Hulot: une communication nouvelle à l’heure du “mouvement de fond” #metoo, selon un expert

Hulot: une communication nouvelle à l’heure du “mouvement de fond” #metoo, selon un expert

Le choix de Nicolas Hulot de démentir jeudi des accusations d'agression et de harcèlement sexuels avant même leur publication...
Public Sénat

Par Paloma SORIA BROWN

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Le choix de Nicolas Hulot de démentir jeudi des accusations d'agression et de harcèlement sexuels avant même leur publication illustre la "situation nouvelle" à laquelle sont confrontés les politiques à l'heure du "mouvement de fond" #metoo, estime l'historien des médias Christian Delporte.

QUESTION: En tant que spécialiste de communication politique, comment jugez-vous la stratégie de communication de Nicolas Hulot?

REPONSE: "Ce qui est surprenant est qu'il ait pris les devants, sans doute parce que le journal (Ebdo) l'a contacté, et la meilleure façon de désamorcer une bombe, c'est de s'exprimer tout de suite. Tout le monde aujourd'hui parle d'Ebdo, mais personne n'a lu ce qu'il va publier (vendredi). On ne sait pas quelle est la teneur des accusations et demain quand on parlera de l'affaire, on l'aura déjà entendue. De ce point de vue, la stratégie de Nicolas Hulot est donc plutôt habile.

En matière de communication, il faut réagir très vite, jamais changer de position une fois qu'on s'est exprimé et jouer la transparence puisque sinon on va chercher toutes les failles et ça peut se retourner contre vous. On doit immédiatement montrer sa bonne foi pour que ça n'ait pas de conséquence sur l'opinion publique.

Ce qui ne fonctionne pas, c'est de mentir. On ne le pardonne pas dans l'opinion. C'est ce qui s'est passé avec François Fillon, qui dans un premier temps s'est tu, ensuite a avoué, ensuite est allé sur un plateau de télévision. Donc il ne s'est pas exprimé tout de suite.

Là, c'est dans les tuyaux depuis une semaine et c'est une communication très scrupuleusement constituée."

Q: Emmanuel Macron s'est montré catégorique face aux affaires concernant François Bayrou et Richard Ferrand, mais a écarté toute démission de Nicolas Hulot. Pourquoi ?

R: "D'abord, la place occupée par Nicolas Hulot est une place maîtresse du gouvernement, la prise de guerre d'Emmanuel Macron. Il est le ministre le plus populaire. Plus que son activité politique, c'est un symbole de la +macronie+.

Ensuite, les affaires concernant François Bayrou et Richard Ferrand, ce n'est pas exactement la même chose. La +République exemplaire+, personne n'avait prévu qu'elle pourrait se focaliser sur des problèmes sexuels. Elle était liée plutôt aux rapports entre la politique et l'argent. La situation est nouvelle pour tout le monde."

Q: Comment expliquez-vous que la frontière entre sphère publique et sphère privée tende ainsi à disparaître?

R: "Dans les années 1980, les politiques se servaient de leur vie personnelle à des fins de communication. La presse séparait strictement ce qui relevait de la vie privée de ce qui relevait de la vie publique. La presse people se limitait à ce que les politiques voulaient bien dire, le reste, cela circulait dans les rédactions, comme l'affaire Mazarine.

Même protégée par la loi, la vie privée est de plus en plus exposée dans la presse. Il y a une forme d'+américanisation+. Les politiques ne maîtrisent plus la communication sur leur vie privée. L'affaire de Hollande et du scooter a fait considérablement changer les choses. Depuis, les politiques utilisent de moins en moins leur vie privée.

Aujourd'hui, avec #metoo et #balancetonporc, il y a un mouvement de fond qui leur échappe complètement. Évidemment, ils ne l'avaient pas prévu. Les questions sont un peu nouvelles puisqu'elles touchent à des comportements personnels, contrairement à avant, où il s'agissait d'affaires plutôt politico-financières."

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