'ils n'auront pas les effectifs nécessaires, fermeront des formations. Nous estimons que près des deux-tiers des centres de formation (CFA) sont en péril".
Q : Le gouvernement entend pourtant lever les obstacles à l'apprentissage ?
R : On crée un système totalement centralisé, qui va être d'une bureaucratie et d'une complexité extraordinaires. Le prix de formation décidé au niveau national empêchera l'analyse fine de chaque formation. Or, il n'y a pas une formation qui ressemble à une autre, pas un centre de formation qui ne s'adapte en fonction des publics, des besoins de l'économie, du bassin d'emploi... Tout ça va se trouver confronté à une uniformisation absolue dans un monde beaucoup plus complexe que des prix et une tarification de la formation centralisée au niveau national. A notre demande, le gouvernement a créé un fonds d'aménagement du territoire, mais dont la dotation est tellement faible qu'elle ne permettra jamais de maintenir des formations dans des zones qui en ont pourtant considérablement besoin. Et s'il n'y a plus ces formations, il n'y aura plus, derrière, les entreprises. Dans le bâtiment, le bassin de recrutement est de trente kilomètres maximum aux alentours. Si vous n'avez pas le centre de formation à côté, vous n'avez plus de collaborateurs et un jour vous déménagez. Désormais, l'apprentissage sera soumis à la loi du marché".
Q : Qu'attendez-vous du débat parlementaire ?
R : Il faut d'abord avoir des parlementaires qui ont géré l'apprentissage. Comme il n'y a plus de cumul des mandats, peu sont ceux qui ont eu des mandats locaux leur permettant de parfaitement appréhender le mécanisme. Il y a des gens conscients des difficultés. Mais je dis aux députés +vous serez comptables et responsables de l'évolution de l'apprentissage dans votre circonscription ou votre département+".