Gel : « Il faut réformer l’ensemble du système d’assurance » des exploitations agricoles, selon Laurent Duplomb
Dans les nuits du 5 au 8 avril dernier, plusieurs centaines de milliers d’hectares en France ont été impactés par le gel. Dix régions métropolitaines sur treize ont été touchées. Le Premier ministre Jean Castex a annoncé le déplafonnement du dispositif des calamités agricoles et le déblocage d’un fonds exceptionnel en soutien aux producteurs impactés. Car très peu d’agriculteurs sont assurés contre le gel. Les sénateurs proposent de réformer le système d’assurance en cas d’aléa climatique.
Par Flora Sauvage
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« C’est une catastrophe sans commune mesure depuis deux siècles, des parcelles qui avaient été épargnées par les épisodes virulents de 2017 et de 1991 ont parfois gelé en totalité », souligne Nathalie Delattre, vice-présidente du Sénat et coprésidente de l’Anev, l’Association nationale des élus de la vigne et du vin. Pour la sénatrice de Gironde, également viticultrice, « se dessine de plus en plus clairement le risque de disparition de ce qui fait la France, dans son patrimoine, dans ses paysages, mais aussi dans les fondements de son économie ». « Il y a des départements où la perte est proche de 100 % » ajoute Laurent Duplomb, sénateur LR de Haute-Loire, « et donc c’est la totalité de la production de l’année qui pour certains arboriculteurs ou viticulteurs, qui va complètement disparaître ».
Un constat calamiteux que partage Daniel Laurent, président du groupe d’étude de la vigne et du vin au Sénat. Dans son exploitation de 40 hectares située dans la région de Cognac, 60 % de ses vignes ont été touchées par le gel. « Jusqu’à aujourd’hui, les épisodes de grêle étaient très périodiques, mais désormais avec le réchauffement de la planète, les aléas climatiques sont plus fréquents », explique le sénateur Les Républicains de Charente-Maritime.
30 % des agriculteurs ne sont pas assurés
Se pose alors la question des assurances. Environ 30 % des agriculteurs n’ont pas souscrit d’assurance en cas d’aléa climatique. « Pendant 30 ans, j’ai payé une assurance contre le risque de grêle mais j’ai été sinistré une fois seulement et mon exploitation a été touchée à 50 %, j’aurais mieux fait de ne pas payer cette assurance ! », glisse Daniel Laurent. Son collègue Henri Cabanel, viticulteur et sénateur RDSE de l’Hérault, a une exploitation de 28 hectares. Début avril, 90 % de ses vignes ont été touchées par le gel. Le viticulteur avait souscrit une assurance contre la grêle mais pas contre le gel car le système d’assurance l’oblige à assurer toutes ses terres alors qu’ « une infime partie » de ses terres est susceptible de geler « en temps normal ».
Daniel Laurent se désole aujourd’hui pour les « jeunes agriculteurs dans le désarroi le plus complet, qui ont des échéances d’emprunt à rembourser ». Et il réclame que les agriculteurs qui ont contracté un PGE (prêt garanti par l’Etat) puissent étaler les remboursements sur une dizaine d’années.
Calamités agricoles déplafonnées
Alors que des centaines d’exploitations arboricoles, viticoles et céréalières ont été impactés par le gel, Jean Castex a annoncé le déploiement rapide de mesures de soutien. Le dispositif de calamités agricoles va être déplafonné a précisé le Premier ministre. Deux hypothèses sont à l’étude. L’Etat pourrait abonder le fonds au-delà des 120 millions d’euros et les taux d’indemnisation pourraient être plus importants que prévus.A l’heure actuelle, le régime des calamités agricoles indemnise les pertes de récoltes et les pertes de fonds causées par des variations anormales d’intensité d’un agent naturel climatique (sécheresse, inondation, gel…). Ce fonds est alimenté par une taxe de 5,5 % sur les assurances obligatoires. Cette cotisation est plafonnée à 60 millions d’euros par an et l’Etat complète avec des subventions en cas de sinistres climatiques importants. Mais pour entrer dans le dispositif des calamités agricoles, un paysan doit avoir 30 % de perte de rendement et 13 % de perte de chiffre d’affaires. Et les viticulteurs ne peuvent pas bénéficier de ce dispositif puisqu’ils ont la possibilité de souscrire à une assurance.
Nouveau modèle
Au-delà du régime des calamités agricoles, une proposition de résolution visant à encourager le développement de l’assurance récolte avait été adoptée et défendue au Sénat en juin 2020, par Yvon Collin, Henri Cabanel, et Nathalie Delattre. L’objectif était d’encourager la simplification des contrats assurance récolte et de baisser le seuil de déclenchement du niveau des pertes de rendement de 30 % à 20 %. Pour Henri Cabanel, après cet épisode de gel qui a fortement impacté les exploitations agricoles début avril « il est essentiel de réfléchir à un nouveau modèle, appuyé sur une solidarité nationale, telle que l’a évoqué le ministre. Il faut qu’on ait un débat sur cette question » du système d’assurance contre les aléas climatiques estime-t-il. Le ministre de l’Agriculture de l’époque Didier Guillaume avait annoncé en juin 2020 son souhait de mettre en place une assurance récolte plus incitative estimant que « face aux aléas climatiques, l’Etat ne peut pas tout ». Pour Daniel Laurent, « il est primordial que l’Etat négocie avec les assureurs afin d’inciter les agriculteurs à prendre une assurance au lieu de donner des aides a posteriori ». Selon Laurent Duplomb, c’est l’ensemble du système d’assurance des agriculteurs qui doit être réformé.
Une proposition de loi en 2016
En 2016, Franck Montaugé, sénateur socialiste du Gers avait déposé une proposition de loi adoptée au Sénat qui visait à instituer un fonds de stabilisation des revenus agricoles afin de prévenir les risques. Mais sa proposition de loi n’avait pas été reprise par les députés. Dans son département du Gers, le vignoble de l’Armagnac a été détruit à près de 70 % par le gel. Selon le sénateur socialiste, il faut se poser la question de rendre obligatoire l’assurance. « Si l’ensemble des agriculteurs sur le territoire national sont obligés de souscrire à une assurance, vous avez des assureurs qui regarderont certains risques différemment », explique l’agriculteur. « Chez moi, dans le Gers, les assureurs refusent de couvrir mes prunes contre le gel car c’est un risque à perte selon eux », ajoute-t-il.
Premières aides mi-juin
Après une année difficile pour les viticulteurs, marqués par la fermeture des bars et des restaurants, la diminution des exportations et la taxe Trump sur le vin à 25 % qui a fait perdre 400 millions d’euros aux viticulteurs français, le secteur viticole « doit être soutenu par l’Etat », ajoute Daniel Laurent.
Une réunion de crise s’est tenue ce mardi autour du ministre de l’Agriculture. Julien Denormandie a annoncé la mise en place d’un fonds d’urgence pour les agriculteurs qui n’étaient pas assurés contre le gel. Et il s’est fixé pour objectif que les premières aides arrivent mi juin/début juillet. Selon le ministre de l’agriculture, « si on veut avoir un système assurantiel agricole pérenne, je pense qu’il faut en appeler à une solidarité nationale », imaginant une contribution de l’Etat à ce système. Une nouvelle réunion de la cellule de crise est prévue la semaine prochaine.
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