Jacques Chirac et François Mitterrand, la relation “singulière”
Rarement considéré, parfois humilié, Jacques Chirac a enduré l'ombre de François Mitterrand, notamment lors de la première cohabitation, avant...
Par Paul AUBRIAT, Baptiste BECQUART
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Rarement considéré, parfois humilié, Jacques Chirac a enduré l'ombre de François Mitterrand, notamment lors de la première cohabitation, avant de lui succéder à l'Élysée d'où il avait rendu un vibrant hommage à leur relation aussi contrastée que "singulière".
François Mitterrand devait-il, au moins en partie, son accession à la présidence de la République en 1981 à Jacques Chirac ? L'histoire veut en effet que le candidat du RPR a discrètement fait passer la consigne à ses troupes de voter pour le socialiste au second tour de la présidentielle, contre le sortant Giscard d'Estaing.
Le président socialiste élu, Jacques Chirac devient alors l'adversaire préféré de François Mitterrand, et inversement, tout au long des années 1980.
Tout oppose les deux hommes. Mitterrand, le lettré provincial à la jeunesse droitière, incarnation de la force tranquille de gauche, considère avec difficulté l'agité Chirac, culture immense mais honteuse, vendeur de l'Huma-dimanche à 19 ans, devenu chantre d'une droite post-gaulliste et néo-libérale.
Patron du RPR, Jacques Chirac peine d'abord à se faire entendre dans les premiers mois du mandat présidentiel de M. Mitterrand. Mais, face à l'érosion de la popularité du pouvoir, il s'impose comme chef de l'opposition, jusqu'à remporter les législatives de 1986. M. Mitterrand est contraint de le nommer à Matignon.
Le premier conseil des ministres de cohabitation annonce le ton de deux ans d'enfer pour Jacques Chirac, ambiance glaciale et mépris souverain du président. Le Premier ministre Chirac essuie une première crise institutionnelle lorsque le chef de l'État refuse de signer les ordonnances sur les privatisations.
S'ensuivent les vexations: à une conférence de presse, alors qu'un journaliste pose une question à Jacques Chirac, François Mitterrand s'empare du micro, l'empêche de répondre et affirme que la France n'a "qu'une seule voix", celle du président.
Les candidats à l'élection présidentielle française Jacques Chirac (à gauche) et François Mitterrand (à droite), débattent à la télévision, le 28 avril 1988
AFP/Archives
Le calvaire est parachevé lors du débat d'entre-deux tours de la présidentielle de 1988. "Ce soir, je ne suis pas le Premier ministre et vous n'êtes pas le président de la République, nous sommes deux candidats, à égalité... Vous me permettrez donc de vous appeler Monsieur Mitterrand", lance Chirac. "Mais vous avez tout à fait raison, monsieur le Premier ministre", lui répond son adversaire.
Quelques instants plus tard, Chirac apostrophe: "Pouvez-vous me dire, dans les yeux..." Mitterrand coupe: "Dans les yeux, je vous le dis". Dix jours plus tard, Chirac essuie le pire score de la droite républicaine à une présidentielle, pas même 46%.
- "Un septennat pittoresque" -
Quelques années plus tard, lors d'un mémorable hommage au soir de la mort de François Mitterrand, en janvier 1996, Jacques Chirac peine pourtant à contenir sa tristesse lorsqu'il évoque sa "situation singulière". "Car j'ai été l'adversaire du Président François Mitterrand. Mais j'ai été aussi son Premier ministre, et je suis, aujourd'hui, son successeur. Tout cela tisse un lien particulier, où il entre du respect pour l'homme d'État et de l'admiration pour l'homme privé", poursuit celui qui a été élu président un an plus tôt, et qui décrit une "relation contrastée mais ancienne".
Jacques Chirac peu après son élection à l'Elysée au côté de son prédécesseur François Mitterrand, le 13 mai 1995 au Parc des Princes à Paris
AFP/Archives
Car le duel Mitterrand-Chirac - d'aucuns y ont vu un duo - a pris un tournant inattendu à l'aune des années 90 et de la deuxième cohabitation.
"Chirac a commencé à admirer un homme qui avait battu et impressionné tous les hommes de droite", rappelle Hubert Védrine, secrétaire général de l'Elysée à partir de 1991, selon qui Chirac considérait le socialiste comme "le dernier grand président". Ce dernier reconnaissait pour sa part chez son ancien Premier ministre "quelqu'un qui travaille beaucoup, qui connaît ses dossiers, qui est solide", fait valoir une figure de la mitterrandie, Jean-Louis Bianco.
D'autant que le sphinx de l'Élysée goûte peu son nouveau Premier ministre, Édouard Balladur, qui s'est aventuré sur le terrain diplomatique, pourtant pré carré du président. Quand l'impétueux révèle ses ambitions présidentielles contre son ex-ami de trente ans Chirac, Mitterrand ne cache pas sa préférence pour le Corrézien, non sans une ultime rosserie: il prédit alors "un septennat pittoresque"...
