Inflation : la France est-elle moins exposée que ses voisins européens comme l’affirme Bruno Le Maire ?

Inflation : la France est-elle moins exposée que ses voisins européens comme l’affirme Bruno Le Maire ?

À l’occasion de la passation de pouvoir entre Olivier Dussopt et Gabriel Attal ce samedi 20 mai, le ministre de l’Economie en a profité pour défendre le bilan de l’exécutif. Dans une Europe frappée par le spectre de l’inflation, « n’oublions pas qu’en France, nous avons le taux […] le plus faible de toute la zone euro », a indiqué Bruno Le Maire. Une affirmation devenue un argument de campagne électorale.
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Pour Bruno Le Maire, l’inflation est « le premier défi politique et économique » du gouvernement Borne. Le ministre a reconnu que la hausse des prix constitue un risque pour le pouvoir d’achat des Français. Selon l’ancien député, l’inflation est « une charge financière lourde, difficile et angoissante pour des millions de nos compatriotes, qui fragilise les ménages et alourdit les factures des entreprises. » Malgré ce constat de flambée des prix, Bruno Le Maire a jugé que le taux d’inflation en France est bien inférieur aux pays voisins. « Une inflation à 5 %, c’est toujours trop. […] Mais cette inflation est de 8 % en Allemagne, près de 9 % en Espagne et de plus de 11 % aux Pays-Bas. Grâce aux mesures voulues par le président de la République, notre taux d’inflation est l’un des plus bas de la zone euro. »

La France, la bonne élève de l’UE

Le spectre de l’inflation est bel et bien de retour. Les prix à la consommation continuent de flamber depuis la crise Covid. « Après une inflation atone et très basse en 2020, les prix se sont envolés en 2021 et 2022 du fait de la situation sanitaire et de la guerre en Ukraine », souligne, Stéphanie Villers économiste. L’inflation est au plus haut en Europe depuis 2008. En France, l’inflation a franchi les 5,4 % sur un an en avril 2022 selon l’INSEE. Cette progression est commune à tous les Etats membres de l’Union européenne (UE). D’après Eurostat, l’inflation en UE s’est située à 8,1 %. « L’ampleur du phénomène n’est pas identique selon le pays, l’Europe de l’Est est confrontée à une inflation record », explique Stéphanie Villers. L’Estonie caracole en tête du classement des pays les plus touchés par la hausse des prix et affronte une inflation de 19,1 % en avril sur un an. La Tchéquie fait face à une inflation de 13,2 %, 12,1 % en Bulgarie et 11,4 % en Pologne. La France est donc confrontée à un taux beaucoup moins élevé que les autres Etats membres (5,4 %) et fait mieux que ses voisins. L’inflation atteint les 8,3 % en Espagne, 11,2 % aux Pays-Bas, 7,8 % en Allemagne ou encore 6,3 % en Italie. Seule Malte fait mieux.

Pour l’économiste Stéphanie Villers, ces variations entre les pays européens ont des origines multiples. « La guerre en Ukraine a fait exploser les prix des énergies. Les pays d’Europe de l’Est sont grandement dépendants des hydrocarbures russes et se sont retrouvés directement impactés. La France, du fait de son mix énergétique ‘équilibré’et composé à 40 % de l’énergie nucléaire, se retrouve moins impactée par l’évolution des prix du marché. » Même constat dans le domaine agricole, « la France est autosuffisante et conserve une autonomie alimentaire. Paris n’est pas directement dépendante de la production agricole russe ou ukrainienne. » Il en est de même dans le secteur industriel et du commerce, contrairement à l’économie allemande plus mondialisée et donc dépendante des chaînes d’approvisionnement. La France est moins impactée par le choc d’offre imposée par le Covid et les problèmes d’approvisionnement. Autre question qui préoccupe tous les économistes : les niveaux de prix constatés sur les étals des supermarchés vont-ils durer ? « Il est possible que ces prix élevés se normalisent malgré une fin possible de la guerre en Ukraine. Nous allons devoir nous y habituer », explique Stéphanie Villers.

Protéger les ménages face au spectre de l’inflation

La réponse nationale du gouvernement français face à la crise a contribué selon Stéphanie Villers a limiter l’impact. « La France a mis en place plusieurs mesures à destination des ménages afin de protéger le pouvoir d’achat et de contenir la flambée des prix des hydrocarbures », explique-t-elle et cite notamment le bouclier tarifaire sur l’électricité ou la remise de 15 à 18 centimes par litre de carburants. Le gouvernement s’est engagé à poursuivre son action afin d’atténuer la flambée des prix notamment avec la présentation du premier projet loi du nouveau quinquennat consacré au pouvoir d’achat. Ce projet de loi de finances rectificative traduira les engagements pris par Emmanuel Macron pendant la campagne présidentielle : prolongation du bouclier tarifaire, chèque alimentation, revalorisation des prestations sociales… Le texte devrait être étudié par la nouvelle Assemblée nationale dans la foulée de son élection en juillet.

Au niveau européen, face à l’inflation galopante, la Banque Centrale (BCE) s’apprête à sortir des taux d’intérêt négatifs, une mesure incitative exceptionnelle signifiant que les banques qui laissent dormir leur argent au guichet de la BCE ou des autres banques centrales, doivent s’acquitter d’une commission auprès de l’institution, un moyen de stimuler l’activité économique, la consommation et maîtriser in fine les prix. La première remontée devrait être décidée en juillet, a expliqué Christine Lagarde. « Sur la base des perspectives actuelles, nous serons probablement en mesure de sortir des taux d’intérêt négatifs d’ici la fin du troisième trimestre », a indiqué la directrice de la BCE.

 

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