Gestion des enseignants :  le rapport sévère de la Cour des comptes

Gestion des enseignants : le rapport sévère de la Cour des comptes

Dans son rapport « Gérer les enseignants autrement, une réforme qui reste à faire, » publié mercredi, la Cour des comptes plaide pour une « nouvelle politique des ressources humaines. » 
Public Sénat

Par Helena Berkaoui

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Les sages de la rue Cambon épinglent la mauvaise gestion des professeurs par l’éducation nationale. La haute institution déplore le fait que « l’État n’a(it) pas mis à profit l’effort budgétaire consacré à l’éducation nationale » ces dernières années. Un échec qui serait essentiellement dû à la « déconnexion entre des leviers majeurs de la gestion des enseignants. » La Cour des comptes réclame une stratégie coordonnée de gestion des ressources humaines dans l’éducation nationale. Dans la droite ligne de son précédent rapport publié en mai 2013 : « Gérer les enseignants autrement  », ils fixent une liste de recommandations pour transformer le système éducatif.

Enseignants absents non remplacés

« Les absences des enseignants de l’enseignement public représentent 13,6 millions de journées en 2014-2015 » révèle la haute institution. La Cour des comptes  pointe la difficulté des remplacements pour les absences de courte durée (moins de 15 jours), son enquête révèle que ces absences ne seraient couvertes que dans 5 à 20 % des cas dans le secondaire. Une situation qui témoignerait de la rigidité de gestion des ressources humaines et du manque de prérogatives des responsables d’établissement.

Hausse des professeurs débutants affectés dans des écoles « difficiles »

Le rapport relève que le nombre d’enseignants néotitulaires affectés en établissements réputés « difficiles » est passé de 1 738 en 2011 à 3 185 en 2016. L’affectation des enseignants ne tient pas compte des besoins qualitatifs de l’éducation nationale, explique-t-ils. La Cour des comptes note aussi que les « postes à profil » sont trop peu utilisés et que les chefs d’établissement sont insuffisamment associés au processus d’affectation. La haute institution invite le ministère de l’Éducation à « accroître l’attractivité de certains postes par des mesures indemnitaires et de carrière. »

Un système de formation à améliorer

La Cour des comptes regrette que la formation des enseignants arrive tard dans le cursus universitaire, après la licence. Selon le rapport, débuter la professionnalisation plus tôt éviterait des erreurs d’orientation et simplifierait un parcours qui peine à articuler les concours et la formation au métier. Par ailleurs, ils plaident pour que l’université prenne davantage en compte les besoins de l’éducation nationale. Les futurs enseignants sont souvent issus de filières littéraires alors même que le niveau des élèves français « se situe en deçà des moyennes internationale et européenne » selon la dernière étude l’étude internationale TIMMS

Le rapport plaide aussi pour l’intégration de la formation continue dans les obligations de service des enseignants. La Cour des comptes note que la formation continue « constitue une obligation professionnelle et une condition à l’obtention d’une promotion » dans la majorité des pays européens, « ce qui n’est pas le cas en France. »

Renforcer les responsabilités des directeurs d’école et chefs d’établissement

La Cour des comptes regrette le rôle « encore trop incertain » des responsables d’établissement. Dans le premier degré, les directeurs d’école ne jouent aucun rôle dans l’évaluation des enseignants, en cause l’absence d’un véritable statut. Dans le second degré, Le chef d’établissement dispose théoriquement d’une autorité sur les personnels mais ne participe pas aux décisions d’affectation. Le rapport souligne que le renforcement des prérogatives des responsables d’établissement est crucial tant il concourt à la continuité du service public.

Annualiser les obligations de service des enseignants

« L’amélioration des rémunérations doit avoir notamment pour contrepartie des obligations de service revues, tendant à l’annualisation du temps d’enseignement et à leur extension à une mission comme le remplacement » indique le rapport. La Haute juridiction préconise de fixer le nombre d’heures de travail sur une année et non plus sur une semaine comme c’est le cas actuellement. Cette mesure pourrait participer à faciliter le remplacement des professeurs absents.

Dans une réponse au rapport de la Cour des comptes, Jean-Michel Blanquer, le ministre de l’Éducation, a déclaré que « la politique des ressources humaines nécessite en effet une vision globale et systémique, permettant de valoriser le métier d'enseignant et portant aussi bien sur le recrutement et la formation, initiale et continue, que sur la gestion et la diversification des carrières. »

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