Alors que François Bayrou vient d’annoncer la composition de son gouvernement, l’exécutif peut enfin se mettre au travail, estiment les représentants du bloc central au Sénat. Pour cela, il faudra composer avec le Parti Socialiste tout en ménageant LR qui conditionne encore son soutien au gouvernement. Une tâche périlleuse.
Grève: comment “lâcher du lest” sans battre en retraite
Par Gabriel BOUROVITCH
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Au premier jour d'une grève massive contre sa réforme des retraites, l'exécutif réfléchit à d'ultimes arbitrages pour la rendre acceptable, après avoir écouté les doléances des syndicats, reçus une dernière fois cette semaine par le haut-commissaire Jean-Paul Delevoye.
Pas d'économies immédiates
Emmanuel Macron en a fait un principe: le futur "système universel" censé remplacer les 42 régimes existants devra être "équilibré financièrement" dès le départ.
Pour remettre les compteurs à zéro, il faudrait combler un déficit de 8 à 17 milliards à l'horizon 2025, selon les projections du Conseil d'orientation des retraites.
Et les options sont limitées: l'exécutif ne veut ni augmenter les cotisations ni baisser les pensions ni relever l'âge légal de départ.
Reste donc l'option d'un allongement de la durée de cotisation, dont la CFDT ne veut pas entendre parler. "C'est niet", balaie son secrétaire général Laurent Berger, qui prévient que le premier syndicat français "se mobilisera" si cette piste était finalement retenue.
Le sujet irrite aussi la CFTC, pour qui "s'il n'y pas de mesure paramétrique, ce serait déjà pas mal", selon sa vice-présidente Pascale Coton.
Une "clause du grand frère"
Le chef de l'Etat avait promis avant son élection que sa réforme ne concernerait pas "ceux qui sont à moins de 5 ans de la retraite".
A l'opposé, les cheminots de l'Unsa et de la CFDT demandent qu'elle ne s'applique qu'aux nouveaux entrants à la SNCF.
Une "clause du grand-père" jugée "impossible" par M. Delevoye car, "si on la fait pour une profession, il faut la faire pour tout le monde".
"La généraliser serait un renoncement", acquiesce Frédéric Sève, secrétaire national de la CFDT.
"Entre ces deux extrêmes, on doit pouvoir trouver le bon curseur", veut croire le Premier ministre, Edouard Philippe.
En guise de compromis, le numéro un de l'Unsa, Laurent Escure, propose une "clause du grand frère" qui "protégerait tous les régimes" pour les 10 à 15 prochaines années.
Des "garanties" ciblées
Le président de la République admet que "certaines professions" pourraient être "lésées" par sa réforme, notamment les personnels hospitaliers et les enseignants.
Face à l'ampleur de la mobilisation dans l'Éducation nationale, le ministre Jean-Michel Blanquer assure que "les pensions ne baisseront pas". Mais l'Unsa exige "des garanties de revalorisation pour les profs". Des gages que le Premier ministre s'est "engagé à inscrire dans la loi", sans toutefois évoquer la question salariale.
A la SNCF et à la RATP aussi, les personnels attendent "des compensations pour ne pas y perdre", même si "le sujet est plutôt celui de l'âge de départ", observe M. Sève, qui juge que le gouvernement "a intérêt à lâcher du lest" sur ce point.
Il l'a déjà fait pour les policiers et les contrôleurs aériens, assurés de conserver leur droit à un départ anticipé à 57, voire 52 ans. Un statu quo envié par d'autres, comme les chauffeurs routiers. "Chacun a ses propres revendications", souligne Michel Beaugas, secrétaire confédéral de Force ouvrière.
Un effort sur la pénibilité
M. Macron "n'adore pas ce mot" qui "donne le sentiment que le travail serait pénible".
Les syndicats l'exhortent pourtant à se faire violence: l'Unsa veut une "prise en compte de la pénibilité quel que soit le secteur d'activité ou le statut", la CFTC souhaite "maintenir sa reconnaissance en donnant des points supplémentaires" et la CFDT veut l'étendre à davantage de salariés.
"C'est évident qu'on l'élargit", juge M. Sève, qui espère à la fois "modifier les seuils", en particulier pour le travail de nuit, et réintégrer les quatre critères supprimés du "compte pénibilité" originel (postures pénibles, port de charges lourdes, vibrations, risque chimique).
"Sinon les pilotes de lignes auront droit au travail de nuit mais les maçons n'auront rien", résume-t-il.
Sauf que M. Philippe s'est seulement montré ouvert à "évoluer" sur "certains sujets" dont le travail de nuit, sans "refondre complètement un système" qu'il avait en partie vidé de sa substance au début du quinquennat.
"A partir du moment où ils ont modifié ce régime, il y a moins de solutions", constate, un brin amer, un des architectes du "compte pénibilité".