Promis, il n’a pas d’ambition. Gérard Larcher n’est « pas candidat à l’élection présidentielle de 2022 ». Le président LR du Sénat l’a assuré, ce lundi matin sur RTL. S’il devait jouer un rôle, ce serait seulement en raison de « l'article 7 alinéa 4 de la Constitution. C'est le rôle du président du Sénat d'assumer l'intérim (en cas de décès du Président, ndlr), point à la ligne ». Et « la seule chose à laquelle (il) pense, c'est d'achever(sa) tâche en tant que président du Sénat ».
Pourtant, la petite musique sur les ambitions du deuxième personnage de l’Etat se fait entendre depuis quelque temps. Elle ne part pas de rien. Il y a d’abord les conventions qu’il a lancées en juin dernier, après la déroute des LR aux européennes, afin de reconstruire la droite et le centre. « Gégé », comme l’appellent ses collègues du groupe LR, a labouré le terrain avec 11 conventions en régions. Sans compter ses autres déplacements comme président du Sénat. Le point d’orgue sera donné avec une convention nationale, ce jeudi, à Sèvres. Il devrait y développer l’idée d’une verticalité inversée, qui part des territoires. Les présidents de région de droite ne seront cependant pas présents, mais s’exprimeront simplement par vidéo.
Il y a aussi ses propos tirés du livre d’entretiens à paraître bientôt, « Contre-pouvoir » (ed. L’Observatoire). « Si les événements et les circonstances politiques le décidaient, j’assumerais. Mais ce n’est pas le rêve de ma vie. Mon premier engagement, c’est le Sénat » explique-t-il à la journaliste Marion Mourgue. Paris Match rapporte aussi cette petite phrase, répondant au centriste Hervé Morin, lors de la Fête de la pomme, en Normandie : « A toi, je peux l’avouer. Je ne suis pas candidat. Mais si les conditions se présentent, je finirai par me dévouer »… Début septembre, il expliquait « assumer » son rôle d’opposant à Emmanuel Macron.
« Je ne sens pas la France en attente de Gérard Larcher » (un ministre)
Dans les allées du pouvoir, la rumeur n’a pas échappé à certains, comme ce ministre : « J’ai longtemps pensé qu’il était seulement préoccupé par sa réélection au Sénat. Mais il y en a de plus en plus qui disent que Gérard Larcher a des ambitions qui dépassent le Sénat ». Le même se rassure cependant. « Je ne sens pas la France en attente de Gérard Larcher » dit ce membre du gouvernement.
A l’évocation du sujet, un responsable de la majorité LREM ne peut s’empêcher de (sou)rire. La menace n’en serait pas une. Mais il ajoute, prudent : « Je ne sous-estime par Larcher, le mec qui a niqué (sic) Raffarin pour la présidence du Sénat. Il est madré, malin ».
« Ce serait un bon candidat »
Pour une droite toujours en convalescence, la lumière pourrait-elle venir du Palais du Luxembourg ? En sondant les sénateurs du groupe LR du Sénat, certains ne seraient pas contre, même si la prudence reste de mise. « Il est évident que s’il y avait un problème et qu’on allait chercher Gérard Larcher en lui disant « tu es le recours », qui refuserait d’y aller ? » se demande Catherine Procaccia, sénatrice LR du Val-de-Marne. « Ce serait un bon candidat. Il aurait mon soutien en tout cas » dit même Michel Raison, sénateur de Haute-Saône, « il a la capacité intellectuelle, une force naturelle de rassembleur, il n’est jamais sectaire ».
Des sénateurs LR l’encouragent parfois, quand ils le croisent. « C’est vrai qu’il est fréquent que certains d’entre nous lui disent, tu pourrais y aller. C’est en sourdine depuis la chute de Fillon en fait » raconte un membre du groupe. « Aujourd’hui, Gérard fait la synthèse de ce qu’est la France » ajoute un autre.
La présidentielle « n’est pas le cœur de son ambition »
Sa position institutionnelle, mêlée aux difficultés de la droite, le mettent au centre du jeu. Ce serait peut-être son moment. Le sénateur LR de la Haute-Marne Charles Guené, qui le connaît bien pour chasser avec lui, décrit ainsi le contexte :
« Il sait très bien qu’en étant deuxième personnage de l’Etat, ça peut lui arriver. Il a toujours été dans cet état d’esprit-là. Et il a le sens des responsabilités car il sait très bien que la droite étant dans la situation dans laquelle elle est, il est sans doute la personne qui pourrait mettre tout le monde d’accord ».
