Le gouvernement peut se réjouir de « concrétiser un engagement de campagne présidentielle », comme l’avait appelé de ses vœux le ministre de l’Éducation avant le début de l’examen de la proposition de loi sur l’interdiction des téléphones portables à l’école. Ce lundi, les sénateurs ont en effet adopté à main levée le texte, qui va désormais faire l’objet d’une commission mixte paritaire afin de trouver une version commune aux deux chambres.
« Servir de caution à la communication du gouvernement »
Interdiction du portable : Claudine Lepage dénonce un coup de com' du gouvernement
« On demande une fois de plus au Parlement de servir de caution à la communication du gouvernement et de sa majorité », a déploré la sénatrice socialiste Claudine Lepage. Selon elle, « les établissements scolaires n’ont pas attendu cette proposition de loi pour remédier aux ravages de l’utilisation des téléphones ». D’autant qu’il existe déjà un texte de loi à ce sujet : l’article L511-5 du Code de l’éducation, introduit en 2010 par loi Grenelle II, qui dispose de l’interdiction de l’utilisation du portable durant les heures d’enseignement, dans les lieux prévus par le règlement intérieur des établissements scolaires, a rappelé Jean-Michel Blanquer en début de séance.
Le ministre de l’Éducation pointe toutefois que le texte ne permet pas d’ « interdiction générale et absolue » et place ainsi les établissements et les enseignants dans une certaine insécurité juridique lorsqu’ils confisquent leurs appareils aux élèves.
Jean-Michel Blanquer satisfait de la PPL sur l'interdiction du portable à l'école
« Substitution du régime d’autorisation à un régime d’interdiction »
Mais pour Pierre Ouzoulias, qui dénonce un « lit de justice », la rédaction de l’article L511-5 est « sans ambiguïté » et il n’était donc pas nécessaire de légiférer. « Cette proposition de loi ne sert à rien » renchérit Claudine Lepage. Et d’ajouter : « Loin de simplifier la tâche des établissements, ce nouveau dispositif inverse la logique et va complexifier la mise en place de règles claires : l’utilisation ne sera pas plus interdite là et quand le règlement intérieur des établissements le prévoira, mais elle sera au contraire permise là et quand le règlement le prévoira. »
Un « changement de paradigme avec substitution du régime d’autorisation à un régime d’interdiction assorti d’exceptions » que reconnaît également Antoine Karam. Mais le sénateur LREM de la Guyane estime quant à lui que le cadre juridique actuel est « défaillant » car le « principe de liberté d’utilisation demeure la règle » alors que les enjeux éducatifs, de vie scolaire et de sociabilité comme les risques d’incivilités et de cyberharcèlement sont grands.
L’usage du portable à des fins pédagogiques rejeté
Antoine Karam n’émet qu’une seule objection au texte, qui concerne les exceptions à cette interdiction. Le sénateur plaide en effet pour le rétablissement de l’exception autorisant l’usage du portable dans un cadre pédagogique, supprimé par la commission de la culture du Sénat. Un amendement validé par le ministre de l’Éducation, mais rejeté par une majorité de ses confrères sénateurs. « Tous les territoires ne sont pas logés à la même enseigne. Lorsqu’il n’y a pas d’équipements, les professeurs demandent aux élèves de sortir leur portable », s’était-il pourtant justifié.
Antoine Karam plaide pour l'autorisation de l'usage du portable à des fins pédagogiques
Seul point d’accord entre les sénateurs : l’extension de l’interdiction du téléphone portable aux lycées. Un apport de la commission de la culture du Sénat, validée jusque dans les rangs des socialistes qui, pourtant, avaient déposé une motion visant à signifier leur désapprobation d’un texte « inutile ».