Une mobilisation en net recul, des échauffourées dans quelques villes mais pas de casse: le mouvement des "gilets jaunes" s'est essoufflé samedi...
Par Juliette MONTESSE et Grégory DANEL avec les bureaux en région
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Une mobilisation en net recul, des échauffourées dans quelques villes mais pas de casse: le mouvement des "gilets jaunes" s'est essoufflé samedi en France, contrastant avec les violents heurts des semaines précédentes pour réclamer à Emmanuel Macron plus de pouvoir d'achat.
Ce cinquième samedi de manifestation avait valeur de test pour le président, vilipendé dans la rue depuis le 17 novembre. Il avait annoncé lundi des mesures pour mettre fin à cette fronde inédite, née sur les réseaux sociaux, contre sa politique fiscale et économique.
"Les ronds-points" du pays, occupés par des "gilets jaunes" jour et nuit, doivent désormais "être libérés et la sécurité de tous redevenir la règle", a tweeté le ministre de l'Intérieur Christophe Castaner. "Le dialogue doit maintenant rassembler l'ensemble de ceux qui veulent transformer la France", a-t-il jugé.
Vers 19H00, l'Intérieur comptabilisait 66.000 manifestants dans toute la France, soit deux fois moins que les 126.000 recensés samedi dernier à la même heure. A Bordeaux et Toulouse, le nombre de manifestants était deux fois plus important qu'à Paris, avec 4.500 manifestants dans chacune des villes.
Le président de l'Assemblée nationale Richard Ferrand (LREM) a salué une baisse de mobilisation "nécessaire". "Il a été massivement répondu à leurs revendications" et "le temps du dialogue est venu", a-t-il jugé.
Mais le chef de l'État est de moins en moins apprécié de l'opinion. Sa cote de popularité est tombée à 23% de "satisfaits" (-2 points) et 4% de "très satisfaits" (stable), contre 76% de "mécontents" (+3 points), d'après un sondage Ifop pour Le Journal du dimanche.
Cette journée "est un peu un échec, mais c'est à cause de l'État qui nous empêche de manifester correctement", estimait Lucie, une aide ménagère de 35 ans venue de Melun à Paris. Laurent, un salarié dans l'informatique qui veut "faire évoluer la politique et la représentativité du citoyen", rejetait tout échec: "On est soutenu. Partout où on va il y a des klaxons".
Après des scènes de guérilla urbaine et de saccages qui avaient fait le tour du monde, la France avait de nouveau été placée sous haute sécurité, avec 69.000 membres des forces de l'ordre déployées, dont 8.000 à Paris, appuyés par des véhicules blindés à roues de la gendarmerie.
A Paris, les Champs-Elysées, épicentre des heurts lors des précédents samedis, avaient rouvert à la circulation en début de soirée. Dans l'après-midi, de petites échauffourées y ont opposé "gilets jaunes" aux forces de l'ordre, sans commune mesure avec le déferlement de violence des semaines passées.
Des échauffourées, avec gaz lacrymogène et jets de projectiles, ont eu lieu à Bordeaux et une trentaine de personnes ont été placées en garde à vue. Même scénario à Saint-Etienne, où 44 personnes ont été placées en garde à vue, ou encore Toulouse, Nantes, Besançon, Nancy ou Lyon.
Heurts entre manifestants et forces de l'ordre sur les Champs-Elysées, le 15 décembre 2018
AFP
Les manifestants étaient globalement moins nombreux à Rennes, Caen, Strasbourg...
- Pas de cadeaux pour Noël -
Autre chiffre révélateur: peu après 18H00, il y avait eu à Paris 168 interpellations dont 115 gardes à vue, et sept blessés légers, bien en-deçà des chiffres record de la semaine dernière. Le parquet de Paris a comptabilisé de son côté un total de 114 gardes à vue pour la journée, précisant que 47 d'entre elles étaient toujours en cours dans la soirée.
Les manifestants étaient nombreux à réclamer l'organisation d'un "RIC", un référendum d'initiative citoyenne, ou la démission d'Emmanuel Macron.
"On se battra tant qu'on n'aura pas gain de cause", a assuré Daisy, venue à Paris de l'Isère avec son compagnon. Le couple, qui se "serre la ceinture" pour ses "petits", ne s'offrira pas de cadeaux pour Noël: "C'est trop compliqué de se faire plaisir, on s'offrira des câlins".
Ailleurs dans la capitale, comme sur les places de la Bastille ou de la République, si des banques et magasins avaient recouvert leur façades de contreplaqué de crainte de dégradations et pillages, ils sont malgré tout restés ouverts. Toutes les stations de métro avaient rouvert avant 19H00.
Manifestation de "gilets jaunes" à Marseille, le 15 décembre 2018
AFP
Aux abords des grands magasins parisiens, les badauds se croisaient avec des sacs de courses, loin de l'impression d'état de siège les semaines précédentes.
Le président de la Confédération des commerçants de France a estimé samedi que le mouvement représentait "une véritable catastrophe" pour les petits commerces à l'approche de Noël, avec une baisse du chiffre d'affaires comprise entre "40% et 70% selon les corporations".
Les accès aux institutions avaient été protégés. Mais la Tour Eiffel et plusieurs musées fermés samedi dernier étaient restés ouverts.
- "Champions du clavier" -
Heurts entre manifestants et forces de l'ordre à Toulouse, le 15 décembre 2018
AFP
"Quand on voit le +blablatage+ sur Facebook des champions du clavier et quand on voit concrètement combien de personnes il y a dans la rue, je vous le dis honnêtement, je n'ai qu'une envie, c'est de poser le gilet", résumait à Lyon Stella, employée de bureau de 44 ans.
Des accès routiers étaient encore perturbés samedi soir, notamment l'A20, l'A9 et l'A7 coupées par endroits mais l'A6 fermée samedi matin dans les deux sens entre la Saône-et-Loire et le Rhône a été rouverte dans la soirée.
Les annonces d'Emmanuel Macron lundi, dont la plus emblématique porte sur une hausse de 100 euros des revenus au niveau du Smic, visaient à répondre aux revendications immédiates des "gilets jaunes" réclamant moins de taxes et plus de pouvoir d'achat.
"Les annonces de Macron sont un premier recul, ça montre qu'on peut le faire reculer, il faut continuer tous les moyens de pression", estimait à Lille Jacques Caudron, un enseignant à la retraite âgé de 66 ans.
Ce ne "sont pas des réponses qui réduisent les inégalités sociales, et le fond de l'affaire c'est quand même ça : l'augmentation des inégalités et le fait qu'on fait payer aux pauvres les allègements d'impôt des plus riches", renchérissait Claire Bornais, enseignante.
A Paris, l'une des images de la journée restera ces cinq femmes grimées en Marianne faisant face aux gendarmes sur les Champs-Elysées, une performance de l'artiste luxembourgeoise Déborah de Robertis. Mais aussi le sit-in de près d'un millier de manifestants devant l'opéra de Paris, entre minutes de silence pour les victimes de l'attentat de Strasbourg et du mouvement des gilets jaunes et un appel "du peuple à (retrouver) la liberté et la souveraineté".
Christophe Castaner a établi samedi soir le bilan des décès à huit personnes depuis le début du mouvement. Selon une source proche du dossier, la passagère d'un conducteur alcoolisé remontant une voie de circulation bloquée par un barrage près de Soissons (Aisne) a trouvé la mort vendredi soir en percutant une voiture arrivant dans le bon sens.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.