L’avis favorable du Comité d’éthique sur la PMA relance le débat

L’avis favorable du Comité d’éthique sur la PMA relance le débat

Ce mardi, le Comité consultatif national d’éthique (CCNE) a rendu un avis favorable à l’accès des femmes seules et des couples de femmes à la procréation médicalement assistée (PMA). Une décision non contraignante pour l’exécutif, mais qui marque un tournant sur un sujet encore clivant.
Public Sénat

Par Alice Bardo

Temps de lecture :

5 min

Publié le

Mis à jour le

L’avis du Comité consultatif national d’éthique (CCNE) sur l’ouverture de la PMA aux femmes seules et aux couples de femmes était attendu depuis février 2013, alors que le débat autour du mariage pour tous faisait rage. La sénatrice EELV Esther Benbassa a eu le temps de déposer deux propositions de loi en ce sens, ainsi qu’un amendement à la loi pour l’égalité réelle entre les femmes et les hommes (2014). « Il était temps de satisfaire à cette demande car elle est légitime », se réjouit-elle.

« J’espère que Macron tiendra sa promesse »

Pour autant, rien n’est acquis. Si les deux tiers du Comité n’ont formulé « aucune opposition à l’ouverture à l’insémination artificielle avec donneur à toutes les femmes », cet avis n’est que consultatif. C’est pourquoi Esther Benbassa « espère qu’Emmanuel Macron tiendra sa promesse, contrairement à François Hollande ». Le leader d’En marche en avait fait l’un de ses engagements de campagne. Reste à savoir s’il aura le courage politique de le concrétiser maintenant qu’il est à la tête de l’État.

La sénatrice PS Catherine Tasca, co-auteur du rapport d’information « Défendre les principes, veiller à l’intérêt des enfants. Quelle réponse apporter au contournement du droit français par le recours à la PMA et la GPA à l’étranger ? » (février 2016), campe sur ses positions : « Je me réjouis que l’avis concernant la GPA soit le maintien de l’interdiction, commence-t-elle. Mais concernant la PMA, on sent bien que le Comité a cherché à avoir un avis balancé, donc il a l’ouvert à toutes les femmes. »

La filiation paternelle, « un problème de fond »

Selon elle, le « problème de fond » d’une telle ouverture reste celui de la filiation paternelle, « qui n’est pas reconnue » dans le cadre d’une PMA pratiquée par une femme seule ou au sein d’un couple de femmes. Une question qui ne se pose pas en l’état actuel du droit, puisque la PMA n’est autorisée qu’aux couples hétérosexuels.

Bien qu’opposée à la décision du CCNE, Catherine Tasca combat la position des opposants au mariage pour tous : « Ils manient l’injure, l’excommunication. Ce n’est pas une manière de se positionner sur un problème de société! »  Elle assure n’avoir « jamais nié le problème pour les couples de femmes de leur désir d’enfant », mais estime que cela « ne peut pas conduire à systématiser cette forme de fabrication telle qu’elles le pratiquent. » Peu importe si elles vont à l’étranger pour avoir recours à la PMA, autorisée dans des pays voisins de la France comme l’Espagne, la Belgique, ou encore la Grande-Bretagne. Selon elle, cela relève de la « liberté de conscience de chacune » et, par conséquent, elle « n’envisage pas de moyen d’enrayer un tel mouvement ». « Mais on ne doit on pas l’encourager », ajoute la sénatrice.

Une double discrimination

Esther Benbassa lui oppose l’argument de la double discrimination. D’une part, celle entre les femmes « qui ont les moyens d’aller à l’étranger » pour avoir recours à la PMA et les autres, « plus modestes ». D’autre part, celle entre les couples hétérosexuels et homosexuels. « On est quand même au XXIème siècle, il est temps qu’on réponde à ces demandes ! » La sénatrice EELV soutient qu’il s’agit d’un sujet de société brûlant : «  J’étais à la gay pride ce week-end et c’était le mot d’ordre. » Des milliers de personnes réclamaient en effet « la PMA pour toutes ». L’évolution de la société est d’ailleurs l’un des arguments avancé par le Comité d’éthique, qui constate que « la famille est en mutation » : « Des changements majeurs s’annoncent, notamment dans la façon de concevoir un enfant et de devenir parents », peut-on lire dans son avis.

Quant à l’argument de la filiation paternelle qui serait déniée si la PMA est ouverte à toutes les femmes, la sénatrice EELV répond : « Un projet d’enfant peut se faire entre deux femmes. Il n’y a pas que les pères qui sont dans la filiation. Aujourd’hui, les gens déclarent leur orientation sexuelle et ont droit à vivre leur vie comme ils le pensent. » Les Sages confirment : « Même si tout désir n’a pas vocation à être satisfait, on peut faire confiance au projet des femmes qui souhaitent accéder à la maternité (…). Concevoir un enfant dans un contexte homoparental, par exemple, est un projet longuement réfléchi, concerté ».

L’avis du Comité d’éthique a relancé un débat qui avait déjà fait beaucoup de vagues à l’époque de l’adoption du mariage pour tous.

