« La haine du journalisme menace les démocraties », alerte Reporters sans frontières

« La haine du journalisme menace les démocraties », alerte Reporters sans frontières

Ce mercredi, Reporters sans frontières présentait l’édition 2018 du Classement mondial de la liberté de la presse. Jamais le tableau n’avait été aussi noir : « La haine du journalisme menace les démocraties » alerte l’ONG.
Public Sénat

Par Alice Bardo / sujet vidéo : Adrien Develay

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« Sales prostituées anti-slovaques », « simples hyènes idiotes », « fils de putes », « fumiers », « ignorants », « charlatans », « ennemis publics », « espions à la solde de l’étranger »… Ces insultes envers les journalistes ont valu à l’édition 2018 du classement mondial de la liberté de presse établi par Reporters sans frontières (RSF) un titre inédit : « La haine du journalisme menace les démocraties. »

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RSF

 « Sur la carte de la liberté de la presse, jamais il n’y avait eu autant de pays en noir » alerte l’ONG. Seulement 9% des 180 pays du classement sont jugés « en bonne situation » vis-à-vis de la liberté de la presse et 12% sont classés comme étant en « situation très grave ». Parmi eux, la Chine « toute puissante », 162e au classement, qui « exporte sans complexe ses méthodes pour réduire au silence toute voix critique », notamment en Asie. Censure de l’information, outils de surveillance du Net, méthodes répressives… Pékin s’est équipé d’un véritable arsenal pour museler les journalistes.

Des « trous noirs de l’information »

La Syrie (177e), l’Irak (160e), la Libye (167e) et le Yémen (167e)  sont également des « pays en noir » puisque « la guerre contribue à transformer des pays en trous noirs de l’information ». En Syrie, « pays le plus dangereux du monde pour la profession de journaliste », 13 journalistes ont été tués en 2017, et 20 sont retenus en otage.

Quant à la Corée du Nord, elle figure évidemment en queue de peloton, à la dernière place, en tant que « pire pays du monde en matière de liberté d’informer ». Et cela ne va pas en s’arrangeant puisque « la généralisation récente des smartphones a conduit Kim Jong Un à opter pour un contrôle drastique des communications » précise RSF.

« Médiaphobie »

Une véritable « médiaphobie » s’est développée, emmenée par Donald Trump, « adepte du mediabashing décomplexé » remarque RSF. Le Président américain est même allé jusqu’à reprendre la formule de Joseph Staline en qualifiant les journalistes d’« ennemis du peuple ». En outre, « il a tenté de bloquer l’accès à la Maison Blanche à plusieurs médias, utilisé quasi quotidiennement le terme de fake news pour fustiger tout sujet critiquant son action politique et a retweeté des contenus violents à l’égard de CNN. » De quoi inciter 20 ONG, dont RSF, à lancer un outil de surveillance de la liberté de la presse aux États-Unis : le U.S Press Freedom Tracker.

« En Europe aussi, on assassine les journalistes »

En France, certains leaders politiques ont eux aussi fait usage du mediabashing, tout particulièrement pendant la campagne présidentielle, l’année dernière. Pour Jean-Luc Mélenchon, « la haine des médias et de ceux qui les animent est juste et saine ». Quant à Laurent Wauquiez, il n’hésite pas à qualifier le travail de certains journalistes de « bullshit médiatique ». Actuellement à la 33e place du classement de Reporters sans frontières, la France a gagné 6 places mais « cette remontée est partiellement mécanique du fait de la chute exceptionnelle de certains de ses voisins européens », précise RSF. La République Tchèque (34e) a par exemple chuté de 11 places. Son Président, Milos Zeman « suggérait de liquider les journalistes et s’est présenté à une conférence de presse muni d’une kalachnikov factice sur laquelle était inscrit le mot journaliste » relate l’ONG.

« En Europe aussi, on assassine les journalistes » regrette RSF en faisant référence au meurtre de deux journalistes : la Maltaise Daphne Caruana Galizia et la Slovaque qui enquêtait sur la corruption et la mafia. L’un des fils de cette première, Andrew, était présent lors de la présentation par Reporters sans frontières de son classement, ce mercredi. Il regrette qu’ « il n’y ait presque plus de liberté de la presse à Malte ». Et d’ajouter : « Si un journaliste comme ma mère, qui était en train d’enquêter sur des histoires de corruption qui touchent les politiques maltais, peut être assassiné, cela veut dire qu’il n’y a plus d’État de droit à Malte. »

« 2018 pourrait redistribuer les cartes en Amérique latine »

En Amérique latine, la liberté de la presse est également en péril, notamment à Cuba, classé 172e : « C’est le pire pays du continent pour la presse car le monopole sur l’information est quasi-total et les médias privés ne sont pas autorisés par la Constitution », explique Reporters sans frontières. Quant à la Colombie (130e), elle compte « parmi les pays les plus dangereux pour les journalistes ». Mais l’ONG relativise : « L’année 2018 avec la tenue d’élections présidentielles dans certains pays parmi les plus mal classés du continent (Cuba, Venezuela Mexique, Colombie, Brésil) pourrait redistribuer les cartes et augurer d’une nouvelle relation entre les gouvernements et les journalistes. »

La Turquie, « plus grande prison du monde pour les journalistes »

« L’espace post-soviétique et la Turquie restent, pour leur part, aux avant-postes de la dégradation mondiale de la liberté de la presse » signale l’ONG. Et pour cause, la Russie (148e) « n’a jamais eu autant de journalistes et de blogueurs emprisonnés depuis la chute de l’URSS » et la Turquie est la « plus grande prison du monde pour les professionnels des médias ».

Enfin, en Afrique, certains « sujets tabous » conduisent les gouvernements à censurer les journalistes qui en parlent au moyen de coupures internet et en restreignant l’accès aux réseaux sociaux. Par exemple, le Cameroun (129e) a connu un « black-out numérique » pendant plusieurs mois.

« Une menace pour les démocraties »

Force est de constater que le tableau dressé par Reporters sans frontières est alarmant pour la profession de journaliste. Mais pas que : « L’hostilité encouragée par des responsables politiques menace les démocraties » s’inquiète RSF. Même les pays nordiques, généralement en tête de classement, « n’en sont pas moins affectés par la détérioration générale ». Seule lueur d’espoir : la Norvège, elle, conserve la première place du classement pour la deuxième année consécutive.

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