Suite à trois recours déposés contre le choc des savoirs, dont un par la sénatrice écologiste Monique de Marco, le rapporteur public du Conseil d’Etat demande d’annuler la mise en place des groupes de niveau au collège, soit le cœur de la réforme portée par Gabriel Attal. S’il faut encore attendre la décision du Conseil d’Etat, son avis pourrait être suivi.
Immigration : le titre de séjour pour les professionnels de santé, un affichage politique ?
Par Clara Robert-Motta
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C’est la face B du projet de loi sur l’immigration dévoilé mardi 20 décembre. Si le texte vise à augmenter les expulsions d’étrangers en situation irrégulière, le gouvernement a décidé d’inclure un volet intégration. Réclamée par le patronat, la création d’un titre de séjour « métiers en tension » doit répondre aux secteurs en pénurie de main-d’œuvre. Et dans ces secteurs, on pourra désormais compter les professionnels de santé.
Le texte porté à la fois par le ministre du Travail et celui de l’Intérieur précise que la carte pluriannuelle (d’un à quatre ans) dénommée « Talent - professions médicales et de pharmacie » ne concernerait que les médecins « quelle que soit leur spécialité », les sages-femmes, les chirurgiens-dentistes et les pharmaciens.
Élisabeth Doineau, sénatrice de la Mayenne et rapporteure générale de la commission des affaires sociales, voit plutôt d’un bon œil la proposition du gouvernement. « Les professionnels de santé étrangers sont d’un grand secours pour la France. Sans eux, nous serions encore plus en difficulté. » En 2017, 41 763 médecins nés dans un pays autre que la France exercent en activité régulière. Et cette part va en grandissant : les nouveaux inscrits ayant obtenu leur diplôme à l’étranger représentaient 13,9 % en 2021 contre 15,7 % en 2022.
Si la sénatrice centriste reconnaît que le système de santé français repose pour une partie sur les travailleurs étrangers, elle s’inquiète de la portée éthique. « La pénurie de médecins et d’infirmiers se retrouve dans les autres pays. En asséchant les pays d’où ils viennent de leurs professionnels de santé, n’a-t-on pas une responsabilité morale ? »
Des conditions d’accès restreintes
Au-delà de ces considérations, la portée de cette mesure pourrait être limitée en France. Tout d’abord, les conditions sont restrictives : il faut que le professionnel de santé ait été recruté par un établissement en amont, qu’il ait exercé une activité professionnelle salariée dans le secteur « depuis au moins huit mois sur les vingt-quatre derniers mois » et qu’il vive en France depuis au moins trois ans. Les agences régionales de santé devront également donner leur autorisation.
Alors que l’exécutif justifie cette proposition par des difficultés d’embauche de ces praticiens étrangers « faute de titre de séjour répondant pleinement à la spécificité de ces situations », la sociologue Francesca Sirna remet les points sur les I. « Le premier problème que rencontrent ces ressortissants étrangers est la non-reconnaissance de leur diplôme, pas l’accès à un titre de séjour. »
La moitié des médecins étrangers viennent de hors Union européenne
En 2014, presque la moitié des médecins à diplôme étranger exerçant en France provenaient de l’Union européenne, et l’autre extra-européen. « Il est généralement moins compliqué pour les praticiens avec un diplôme européen d’avoir une reconnaissance de leur diplôme, explique Francesca Sirna, chargée de recherche en sociologie des migrations dans le Centre Norbert Elias du CNRS. Les extra-européens qui n’arrivent pas toujours à les avoir sont souvent gardés à des postes précaires. » Ils peuvent par exemple être embauchés comme faisant-fonction d’interne, assistant associé ou encore praticien associé - des contrats au renouvellement court et moins bien rémunérés.
« Cette proposition est un affichage politique qui permet au gouvernement de justifier d’une action pour « résoudre » la pénurie de personnel de santé », continue Francesca Sirna. Pour la sociologue, l’argument de l’intégration est fallacieux car la durée de validité du titre de séjour, qui pourrait être mis en place, est d’un à quatre ans. « Cela reste des contrats précaires. Il s’agit plutôt de dire ‘on a besoin d’eux, on les utilise’, mais ce n’est pas de l’intégration. »
Si la mesure est adoptée dans le projet de loi qui sera examiné au Parlement au début 2023, la délivrance de ce titre doit entrer en vigueur « à titre expérimental » jusqu’au 31 décembre 2026, après quoi un bilan en sera transmis au Parlement.