Histoire du vol : Arnaud-Dominique Houte rafle le Prix du Sénat du livre d’histoire

Histoire du vol : Arnaud-Dominique Houte rafle le Prix du Sénat du livre d’histoire

À l’occasion de l’attribution du Prix du Sénat du livre d’histoire, Guillaume Erner reçoit dans Livres & Vous le président du jury, Jean-Noël Jeanneney, et le lauréat 2021, Arnaud-Dominique Houte, pour son ouvrage « Propriété défendue : La société française à l’épreuve du vol, XIXe et XXe siècles », publié aux éditions Gallimard.
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Par Victor Missistrano

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« Faire l’histoire du vol, c’est faire l’histoire de la société ». Voilà l’ambition de l’historien Arnaud-Dominique Houte qui présente son ouvrage comme un « moyen de comprendre ce qui réunit et divise la société française ».

Pour le jury du Prix du Sénat du livre d’histoire, son essai s’élève largement à la hauteur de cette exigence. « Un bon livre éclaire sur les équilibres et déséquilibres d’une société, et donne cette profondeur de champ dont nous avons tellement besoin » résume son président, Jean-Noël Jeanneney.


Des gendarmes aux voleurs

Dans son livre, le lauréat Arnaud-Dominique Houte rappelle ces débats qui traversent les âges. Comment se constitue puis s’effrite une « civilisation du vol ? », écrit-il au moment d’engager son récit. Après avoir travaillé sur l’histoire de la gendarmerie dans de précédents ouvrages, l’auteur a choisi de se placer de l’autre côté. « Une tentation de passer des gendarmes aux voleurs ; une mauvaise pente, peut-être… », glisse-t-il avec malice, pour justifier son entreprise.

Le livre montre très bien qu’il y a un tournant au milieu du XXe siècle sous l’effet de la société de consommation.

Mais pourquoi se pencher précisément sur le XIXe et le XXe siècle ? Parce que c’est au cours de ces périodes que deux évolutions majeures vont modifier les caractéristiques du vol. Le renforcement de la propriété alors que « la Révolution française consacre la propriété comme une valeur fondamentale », et la question matérielle car comme l’explique le lauréat : « plus on avance au XXe siècle, plus la société devient une société de consommation ». Approbation de Jean-Noël Jeanneney : « Le livre montre très bien qu’il y a un tournant au milieu du XXe siècle sous l’effet de la société de consommation ».

Objets volés, miroir d’une société

Arnaud-Dominique Houte ôte également un certain nombre d’idées reçues autour de la délinquance. A commencer par celle selon laquelle les plus riches seraient les plus ciblés : « Le vol typique, au XIX et XXe siècle, c’est celui qui a lieu dans les logements ouvriers mal protégés, dont les serrures sont fragiles ou inexistantes ».

Le lapin, c’est ce qu’on vole le plus au XIXe siècle

« Ce livre est plein d’études de cas. On y observe un art de se saisir des épisodes », renchérit le président du jury. Les petites histoires viennent illustrer les analyses. « Le plus amusant, quand on fait de l’histoire, est de consulter les archives policières et judiciaires, qui nous amènent à ce qu’il y a de plus trivial », explique l’auteur. Au cours de la période explorée, le type d’objets volés a beaucoup évolué. On est passé de petits butins alimentaires à des biens non-nécessaires à la survie.

« Je crois que le lapin, c’est ce qu’on vole le plus au XIXe siècle, révèle-t-il, puis, on va voir se déplacer la menace vers des objets qui ont plus de valeur, comme la bicyclette, c’est le grand objet volé du XXe siècle. Les vols d’automobile commencent à partir des années 1930, puis ceux des disques, dans la France des trente glorieuses. Mais aussi les livres, jusqu’au téléphone aujourd’hui ».

Car si l’inquiétude de se faire voler quelque chose a mué parallèlement à la société, nul ne dira qu’elle a disparu en 2021. Une voix vient souvent le rappeler aux usagers du métro qui l’aurait oublié : « Attention, des pickpockets peuvent être présents à bord ».

Retrouvez l’intégralité de l’émission ici.

« Propriété défendue : La société française à l’épreuve du vol, XIXe et XXe siècles » - Arnaud-Dominique Houte - Editions Gallimard

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