Les réseaux sociaux ne sont « pas des espaces hors sol », « tout ce qui est publié « doit répondre aux lois de la République » a martelé Édouard Philippe ce lundi lors de la présentation du nouveau plan gouvernemental contre le racisme et l’antisémitisme (voir notre article).
Avant même de « proposer une initiative législative européenne », le Premier ministre annonce vouloir changer « le cadre juridique (français) qui date des années 2000 » et qui fait « qu’aujourd’hui, il est plus facile de retirer une vidéo de retransmission en direct d’un match de football sur les réseaux sociaux qu’une atteinte antisémite ou raciste ».
Cette mission a été confiée à l'enseignant franco-algérien Karim Amellal, à la députée LREM Lætitia Avia et au vice-président du Crif (Conseil représentatif des institutions juives de France) Gil Taïeb.
Cinq associations ont déjà pris les devants. SOS Racisme, la Ligue internationale contre le racisme et l'antisémitisme (Licra), L'Union des étudiants juifs de France (UEJF), J'accuse ! et le Mouvement contre le racisme et pour l'amitié entre les peuples (MRAP) ont transmis, il y a quelques jours, une petite dizaine de mesures pour lutter plus efficacement contre la diffusion de propos haineux sur internet.
L’obligation pour les hébergeurs d’avoir un « représentant physique » en France
La première d’entre elles consiste à imposer aux hébergeurs non-établis sur le territoire français (Facebook, Twitter), l’obligation de désigner « un représentant local, une personne physique, résidant sur le territoire français ». En effet, les associations notent qu’en matière de contenus à caractère raciste, antisémite, négationniste ou discriminatoire, la loi du 29 juillet 1881 ne permet d’engager que la responsabilité de personnes physiques et non celle des personnes morales. « L’hébergeur est responsable du contenu, mais le problème, c’est que faute d’un représentant légal, on a du mal à faire appliquer la loi » relève Me Stéphane Lilti, avocat de l’UEJF.
De cette manière, la présence d’un représentant légal sur le territoire français permettrait de le tenir responsable sur le plan civil et pénal, faute de retrait d’un contenu manifestement illicite dans un délai raisonnable qui pourrait correspondre à 48H.
Faciliter la fermeture de comptes qui diffusent des messages de haine
Dans un second temps, l’État veut faciliter la « fermeture des comptes ayant diffusé de manière massive et répétée » des messages de haine. Une mesure qui nécessite pour l’hébergeur « d’accomplir de meilleurs efforts pour recueillir et vérifier les éléments d’identification » notent les associations. Mais aussi, sous peine de sanction pénale, de fermer le compte « sans délai, dès lors qu’il apparaît que les éléments fournis ne permettent pas l’identification réelle et effective de l’auteur ».
Le gouvernement a également annoncé qu’un dispositif de « pré-plainte en ligne » élargi aux discriminations, aux infractions de provocation à la discrimination, diffamation et injures racistes sera expérimenté au second semestre de cette année. « On étend au droit de la presse un dispositif qui existe déjà dans d’autres domaines. Par exemple, la « pré-plainte en ligne » existe déjà en matière de cambriolage » explique Me Stéphane Lilti. Actuellement, pour que la connaissance d’un fait litigieux soit présumée acquise par un hébergeur, il faut qu’une lettre recommandée lui soit adressée.
« Ce plan de lutte contre le racisme et l’antisémitisme n’épuise pas non plus la responsabilité des autres ministères en la matière » considère Dominique Sopo, président de SOS Racisme. « Le racisme ce n’est pas seulement désagréable à entendre, ça a aussi des conséquences sur la vie des gens. Ça s’appelle la discrimination ». Raison pour laquelle, Dominique Sopo plaide, notamment, pour la mise en place d’un récépissé lors de contrôle d’identité, ou encore pour la création à Paris d’un espace sur la mémoire de l’esclavage.