Malgré une avancée sur les retraites, avec un retour à la table des discussions avec les partenaires sociaux, « le compte n’y est pas » pour une bonne partie des socialistes, après le discours de politique générale de François Bayrou. Pourtant, « il y avait un accord » avec les ministres, confie le patron des sénateurs PS, Patrick Kanner. Mais le premier ministre s’est montré peu précis, voire maladroit, pour donner le change au PS.
Kanner : « A l’heure où je vous parle, Marie-Noëlle Lienemann n’est plus membre du groupe PS du Sénat »
Par Public Sénat
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Le départ de Marie-Noëlle Lienemann du Parti socialiste, aux côtés d’Emmanuel Maurel, n’est pas sans conséquences pour le groupe PS du Sénat. Car l’ancienne ministre du Logement est sénatrice de Paris. Peut-elle quitter le parti, tout en restant au groupe ? Pour Patrick Kanner, patron des sénateurs PS, la question se pose ouvertement.
« Je n’ai encore reçu aucune demande d’apparentement »
« Du fait qu’elle ait démissionné du PS, à l’heure où je vous parle, Marie-Noëlle Lienemann n’est plus membre du groupe » affirme à publicsenat.fr Patrick Kanner, qui ajoute aussitôt : « Jusqu’au moment où elle demande son éventuel apparentement. C’est ce qu’elle m’a dit il y a quelques jours. Mais je n’ai encore reçu aucune demande » affirme le sénateur du Nord, lundi 15 octobre en milieu de journée. Les sénateurs socialistes devraient encore en débattre demain en réunion de groupe et l’accepter… ou pas.
Le socialiste ne cache pas être « assez furieux » après l’annonce de la démission de Marie-Noëlle Lienemann, samedi lors du Conseil national du PS, et ses « déclarations désobligeantes pour le parti ». « On ne peut pas dire je n’ai pas quitté le PS sous Hollande, être élue le 24 septembre 2017 à Paris sur le collège des sénateurs parisiens, puis quitter le PS » souligne-t-il. Le président de groupe prévient :
« Elle doit tout à cette formation politique, qu’elle considère aujourd’hui comme un canard sans tête. Mais le Kanner a une tête, qui écoute et regarde. Je n’ai pas un tempérament à tendre la joue gauche… »
D’autant que lors des sénatoriales, la réélection de Marie-Noëlle Lienemann, à la quatrième place sur la liste, n’était pas acquise.
Autre enjeu : sa vice-présidence. Marie-Noëlle Lienemann occupe l’une des deux vice-présidences du Sénat qui revient au groupe PS, en raison de la taille du groupe. Après sa démission du PS, le groupe se retrouverait sous-représenté. Mais Patrick Kanner ne peut la démettre de ses fonctions. Les vice-présidents, questeurs et secrétaires du Sénat sont élus dans l’hémicycle par les sénateurs, sur proposition des groupes. Un poste de vice-président impose de présider à tour de rôle les débats dans l’hémicycle. Il donne aussi plus de moyens.
« Le groupe est très partagé »
« J’espère qu’elle aura l’honneur de remettre sa démission de vice-présidente, car elle ne la détient que par la volonté du groupe PS, dans le cadre d’un accord qu’elle a su passer avec Didier Guillaume à l’époque » rappelle au passage Patrick Kanner, selon qui « elle reconnaissait la semaine dernière qu’elle ne pouvait pas la garder. Cela revient de droit à un socialiste encarté ».
De quoi ouvrir les appétits chez les sénateurs socialistes. « Le groupe sera compliqué demain. Il est très partagé » prévient Patrick Kanner. Certains de ses ex-« camarades » attendent de pied ferme l’ancienne responsable du courant de la Gauche socialiste, qu’elle animait dans les années 90 avec un certain Jean-Luc Mélenchon. Elle entend aujourd’hui se rapprocher du leader de la France insoumise pour les européennes, après avoir créé un nouveau parti avec le MRC.
Sollicitée, Marie-Noëlle Lienemann n’a pas souhaité répondre sur ses intentions. La sénatrice ne s’exprimera pas avant demain.
Quitter le groupe ?
Reste le précédent, pas plus tard que la semaine dernière, de la sénatrice Sophie Taillé-Polian. Elle quitte aussi le PS pour rejoindre Génération.s, le mouvement de Benoît Hamon, tout en restant membre du groupe socialiste. « Sophie a fait l’objet d’un vote favorable à une très grande majorité. Elle n’a exprimé aucune insulte à l’égard du PS » fait valoir Patrick Kanner.
Une autre solution, peut-être plus simple et cohérente, se présente pour Marie-Noëlle Lienemann : quitter tout simplement le groupe PS. Elle aurait la possibilité de rejoindre les cinq sénateurs non-inscrits. Mais on l’imagine mal se retrouver aux côtés du seul sénateur FN, Stéphane Ravier. Le groupe RDSE a lui accueilli les écologistes Ronan Dantec ou Joël Labbé, mais il est pour l’essentiel composé de Radicaux, sensibles à la politique d’Emmanuel Macron. Reste le groupe communiste (communiste républicain citoyen et écologiste) qui accueille déjà la sénatrice EELV Esther Benbassa ou Guillaume Gontard, écologiste proche des communistes. Pour Marie-Noëlle Lienemann, dont les positions sur les questions économiques et sociales la rapprochent des sénateurs PCF, ce ne serait finalement qu’anticiper le rapprochement des gauches, au sein d’« un nouveau front populaire », qu’elle appelle de ses vœux.