Dans la même thématique

Paris : illustrations of assize court of Paty s trial
5min

Société

Procès de l'assassinat de Samuel Paty : tous les accusés ont été reconnus coupables

Les deux amis de l’assassin du professeur Samuel Paty, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov, ont été reconnus coupables de complicité d’assassinat et condamnés à 16 ans de réclusion criminelle. Le verdict a été accueilli par des cris et des pleurs de la part de la famille de Naïm Boudaoud, âgé de 22 ans. « Ce soir, c’est la République qui a gagné », s’est félicité Thibault de Montbrial, avocat de Mickaëlle Paty, une des sœurs du professeur assassiné. La cour a également déclaré coupables d’association de malfaiteurs terroriste les deux auteurs de la « campagne de haine « qui ont fait de Samuel Paty une « cible » : Brahim Chnina, 52 ans et le prédicateur islamiste Abdelhakim Sefrioui, 65 ans, ont écopé respectivement de 13 et 15 ans de réclusion criminelle. « J’ai compris que vous avez fait de la politique, pas de la justice », s’est exclamé depuis son box Abdelhakim Sefrioui avant d’être sèchement interrompu par le président, tandis que la famille de Brahim Chnina, très nombreuse sur les bancs du public, éclatait en sanglots et cris de désespoir. Vincent Brengarth, un des avocats d’Abdelhakim Sefrioui, a annoncé aussitôt que son client faisait appel de sa condamnation. Ouadie Elhamamouchi, autre avocat du prédicateur, a estimé que son client était désormais « un prisonnier politique ». « Je me désolidarise de ces propos-là », a cependant nuancé Me Brengarth, montrant des failles dans la défense du prédicateur. Avocat de la compagne de Samuel Paty et de leur fils, présent à l’audience, Francis Szpiner s’est félicité d’un « verdict équilibré ». Le fils de Samuel Paty, âgé seulement de 9 ans, a compris que « justice a été rendue pour son père », a-t-il ajouté. Si le quantum des peines n’est pas très différent de ce que réclamait le parquet, la cour présidée par Franck Zientara a choisi de maintenir l’infraction de « complicité » pour les deux amis d’Abdoullakh Anzorov, un islamiste radical tchétchène de 18 ans, abattu par la police peu après son acte. Les quatre autres accusés, dont une femme, appartenant à la « jihadosphère » qui était en contact avec Anzorov sur les réseaux sociaux, ont également tous été condamnés à des peines de prison ferme ou avec sursis. Pour deux d’entre eux (Ismaël Gamaev et Louqmane Ingar) la cour a retenu l’association de malfaiteurs terroriste tandis qu’elle a déclaré coupable Priscilla Mangel de provocation au terrorisme et Yusuf Cinar d’apologie du terrorisme. La veille de l’attentat, Naïm Boudaoud et Azim Epsirkhanov avaient accompagné Anzorov à Rouen pour y acheter un couteau (pas celui qui a servi à décapiter Samuel Paty) qui sera retrouvé sur la scène de crime. A l’audience, Boudaoud et Epsirkhanov ont répété qu’Anzorov leur avait expliqué que ce couteau était « un cadeau » pour son grand-père. Le jour de l’attentat, le 16 octobre 2020, Boudaoud, le seul sachant conduire, avait accompagné le tueur dans un magasin de pistolets airsoft puis l’avait déposé à proximité du collège où enseignait Samuel Paty. « Volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers » Les deux jeunes gens « avaient conscience de la radicalité » d’Anzorov et qu’il « avait la volonté de s’attaquer à l’intégrité physique d’un tiers », a estimé la cour. Cependant, a souligné le président Zientara, « il n’est pas démontré que (les deux jeunes gens) étaient avisés de l’intention d’Anzorov de donner la mort à Samuel Paty ». Les magistrats du Pnat avaient requis 14 ans de réclusion assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Boudaoud et 16 ans de réclusion également assortie d’une période de sûreté des deux tiers contre Epsirkhanov. La cour n’a cependant pas retenu la période de sûreté des deux tiers à leur encontre. Brahim Chnina, père de la collégienne qui a menti en accusant le professeur d’avoir discriminé les élèves musulmans de sa classe lors d’un cours sur la liberté d’expression où il a présenté une caricature de Mahomet, avait lui posté des messages et une vidéo hostile au professeur dès le 7 octobre. Quant à Abdelhakim Sefrioui, fondateur de l’association (aujourd’hui dissoute) pro-Hamas « Collectif Cheikh-Yassine », il avait qualifié Samuel Paty de « voyou » dans une autre vidéo. Mais rien ne prouve qu’Anzorov avait vu la vidéo d’Abdelhakim Sefrioui, avaient mis en avant ses avocats, ajoutant que leur client n’avait pas rencontré l’assassin de Samuel Paty. « La cour a considéré que (MM. Chnina et Sefrioui) avaient préparé les conditions d’un passage à l’acte terroriste », a indiqué M. Zientara. (Avec AFP)

Le