L’Assemblée vote le budget 2020, à la teinte “gilets jaunes”
Un an après les premières actions des "gilets jaunes", l'Assemblée nationale a voté mardi à une large majorité le projet de loi de finances 2020...
Par Adrien DE CALAN
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Un an après les premières actions des "gilets jaunes", l'Assemblée nationale a voté mardi à une large majorité le projet de loi de finances 2020, tourné vers le pouvoir d'achat avec la baisse de cinq milliards d'euros de l'impôt sur le revenu mais rejeté par les oppositions.
354 députés ont voté pour en première lecture, 191 contre et 16 se sont abstenus sur ce troisième budget du quinquennat, que le Sénat examine à partir de jeudi et qui doit être adopté définitivement d'ici fin décembre.
Sans surprise, la quasi totalité des élus LREM et MoDem ont soutenu ce texte à l'exception de la députée apparentée LREM et abstentionniste Albane Gaillot, alors que Vincent Bru (apparenté MoDem) a voté contre par erreur, indique-t-il. Les députés UDI-Agir se sont partagés entre pour et abstentions et les oppositions ont refusé en bloc un budget qui laisse "filer les déficits" selon la droite et oublie "les pauvres" pour la gauche.
Ce scrutin intervient alors que les "gilets jaunes" viennent de célébrer leur premier anniversaire ce week-end en revenant sur les ronds-points, et dans des manifestations émaillées de violences samedi à Paris.
Ce projet de loi de finances 2020 veut répondre à ce mouvement avec comme mesures phares la réduction de cinq milliards d'euros de l'impôt sur le revenu pour 17 millions de foyers des deux premières tranches, et la poursuite de la suppression de la taxe d'habitation, pour 80% des foyers fiscaux à partir de 2020 et 100% en 2023.
Pour le MoDem Jean-Noël Barrot, cette baisse d'impôts "historique vient redonner de l'air aux classes moyennes asphyxiées par des décennies de matraquage fiscal".
La droite, à l'instar de Véronique Louwagie (LR), dénonce un "renoncement sur la baisse des effectifs de la fonction publique et la réduction des déficits".
A gauche, les critiques se sont concentrées sur le sort des 21 millions de foyers les plus défavorisés, non imposables, et donc pas concernés par la baisse de l'impôt sur le revenu. "La pauvreté explose", a lancé Jean-Luc Mélenchon (LFI).
"La baisse d'impôts concerne la classe moyenne supérieure. Il y a un problème de ciblage", pour l'ancien socialiste François Pupponi (Libertés et Territoires).
- Ambition "verte"? -
Pendant ce marathon budgétaire, les députés de la majorité présidentielle, plus aguerris après deux ans de mandat, ont parfois laissé "battre" le gouvernement, en particulier pour maintenir le prêt à taux zéro, l'une des principales aides à l'achat d'un logement.
"Gilet jaune" manifestant pour le premier anniversaire du mouvement près des Halles à Paris, le 17 novembre 2019
AFP/Archives
Ils ont poussé, comme l'opposition, pour des compensations à la hauteur face à la suppression de la taxe d'habitation, principale ressource des communes. Le gouvernement a promis à plusieurs reprises dans l'hémicycle une "compensation intégrale et durable".
"Si vos électeurs vous reprochent la baisse, faites le moi savoir. (...) Parfois, vous aurez le droit d'empocher les félicitations, parce que c'est ce qu'il va vous arriver", a souri Emmanuel Macron mardi devant l'Association des maires de France, à quatre mois des municipales.
Autre critique, le manque d'ambition "verte" de ce budget. Le projet comprend toutefois des mesures écologiques comme le durcissement du malus automobile, une hausse du gazole pour les transporteurs routiers ou le remplacement du crédit d'impôt pour la rénovation énergétique des bâtiments (CITE) en prime réservée aux ménages modestes.
Trop peu ? "Il faut commencer à enfoncer un coin dans ce pays. On commence à amorcer la pompe de la fiscalité écologique", répond le rapporteur général Joël Giraud (LREM). Mais la prudence est de mise, alors que la hausse des carburants avait été à l'origine de la crise des "gilets jaunes".
En matière écologique toujours, un débat sur l'huile de palme a animé les ultimes discussions budgétaires la semaine dernière. Soutenus par le gouvernement, les députés l'ont dans un premier temps réintégrée à la liste des biocarburants bénéficiant d'un avantage fiscal, décision qui aurait pu bénéficier au groupe Total et sa bioraffinerie de La Mède près de Marseille.
Après un tollé, notamment chez les écologistes, l'Assemblée a fait machine arrière lors d'un second vote.
Le premier vote était "plutôt une forme de maladresse" car "l'ambiance est particulièrement difficile pendant le budget", avec "beaucoup de fatigue", d'après une "marcheuse". Les séances ont débordé cette année encore, avec des amendements en nombre record sur certains crédits.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.
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