Peut-on conjuguer éthique, écologie avec le sponsoring des jeux Olympiques de 2024 à Paris? Après le retrait de Total, la polémique sur AirBnb et l'engagement d'EDF, la question divise les candidats dans la capitale à quatre mois des municipales.
"Les JO, c'est l'évènement sportif où les pouvoirs publics sont les plus impliqués, notamment la ville hôte, ce qui conduit à une sensibilité plus importante sur les enjeux d'opinion", constate Jean-François Martins, maire adjoint de Paris chargé des Jeux olympiques.
"Ce sera sûrement l'un des sujets des municipales même s'il n'est pas central", souligne Benjamin Griveaux, candidat LREM.
"La manière dont les JO seront préparés, leurs impacts environnemental et social seront des bons sujets de campagne", abonde l'écologiste David Belliard, candidat d'Europe Ecologie Les Verts à la mairie de Paris.
Pour la première fois depuis cent ans, la capitale se prépare à accueillir le plus grand évènement sportif de la planète avec à la clef, espère-t-on, des créations d'emplois, aménagements de sites, fréquentation touristique en hausse et un rayonnement à l'étranger.
Tout cela aura un coût: 6,8 milliards d'euros, 3 pour les chantiers et 3,8 pour l'organisation dont 1,2 apporté par les sponsors du Comité d'organisation (Cojo) auquel siège Paris. Le Comité international olympique (CIO) apporte quant à lui 1,4 milliard, alimenté notamment par ses propres sponsors.
Le choix de ces entreprises est devenu sensible depuis que la maire, Anne Hidalgo, a poussé le groupe pétrolier Total, jugé trop polluant, à jeter l'éponge en juillet. Alliée aux écologistes, l'édile a fait du respect des accords de Paris sur le climat l'un des enjeux des JO.
- la boîte de Pandore -
L'entrée d'AirBnb parmi les principaux sponsors du CIO jusqu'en 2028 a également fait grincer des dents l'Hôtel de Ville en litige avec le géant américain, accusé de favoriser la pénurie de logements et l'augmentation des prix des loyers dans la capitale. En revanche, l'arrivée d'EDF comme deuxième sponsor du Cojo a été bien accueillie.
"Nous n'avons pas vocation à donner notre bénédiction à chacun des sponsors", relativise Jean-François Martins justifiant le veto sur Total par la particularité "d'une entreprise d’énergies carbonées, symbolique d'un modèle à abandonner". "Mais si une candidature nous pose un problème, on le dit".
"Évidemment, les sponsors des jeux doivent partager les valeurs de développement durable. Et s'il y a bien une entreprise qui fait des efforts en matière de transition écologique, c'est EDF", argue-t-il soulignant également l'aide de l'électricien pour gagner le pari d'un village et de sites olympiques à l'énergie 100% renouvelable.
"Oui, le choix d'un sponsor est stratégique", approuve Pierre-Yves Bournazel, candidat UDI, pour qui le sponsoring de Total ne collait pas avec l'objectif d'exemplarité environnementale de Paris-2024.
En revanche, pour Cédric Villani, député LREM candidat à Paris, "la façon dont le sponsoring de Total a été interrompu pose problème". Il ne comprend pas non plus "pourquoi Mme Hidalgo donne son avis sur un choix du CIO" même s'il souhaite lui aussi "l'application de règles plus dures" contre AirBnb.
Son concurrent LREM Benjamin Griveaux estime lui que ce n'est pas le rôle d'un élu que "de donner des leçons de morale". Quand Total finance le Châtelet ou le Carnavalet, c'est acceptable, mais pas les JO", constate l'ex-porte-parole du gouvernement.
"On pourrait appliquer aux entreprises qui se sont mal comportées des critères plus durs. Moi, j'aurai dit à Total, le ticket d'entrée, c'est pas 100 mais 200 millions. Si on leur claque la porte, ce seront les Parisiens qui paieront", dit-il.
"Tout cela est un jeu de tartuffe", balaye David Belliard. "On nous vend des JO très verts mais (...) avec des sponsors qui ont tous des pratiques socialement ou écologiquement discutables. C'est une opération de +greenwashing+ (écoblanchiment)", dénonce-t-il.
"Anne Hidalgo a ouvert la boîte de Pandore avec ce débat. Elle s'est piégé elle-même et se retrouve face à ses contradictions", estime Gaspard Gantzer, l'ancien conseiller du président Hollande, candidat à Paris. "Aucune entreprise ne sera jamais exempte de reproches. C'est une compétition organisée par le mouvement olympique qui a son éthique. Laissons le travailler", a-t-il conclu.