La Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP) a publié son rapport d’activité 2016. Son président, Jean-Louis Nadal, ne peut que constater dans un entretien au Monde que « beaucoup reste à faire ». Les cas litigieux ou transmis à la justice restent cependant une minorité.
Alors que François Fillon ou Marine Le Pen sont touchés par les affaires, « la campagne présidentielle donne un relief particulier aux questions de probité des responsables publics » souligne le président de la Haute autorité. Mais pour Jean-Louis Nadal, « l'enjeu dépasse de loin l'échéance électorale ».
Créé fin 2013 après l’affaire Cahuzac, la HATVP reçoit et examine les déclarations d’intérêts et de patrimoine des élus et responsables publics. 15.800 fonctions sont aujourd'hui soumises aux obligatoins déclaratives. La Haute autorité à reçu un peu plus de 6.000 déclarations. Seuls 12 dossiers ont été transmis à la justice en 2016, « chaque fois pour des faits graves portant sur des omissions ou des sous-évaluations. Cela représente moins de 1 % du millier de déclarations contrôlées » souligne Jean-Louis Nadal. Le nombre de cas transmis est stable. Selon les chiffres obtenus en février 2016 par publicsenat.fr, la Haute autorité avait alors envoyé 13 dossiers au parquet depuis sa création (voir notre article sur le sujet).
IRFM utilisée pour payer des vacances ou placée sur des SICAV
Pour aller plus loin, la Haute autorité préconise notamment d’« améliorer la transparence de l’emploi de l’IRFM ». L’indemnité représentative de frais de mandat, d’un montant de 5.840 euros bruts mensuels pour un député, 6.109 nets pour un sénateur, a souvent été à l’origine de polémiques. Elle permet aux parlementaires de régler les dépenses liées à leur mandat. Elle n’est pas fiscalisée, puisqu’il s’agit en quelque sorte d’une avance de remboursement de frais.
Dans son rapport, la HATVP, explique que certains parlementaires ont tout simplement détourné l’IRFM de sa fonction pour en faire un usage personnel ou s’enrichir :
« Ainsi, à l’occasion de l’étude de la variation de patrimoine de certains parlementaires, ont été identifiées plusieurs situations dans lesquelles l’IRFM avait contribué à un accroissement sensible du patrimoine des déclarants ».
« Outre les cas dans lesquels des parlementaires ont acquis leur permanence par des remboursements d’emprunt provenant de leur IRFM, pratique désormais explicitement interdite par les deux assemblées, cette indemnité a parfois pu financer des biens immobiliers privés, être investie dans des instruments financiers (placement de la totalité de l’IRFM sur des SICAV qui demeurent dans le patrimoine du parlementaire à l’issue du mandat), servir à régler des dépenses sans lien avec le mandat, comme des vacances personnelles, ou a simplement été directement versée sur des comptes personnels, sans qu’il soit possible de distinguer dans quelle mesure elle a contribué à l’enrichissement de l’intéressé. Cette situation est d’autant plus problématique que l’IRFM n’est pas soumise à l’impôt sur le revenu » souligne la Haute autorité.
Certains députés ont aussi demandé conseil au déontologue de l’Assemblée pour « savoir si l’IRFM pouvait permettre la prise en charge du loyer d’un appartement à Paris, de l’achat d’un véhicule, de frais de carburant, d’enquêtes de popularité, d’achats d’espaces publicitaires sur les réseaux sociaux ou encore de déplacements offerts aux administrés de la circonscription » explique le rapport. Mais la Haute autorité souligne que « pour autant, cette régulation nouvelle demeure perfectible. En effet, les assemblées ne prévoient aucun mécanisme de contrôle effectif de l’usage qui est fait de l’IRFM par les parlementaires ». Seul des guides de bonnes conduites ont été écrits. L’idée de devoir transmettre des justificatifs sous forme de notes de frais, comme au Parlement britannique, est très mal vu des parlementaires français. Beaucoup craignent une usine à gaz et demandent qu’on leur fasse confiance.
L’Allemagne, l’Espagne, l’Italie et la Suisse publient les patrimoines des élus… pas la France
Dans son rapport, la HATVP fait une autre proposition : publier les déclarations patrimoniales des députés, sénateurs et eurodéputés sur son site internet.
Ces déclarations sont actuellement consultables, mais uniquement en préfecture. Mais cette consultation est toute relative. Car si tout citoyen peut les consulter, il est strictement interdit de les divulguer, sous peine de 45.000 euros d’amende… Les journalistes ne peuvent donc pas non plus reprendre ces éléments, ni même prendre des notes sur place. Seul possibilité : alerter la Haute autorité en cas de soupçons de fausse déclaration.
Lors des débats sur la loi qui a créé la Haute autorité, de nombreux parlementaires de tous bords voyaient d’un mauvais œil ce texte. Ils avaient obtenu, au nom de la protection de la vie privée, ce sérieux frein à la transparence, en limitant la consultation sur place en préfecture. La transparence oui, mais pas trop.
En publiant les déclarations des parlementaires, la Haute autorité y voit un moyen de « prévention des conflits d’intérêts ». L’autorité présidée par Jean-Louis Nadal remarque que « de nombreux pays voisins organisent une véritable publicité des déclarations de patrimoine des parlementaires. C’est ainsi le cas en Allemagne, en Espagne, au Pays-Bas, en Suisse, aux Pays-Bas ou en Italie ». La Suisse, adepte du secret bancaire, est ainsi plus transparente que la France pour ce qui est du patrimoine de ses élus.