C’est l’autre contribution du Sénat à la réflexion. Ce jeudi matin, le président LR du Sénat, Gérard Larcher, a présenté les 50 propositions de la Haute assemblée pour une « nouvelle génération de décentralisation ». Le président LR de la commission des affaires sociales, Alain Milon, a travaillé de son côté à une note pour le chef de l’Etat « sur la réforme du système de santé ».
Emmanuel Macron a reçu en fin d’après-midi, à 17h30, Gérard Larcher, qui lui a remis formellement ces travaux. Il était aux côtés de son homologue LREM de l’Assemblée nationale, Richard Ferrand, et du président du Conseil économique, social et environnemental, Patrick Bernasconi. Début juin, le président de la République leur avait demandé un travail de réflexion pour « l’après ».
Alors que le Ségur de la santé doit aboutir mi-juillet, Alain Milon souligne dans sa note, que Public Sénat a pu consulter, que « la crise sanitaire a mis en lumière à la fois la situation très dégradée de l’hôpital public, mais aussi sa capacité à rebondir lorsqu’on sort du cadre réglementaire et que l’on fait confiance aux acteurs de terrain. Elle a également montré qu’il était possible de développer les synergies entre les différentes catégories d’hôpitaux publics, privés à but non lucratif et privés, ainsi qu’avec la médecine de ville ». Pour le sénateur du Vaucluse, « cette expérience nous indique la direction à suivre : celle de la territorialisation des actions reposant sur la confiance dans la liberté et la responsabilité des acteurs ».
Plus de territorialisation pour que l’hôpital ne soit plus « le centre de gravité »
Face au « poids trop lourd de l’administration centrale », il convient, selon Alain Milon, de passer par une « association de tous les acteurs » : « Etat, patients, professionnels de santé libéraux et salariés, établissements de santé publics et privés, organismes d’assurance de base et organismes complémentaires ». De « nouvelles règles du jeu » pourraient être mises en place : « Evolution des modes de rémunération pour les libéraux, montée en compétences et attributions des professions paramédicales pour remplacer les médecins sur certaines tâches, (…) rôle de la télémédecine ».
« L’hôpital ne doit plus être le centre de gravité du système. On ne raisonnerait plus en amont ou aval d’un passage à l’hôpital mais on raisonnerait en parcours de soins pour une population vieillissante » défend le président de la commission, lui-même médecin de profession.
« Développer les alternatives à l’hospitalisation classique » pourrait se faire « en structurant les réponses des professionnels de santé en ville ». Il s’agit « d’organiser la réponse territoriale aux besoins de santé ».
Pour Alain Milon, « il convient de progresser vers la régionalisation de notre système de santé ». Il évoque « la piste d’un objectif régional des dépenses d’assurance maladie (ORDAM) ». « Elle est complexe » reconnaît le sénateur, « car elle peut conduire à un renforcement des inégalités territoriales en fonction de la construction de cet ORDAM, et elle soulève la question de la régulation de la dépense pouvant conduire à des tarifs ou des rémunérations différentes selon les régions ». Une partie des crédits de l’ONDAM pourrait au moins être « régionalisée ».
Plus de « liberté », avec la « transformation volontaire des hôpitaux publics en établissement de santé privé d’intérêt collectif »
Alain Milon part du constat que la crise de l’hôpital vient d’une crise financière, notamment causée par « le cercle vicieux de la tarification à l’activité et la baisse des tarifs », une crise structurelle et organisationnelle, liée selon le sénateur à la « mise en place des 35 heures » et la part importante (33%, contre 25% en Allemagne) du personnel non-soignant, et enfin les rigidités statutaires. « S’y ajoute une crise de management » ainsi qu’« une crise de perte de sens car, dans ce contexte, les personnels hospitaliers ont le sentiment que l’hôpital ne répond plus à une vision médicale mais à une vision managériale, économique et budgétaire ». Alain Milon ajoute :
La qualité des soins ne serait plus la priorité mais aurait été remplacée par une course au volume de soins réalisés. Le nombre de lits et de personnels soignants serait devenu une simple variable d’ajustement de la dépense.
« Face à cette situation, il faut donner une liberté de gestion et faire confiance à l’esprit de responsabilité » propose le président de la commission des affaires sociales, qui met sur la table une idée qui fera sûrement polémique : « Une telle évolution pourrait passer par une transformation volontaire des hôpitaux publics en établissement de santé privé d’intérêt collectif ». Pour les personnels, il imagine une « liberté individuelle de choix sur le maintien du statut, plutôt que sur le passage à une convention collective ».
« Parallèlement », il souhaite « faciliter les passerelles entre métiers, d’aide-soignante à infirmier ou d’infirmière à médecin » écrit le sénateur. « Il conviendrait, également, de faire à nouveau du service (…) la base de l’organisation et de la gestion de l’hôpital, en dotant les chefs de service de moyens délégués, assortis de formules d’intéressement collectif et individuel ». « Il est donc nécessaire de remettre les services et leurs équipes soignantes au cœur de l’hôpital, en concevant des services à taille humaine, avec une logique médicale, où la notion d’équipe aura un véritable sens » insiste l’élu.
Réforme de l’organisation des urgences
Dernier point de la note : pour répondre à la crise des urgences, Alain Milon renvoie au rapport fait par sa commission en 2017. Un travail réalisé par Laurence Cohen (PCF), Catherine Génisson (PS) et René-Paul Savary (LR) qui « proposait des mesures concrètes à mettre en œuvre à court terme ».
Les sénateurs proposaient notamment « une évolution de la tarification afin d’inciter les services à se recentrer sur la prise en charge des situations les plus graves », « une meilleure prise en compte des conditions de travail des équipes » ou encore une « amélioration de la coordination entre la médecine d’urgence hospitalière et la prise en charge des soins non programmés en ville ».