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Grand Paris Express : Un pari(s) gagnant pour tous ?
Par Marie Oestreich
Publié le
Le 29 avril 2009, Nicolas Sarkozy inaugurait l’exposition « Le Grand Pari(s) » à la Cité de l’architecture et du patrimoine. On a pu alors découvrir le projet d’un réseau de transport d’envergure : Le Grand Paris Express, métro automatique qui desservira l’Ile-de-France de banlieue à banlieue, sans passe par la capitale. Objectif : désaturer le centre de Paris. Pour Thierry Dallard, président de la Société du Grand Paris, le Grand Paris Express va « faciliter les parcours et effacer les barrières » du réseau de transport actuel pour les Franciliens. Autre ambition : faire rayonner encore plus Paris à l’international. Mais cela implique de redessiner la capitale et modifier la vie et les habitudes de millions d’habitants.
Mais au fond, sait-on ce que veulent les Franciliens ? Creuser un métro et faire pousser des gares dans un secteur urbanisé tel que celui de Paris signifie aussi travaux à long terme, expropriations, relogements, et explosion des prix de l’immobilier…
Que veulent les Franciliens ?
La question des expropriations, tout d’abord. A l’échelle de Paris le chiffre parait faible, mais il faudra tout de même reloger « 200 familles » dans le cadre du projet. Un chiffre que nous confirme Bernard Cathelain, membre du directoire de la Société du Grand Paris. Pour le sénateur Vincent Delahaye, maire de Massy pendant 22 ans, cette situation n’a rien d’insurmontable : « Je ne dis pas qu’on a exproprié 200 logements à Massy, mais on en a exproprié pas mal, et bien entendu en amont, […] il faut traiter les problèmes humains ».
Bernard Cathelain de la Société du Grand Paris : « Ce projet n’est pas sorti sur des cahiers de technocrates, il a fait l’objet de grands débats. »
Informer les habitants concernés est donc fondamental. Pour Bernard Cathelain les Franciliens ont été entendus sur le projet : « Ce projet n’est pas sorti sur des cahiers de technocrates, il a fait l’objet de grands débats. ». Un grand débat public entre 2010 et 2011 et plusieurs phases de concertation, avant de creuser les premiers tunnels. Mais Jacqueline Lorthiois, urbaniste spécialisée dans les relations emplois – main-d’œuvre – territoire, se dit « critique » sur le projet. Pour cette spécialiste qui part du principe qu’« un bon transport est un transport qu’on ne prend pas », la question de l’utilité pour les habitants de ce super métro est posée. À Aubervilliers, les populations « vont bosser à Paris et n’ont que le périphérique à traverser » et ils n’ont pas besoin « d’un réseau qui relie Est-Ouest ». Elle pointe du doigt une incohérence avec la demande des habitants. Et ce n’est pas la seule ville concernée.
Paris, capitale égoïste ?
« On se finance, nous en Ile-de-France, un super métro à 35 milliards et dans le reste de la France on réduit l’offre de TGV et de petites lignes ».
Pour Olivier Razemon, journaliste spécialiste des questions de transports, le problème est plus large : « l’hypercéphalie francilienne » sera accentuée par le Grand Paris Express. Ne va-t-on pas encore plus enclaver les villes moyennes ? « On se finance, nous en Ile-de-France, un super métro à 35 milliards et dans le reste de la France on réduit l’offre de TGV et de petites lignes ». Pour lui, les enjeux du Grand Paris Express doivent devenir « un débat national » que tous les Français s’approprient. L’élu local du plateau de Saclay Vincent Delahaye y voit plutôt une opportunité : « Ce n’est pas uniquement bon pour la région Ile-de-France, c’est bon pour toute la France qu’on ait une capitale et une métropole qui se développent bien », pour faire face à la concurrence internationale.
Le Grand Paris ne se fera pas en un jour
Autre sujet délicat : La question des délais. De nombreux chantiers prennent du retard, à l’image de celui de la Défense, dont la fin des travaux est annoncée dans 17 ans. Des retards qui s’enchaînent et ont tendance à irriter les habitants touchés par les travaux : Faut-il déménager ? Vendre ? À quel prix ? Des questionnements légitimes pour Bernard Cathelain : « C’est vrai qu’on avait un programme qui était au départ extrêmement ambitieux en termes d’échéances […] ce qui a entraîné une surchauffe ». La fin du projet est désormais reportée à 2030, et la partie du Grand Paris express qui devait être prête pour les JO de 2024 semble avoir du retard. Pour Bernard Cathelain, c’est un projet inédit et techniquement compliqué : « Je ne pense pas qu’il y ait beaucoup de précédents dans le monde » où on a implanté 200 km de lignes « dans un secteur aussi urbanisé avec les difficultés techniques que ça représente ». Mais le membre du directoire le promet : les délais seront tenus. Mais avec un budget qui est passé de 19 à 35 milliards d’euros, on peut se demander si Paris n’a pas eu les yeux plus gros que le ventre.