Le président sortant François Mitterrand et le président Jacques Chirac, le 17 mai 1995 à l'Elysée à Paris
AFP/Archives
Bien que réélu, Chirac n'atteint pas la longévité de son prédécesseur à l'Élysée, instauration du quinquennat oblige. Mais l'immense popularité des deux hommes, une fois le pouvoir quitté, les a élevés à des grades semblables au panthéon de la vie politique française.
Alors que François Bayrou souhaite pouvoir avoir le ministre de l’Intérieur sortant dans son équipe, Bruno Retailleau a obtenu les garanties qu’il attendait, selon l’entourage du ministre. Il est prêt à lâcher l’idée d’un grand texte immigration, qui susciterait une levée de boucliers, pour « saucissonner » les sujets via plusieurs propositions de loi. Globalement, les LR sont rassurés et devraient rester au gouvernement.
Alors que le premier ministre a demandé aux partis de se positionner par rapport à l’exécutif selon trois choix, les partis de gauche ne souhaitent pas rentrer pas dans le jeu de François Bayrou. Ils attendent des signaux qui pourraient les amener à ne pas censurer. Mais ils ne les voient toujours pas…
C’est le signe d’ouverture vers la gauche qu’on retient de la réunion, ce jeudi 19 décembre, entre les différents représentants des partis politiques (hors Rassemblement national et La France insoumise) et François Bayrou. Le nouveau Premier ministre propose de remettre en débat la réforme des retraites, pour aboutir à un nouveau compromis avec les partenaires sociaux d’ici septembre. Sans nouvel accord, c’est la réforme adoptée en 2023 qui continuerait à s’appliquer. « Lorsque François Bayrou met tous les représentants de partis et de groupes autour de la table, je pense qu’il envoie un signal d’ouverture qui va le légitimer. Il est conscient de la situation politique inédite et il tend des mains », salue la députée Renaissance Eléonore Caroit, sur le plateau de Parlement Hebdo, au lendemain de la rencontre. « Au lieu d’avoir cette posture de contestation permanente, travaillons ensemble ! » « La première des choses, c’est de suspendre l’application de cette réforme, pour permettre aux 50 000 salariés qui devaient partir en retraite et qui en ont été empêchés cette année de pouvoir le faire », rétorque le sénateur communiste Ian Brossat. Une position partagée par l’ensemble des partis de gauche, à la sortie de la rencontre à Matignon la veille. Tous attendent davantage de compromis de la part du Premier ministre, avant de s’engager à ne pas le censurer. « Pour l’instant, il n’y a absolument rien qui garantisse à François Bayrou d’échapper à une motion de censure, parce que tout ce qu’il dit va dans le sens d’une perpétuation des politiques macronistes menées depuis 7 ans », fustige le sénateur communiste. Une position que dénonce vivement la députée Renaissance : « S’il faut revenir sur cette réforme, s’il y a des choses à améliorer, je suis tout à fait prête à ce qu’on en discute. Mais je pense qu’il faut qu’on arrête de polariser le débat. Au lieu d’avoir cette posture, cette attitude de renfermement et de contestation permanente, travaillons ensemble ! » Ian Brossat dénonce un « déni de démocratie » Ce n’est pas la première fois que le débat des retraites revient sur la table ces derniers mois. À la fin du mois de novembre, La France insoumise avait profité de sa niche parlementaire à l’Assemblée pour introduire une proposition de loi visant à abroger la réforme. Après des débats houleux, le texte n’avait pas pu être voté en raison du trop grand nombre d’amendements déposés par les groupes de la droite et du centre. « Lorsqu’ils ont eu la possibilité de voter aux dernières élections, les Français ont massivement soutenu des partis politiques qui s’engageaient à abroger la réforme. Quand ce sujet a, à nouveau, été débattu à l’Assemblée, les députés macronistes ont pratiqué l’obstruction pour éviter le vote d’une loi d’abrogation », dénonce Ian Brossat. « Si nous étions dans un pays véritablement démocratique, cette réforme serait déjà abrogée », ajoute-t-il, dénonçant un « déni de démocratie ». Une expression qui ne passe pas pour Eléonore Caroit. « C’est une réforme dont l’examen a pris trois semaines, vous pensez qu’elle aurait pu être abrogée dans une niche parlementaire ? C’est fantaisiste », fustige la députée. De son côté, François Bayrou a répété sur le plateau de France 2 après la rencontre à Matignon, qu’il était ouvert à une autre solution que le report de l’âge de départ de 62 à 64 ans pour financer le système des retraites. Le nouveau Premier ministre a notamment rappelé qu’il avait été « un militant de la retraite à points ».
Les chefs de partis et de groupes parlementaires étaient reçus à Matignon par François Bayrou, qui promet de former un gouvernement « avant Noël ». Une rencontre dont les socialistes, écologistes et communistes ressortent sans avoir « trouvé de raison de ne pas censurer » le nouveau Premier ministre, rapporte Olivier Faure.