Celui qui a succédé à Gérard Larcher à la tête de l’amicale gaulliste du Sénat tempère cependant la volonté du sénateur des Yvelines de se « dévouer » pour son camp. « Quand il dit ça, là aussi, c’est avec le sens des responsabilités. Sous-entendu, s’il n’y avait pas d’autres recours. Ce n’est pas quelqu’un qui y pense tous les jours en se rasant. Ce n’est pas son plan de carrière. Pour en parler de temps en temps avec lui, je pense que ce n’est pas le cœur de son ambition, qui reste avant tout le Sénat » décrypte Charles Guené.
« Il est l’un des rares qui parle avec tout le monde »
Plutôt que nourrir une ambition personnelle, beaucoup voient avant tout son action comme une volonté de rassembler une droite divisée. « C’est une espèce de casque bleu au service de notre famille politique » lance Jean-François Husson, sénateur LR de la Meurthe-et-Moselle et membre du mouvement de Valérie Pécresse, "Libres !" ». « Evidemment, c’est un acteur qui pèse, dans tous les sens du terme, c’est lui-même qui le dit. Ses fonctions lui donnent une place éminente ». En référence à sa première vie professionnelle, le sénateur ajoute :
« Gérard Larcher est un peu le véto de la France. S’il nous aide à reconquérir une médaille pour gouverner ce pays, je dis bravo »
« J’ai fait plusieurs de ses conventions. Il est vraiment dans une démarche où il veut réunir tous les acteurs et sensibilités, à partir des territoires. C’est le seul qui arrive globalement à mettre tout le monde autour de la table » souligne Philippe Mouiller, vice-président du groupe LR, lui aussi proche de Valérie Pécresse. « Il est l’un des rares qu’il parle avec tout le monde. Quand il va dans les Hauts-de-France, il y a Xavier Bertrand, Gérald Darmanin et Valérie Létard » confirme Hervé Marseille, président du groupe centriste du Sénat.
Si à l’avenir, Gérard Larcher estimait malgré tout être en capacité de jouer un rôle national, cela n’arrangerait pas certains, à commencer par Xavier Bertrand et Valérie Pécresse, mais aussi, au sein même du Sénat, Bruno Retailleau. Le président LR du Sénat ne cache plus vraiment ses ambitions pour 2022. Il pourrait peut-être se présenter pour défendre ses idées. Pas tout à fait celles de Gérard Larcher en tous points, pour le coup.
« Il connaît ses points de faiblesse »
Au sein du groupe, le sujet pourrait diviser. « Bruno Retailleau est moins œcuménique, car il est plus marqué, avec ses idées liées à son côté très pratiquant. Il est moins laïc » estime le sénateur Michel Raison. « Ce n’est pas un inconvénient en soi, mais ça peut l’être si ça ressort trop de ses raisonnements. Je lui ai déjà dit. Mais il est très intelligent, si c’était lui, il saurait faire » ajoute le sénateur de Haute-Saône. « Les gens ne voient pas Retailleau comme leur possible candidat à la présidentielle » estime aussi un autre sénateur LR, qui ajoute aussitôt : « Mais ils ne voient pas plus Gérard non plus ».
Spontanément, plusieurs sénateurs du groupe soulignent une difficulté, d’ordre politique, pour le président du Sénat. Elle serait liée à son âge. « Il a quand même 70 ans, il est comme moi » constate Charles Guéné. Il ajoute un autre point, crucial : « Le grand public ne l’attend pas forcément. Il a toujours eu un positionnement sénatorial ». Un sénateur du groupe assure qu’« il connaît ses points de faiblesses actuels », il « en a conscience ».
L’ancien ministre du Travail peut déjà s’appuyer sur sa force rassembleuse. Selon la sénatrice des Yvelines, Sophie Primas, qui le connaît bien aussi, Gérard Larcher agit vraiment pour le collectif. « Son objectif aujourd’hui est de recréer une famille élargie, en capacité de générer un ou plusieurs candidats en 2022. C’est l’homme de la situation pour rassembler la famille. Qu’il soit candidat à la présidentielle est une hypothèse beaucoup plus lointaine et floue » estime la sénatrice, qui ajoute même qu’« il prépare le terrain pour celui ou celle qui émergera et aura la capacité à rassembler ». Reste à savoir qui. D’autant qu’il peut se passer encore beaucoup de choses. Comme dit Hervé Marseille, « 2022, c’est une éternité en politique ».